À cette date de 1665, contemporaine des Satires, antérieure de deux ans à Andromaque, de cinq aux Pensées, les Maximes sont un événement considérable, et par leur fond, et par leur forme. […] Parmi les courtisans et gentilshommes dont on a des lettres, deux nous arrêteront comme des types largement représentatifs : Bussy et Saint-Evremond, deux hommes d’esprit dont l’esprit a causé le naufrage, et qui ont vieilli sans emploi, en exil, l’un au fond de la Bourgogne, l’autre en Angleterre : Bussy355, vaniteux et tempérament brutal, esprit fin, souple et sec, sans fantaisie et sans flamme, d’un goût sûr plutôt que large, d’un style net et propre en perfection, railleur, flegmatique et dangereux ; Saint-Evremond356, spirituel et négligé, jouissant de sa nature avec un complet abandon, libertin de mœurs et de croyance, d’un goût original, à la fois Louis XIII et Régence sans rien de Louis XIV, laissant aller son style et dépouillant la préciosité par haine de l’effort et de la prétention. […] Au fond, elle saisit mieux les idées que la poésie. […] Elle, la raison même, Racine était son poète, tandis que Mme de Montespan goûtait mieux Boileau : ces préférences mettent à nu le fond des âmes.
De courtes scènes dialoguées dont le fond se réduit à ceci : que la femme est fragile, qu’elle est contredisante, qu’elle est capricieuse, qu’elle aime les soldats, qu’elle aime les mauvais sujets. […] Je suis si tranquille sur le fond ! Le fond, c’est quelque idée fausse, incomplète, ou qui même me répugne ; ou bien, c’est quelque idée toute simple, même banale, et que le poète laisse banale, comme Dieu l’a faite. […] Puis, comme la moindre idée lui suggère une image, et comme ensuite les images s’appellent et s’enchaînent en lui avec une surnaturelle rapidité, le sujet qu’il traite a beau être maigre et court dans son fond, la forme dont il le revêt est un vaste enchantement, Ces correspondances qu1il saisit entre les choses nous intéressent par elles-mêmes.
Au contraire, Pouchkine n’est pas moins concis pour le fond que pour la forme, et chacun de ses vers est le fruit d’une réflexion approfondie. […] Je n’ose avoir une opinion, moi profane ; mais il me semble que le poète sera trop souvent tenté de sacrifier le fond à la forme. […] Eugène Onéguine est un joli garçon de Saint-Pétersbourg, atteint de tous les défauts de sa génération, mais ayant au fond du cœur quelque chose d’élevé et même une certaine dose de philosophie. […] Il pourrait bien la mettre à mal : mais il est honnête homme au fond, et il éprouve quelque plaisir à se trouver dans une situation contraire à celle où il a été toute sa vie.
Au seizième siècle la philosophie chrétienne n’est encore que la science de la religion restaurée le christianisme en fournit le fond et la matière le paganisme en fournit la méthode. […] Mais ce premier principe demeure comme le fond de la réforme religieuse ; et quand on y regarde de près, on reconnaît dans toutes les institutions de détail du protestantisme cette mise en suspicion des œuvres. […] L’idéal de notre littérature apparaît dès cette première moitié du xvie siècle : c’est Rabelais quand il ne laisse pas sa raison au fond de la dive bouteille ; c’est Calvin, quand il n’allume pas le bûcher de Servet. […] En effet, Calvin ne changea rien au fond de sa doctrine ; c’est par le nombre et le développement des preuves que son ouvrage s’accrut.
Ils veulent un état moral où tout soit rigoureusement formulé, et ils se contenteront d’un fond misérable, pourvu qu’on leur accorde cette forme à laquelle ils tiennent tant. […] Il me comprit parfaitement, et il s’ensuivit entre nous une longue conférence d’une heure et demie, où, pour la première fois de ma vie j’exposais à un homme le fond de mes idées et de mes doutes sur le catholicisme. […] On peut être à Paris bien plus seul qu’au fond d’un désert, et je l’éprouve. […] Je marchai donc ; mais je prends Dieu à témoin de la pensée intime qui m’occupait et du vœu que je fis au fond de mon cœur.
La conscience est une connaissance intuitive qui constitue le fond de nos états mentaux, lesquels n’existent que dans la conscience et par la conscience : avoir une idée, une sensation, c’est en réalité avoir conscience d’une idée, d’une sensation82. […] Voisinage et éloignement ne signifient dans leur bouche rien de plus que temps court ou temps long, que le plus ou moins grand nombre des sentiments intermédiaires, entre le premier et le dernier des sentiments éprouvés. » En somme, l’idée d’espace est au fond une idée de temps, et la notion d’étendue ou de distance est celle d’un mouvement des muscles, continué pendant une durée plus ou moins longue. […] Mais les meilleures autorités philosophiques ne supposent plus maintenant que n’importe quelle cause exerce sur son effet cette coaction mystérieuse110. » Le tort des nécessitariens, c’est d’entendre par la nécessité qu’ils reconnaissent dans nos actions plus qu’une simple uniformité de succession qui permet de les prévoir : ils ont au fond l’idée qu’entre les voûtions et leurs causes il y a un lien beaucoup plus serré. […] Mais ce pouvoir directeur, cette faculté de nous placer dans les circonstances favorables à notre perfectionnement, qu’est-elle au fond ?