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12. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Ducis et lui, quoique admirateurs, dès le Consulat de Bonaparte, refusèrent la fortune et les honneurs qu’il leur offrit, ainsi qu’à l’honnête Lemercier. […] La famille de Pelleport avait perdu toute sa fortune, et regarderait comme la plus belle des fortunes l’union du plus grand philosophe religieux et du plus sensible poëte du siècle. […] Elle avait sacrifié ses intérêts aux vôtres, et vous avait préféré à la fortune, comme la seule récompense digne de sa vertu. […] Voyez comme un pas vers la fortune nous a précipités tous d’abîme en abîme. […] Elle eut le chagrin de voir que sa fortune passerait après elle à des parents qu’elle haïssait.

13. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Voilà le second ministre (l’autre était M. de Seignelai) que vous voyez mourir depuis que vous êtes à Rome ; rien n’est plus différent que leur mort, mais rien n’est plus égal que leur fortune et leurs attachements, et les cent mille millions déchaînés qui les attachaient tous deux à la terre. » Elle ne croyait donc pas, quand elle écrivait ceci et qu’elle le montrait si ancré et comme rivé au sommet de la fortune, que cette mort soudaine n’eût fait que le sauver d’une disgrâce. […] Né en janvier 1641 et de trois ans plus jeune que Louis XIV, Louvois comprit dès l’enfance la vérité de ce que La Bruyère, a mis en maxime : Jeunesse des princes, source des belles fortunes . […] Louvois tira Vauban d’affaire ; il ne lui sauva pas seulement sa très-médiocre fortune, il sauva son honneur de toute tache et de tout soupçon. […] On assiste à tous les pas que font la fortune et la gloire de Vauban, c’est-à-dire à tous les services que ce guerrier citoyen rend à son pays. […] La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais, en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère, si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même souffrir l’imagination sans horreur. » Honneur et vertu !

14. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

. — influence de la fortune sur les mœurs littéraires. — balzac, messer milione. […] Moyennant cette somme considérable (on ne dit pas le chiffre précis), l’illustre poëte aurait pu rétablir, ajoute-t-on, une fortune qu’on disait fort endommagée et retrouver cette noble aisance de grand propriétaire qui lui sied si bien : Des bois dont le murmure et l’ombre sont à moi. […] — Il est impossible pourtant de ne pas remarquer l’influence que doivent exercer de tels coups de fortune sur les œuvres littéraires qui en dépendent. […] En un mot, on peut soutenir, sans crainte de calomnier son temps, qu’il y a un rapport assez exact entre l’état des mœurs littéraires et le taux des profits qu’on tire des lettres ; les plus grandes fortunes correspondent à des époques de décadence. […] Notez encore l’action séductrice que les trois ou quatre grandes fortunes littéraires d’un temps exercent sur la foule des jeunes gens et sur les rangs secondaires de la littérature.

15. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

La plus grande partie de la correspondance de Vauvenargues avec Saint-Vincens roule sur des difficultés de situation et de fortune. […] Gilbert a rassemblé à ce propos différents passages de ses maximes et de ses caractères, qui se rapportent évidemment à cette situation personnelle ; on le soupçonnait auparavant, on en est sûr désormais : et par exemple dans ce portrait de Clazomène qui est tout lui : « Quand la fortune a paru se lasser de le poursuivre, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, la mort s’est offerte à sa vue ; elle l’a surpris dans le plus grand désordre de sa fortune ; il a eu la douleur amère de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, et n’a pu sauver sa vertu de cette tache. » L’amitié si tendre, si familière, que nous voyons établie entre Vauvenargues et Saint-Vincens nous permet de nous figurer en la personne de ce dernier un de ces amis dont La Fontaine avait vu des exemples autre part encore qu’au Monomotapa : Qu’un ami véritable est une douce chose ! […] On souffre de voir cet homme distingué et qui promettait presque un grand homme, si à la gêne et si peu favorisé de la fortune qu’il ne peut faire un voyage en Angleterre, où l’appelleraient ses études et aussi des médecins à consulter pour ses yeux et pour ses autres infirmités ; on souffre de le voir ne venir d’abord à Paris qu’à la volée et n’y rester que peu de temps par les mêmes raisons misérables. […] Dieu m’a donné, pour mon supplice, une vanité sans bornes et une hauteur ridicule par rapport à ma fortune ; mais je ne suis pas assez sot pour la placer aussi mal. […] Vauvenargues ne saurait mieux marquer par quelle extrémité de fortune et, pour ainsi dire, par quelle contrainte du sort il est arrivé comme malgré lui à livrer au public les productions de sa plume, à se faire homme de lettres ; et quand Saint-Vincens, qui n’a pas lu encore l’ouvrage et qui en a entendu dire du bien, lui en renvoie par avance de flatteuses louanges, voyez de quel air il les accueille ; il en est presque humilié : Je suis bien touché de la part que vous voulez prendre aux suffrages que mon livre a obtenus ; mais vous estimez trop ce petit succès.

16. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Ils ont passé, dès l’enfance, par tant de fortunes diverses ! […] Son humble fortune y était engagée, et même, ô cruauté ! […] le docteur Loewe finit par mettre aux pieds d’Anna sa fortune et sa main. […] Ce sont là trois fortunes bien diverses. […] À fortune égale, il donnera la préférence à la petite brune.

17. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

L’homme est tellement fait pour le deuil, la tristesse, le désastre ; sa destinée est si bien l’inachèvement en toutes choses, que les grands efforts, les grands caractères, le génie, répandus en pure perte sur cette terre qui boit tout indifféremment, le sang et les larmes, nous prennent le cœur bien plus que le succès, les résultats éclatants, les fortunes ! […] Ruiné en très peu de temps par le train d’une vie que ne comporte plus en France la médiocrité des fortunes, il ne s’appliqua pas sur le front le pistolet qui fit long feu quatre fois sur le front prédestiné de Clive. […] Au lieu de se suicider, il passa en Algérie, où il montra une intelligence profonde de la colonisation et où il se fût créé une haute position et une vaste fortune si la révolution de 1848 n’avait renversé tous ses plans. […] Vus de cette hauteur, de ces cinq années passées à chercher une fortune pour la France et pour lui, les autres détails de cette biographie paraissent insignifiants, si attachants, si curieux qu’ils puissent être, et tant on est enlevé dans une sphère supérieure à ces détails ! […] Fortune, amis, jeunesse, amours, feuille qui vole Et que le temps emporte et qu’il ne rend jamais, Bientôt tu perdras tout !

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