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510. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Sous Paul III, Ignace de Loyola fondait cette fameuse compagnie qui devait être le boulevard de l’Église romaine et qui, prenant le principe du catholicisme pour en faire la base de ses constitutions, en exprimait tout ce qu’il contenait de foi, de charité et d’obéissance aveugle. […] Le doute, qui faisait craquer tout en Europe, l’avait-il saisi comme les autres, non dans sa foi à la destinée éternelle de l’Église, mais dans sa foi à sa destinée dans le temps, à sa destinée de passage ? […] L’ambition humaine souffre de cela, mais la conscience religieuse, avec sa foi inaliénable et profonde, en souffre bien davantage.

511. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

On a même quelques lettres d’intendants de province qui font foi à cet égard. […] Cette religion évangélique purement morale, dans laquelle le prêtre n’est plus qu’un officier de bonnes mœurs et un agent de bienfaisance ; où l’on espère passionnément en l’autre vie, même quand on n’en est pas très sûr, mais parce que c’est une croyance utile et salutaire ; où le curé en cheveux blancs, qui ne sait que donner et pardonner, ressemble à un bon père de famille souriant selon la maxime que « l’air gracieux et serein doit être la parure de l’homme vertueux » ; cette religion du curé de Mélanie et à la Boissy-d’Anglas, religion de tolérance, de doute autant que de foi, et où l’arbitre du dogme ne trouve à dire à son contradicteur dans la dispute que cette parole calmante : « Je ne suis pas encore de votre avis », comme s’il ne désespérait pas de pouvoir changer d’avis un jour ; ce théisme doucement rationalisé et sensibilisé, à ravir un Bernardin de Saint-Pierre et à attendrir un Marmontel, n’est pas du tout la religion de Fénelon, comme on l’a souvent appelé, mais c’est bien la religion de l’abbé de Saint-Pierre.

512. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Les beautés des tragiques et des lyriques, les grandeurs d’Homère se dérobaient par mille côtés, et par leurs côtés peut-être les plus sacrés : on en parlait à la légère, presque sur ouï-dire, un peu sur la foi de l’écho, et, même en les célébrant, on courait risque d’en méconnaître et d’en altérer le caractère. […] Pour moi donc, ce serait au nom du scepticisme même, de ce scepticisme légitime qu’il convient d’opposer aux conjectures systématiques des Modernes en des profondeurs si reculées, que je me retrancherais, s’il le fallait, dans la vieille foi sur le poëte.

513. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Il n’est point l’auteur de sa foi ni de sa loi ; l’Eglise et l’Etat ne sont pour lui que des gendarmes. […] Nous ne savons marcher qu’au signal d’autrui sous un chef, et dans les compartiments du grand établissement latin qui, par l’Eglise, l’Etat, le droit, la langue, la foi, les lettres, nous enrégimente et nous mène depuis dix-huit cents ans.

514. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Il procéda à l’élimination des éléments trop décidément irréligieux que la Renaissance avait introduits dans l’Église ; il reconnut aussi sa corruption, et s’efforça d’y remédier par une énergique restauration de la foi, de la science et des mœurs. […] D’assez bonne maison pour ne pas s’inquiéter trop de sa fortune, aventureux et aventurier, il n’a l’âme ni féodale ni moderne : sans foi chevaleresque, et sans patriotique affection, il court le monde, pour sa fortune, mais surtout pour voir, curieux admirateur de tous les égoïsmes qui se déploient avec force ou avec grâce.

515. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Ce qui donne à ce demi-siècle sa physionomie, c’est d’abord la prédominance du positivisme scientifique sur la foi religieuse, en second lieu la prédominance des intérêts matériels sur les intérêts moraux, enfin la prédominance des questions politiques sur les questions sociales. […] Mais voici la vraie cause de sa faiblesse : au lieu qu’en 1830, la victoire du peuple sur la royauté violatrice de la Charte avait opéré la séparation du libéralisme et de la démocratie, en 1851 la restauration du pouvoir personnel réunit toutes les formes du libéralisme avec la démocratie dans une opposition irréconciliable : derrière les défenseurs de la légalité parlementaire se rangèrent les masses populaires des grandes villes, qui avaient foi encore à la République, au droit, à la liberté.

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