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27. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

La théorie de l’union et de la confusion de la raison et de la foi, qui n’est autre qu’une paraphrase des premiers versets de saint Jean, ne peut paraître claire qu’à ceux qui sont déjà persuadés à l’avance et illuminés. […] Jusque dans ses traits M. de Chateaubriand portait cet illustre combat de sa destinée contre elle-même : il y avait dans sa tête la majesté pensive de la foi, les rayons de la gloire et ceux de la solitude, mais non pas toute la paix du chrétien qui depuis longtemps s’est assis au Calvaire en face de la Croix. […] Écartons les querelles de mots et les confusions : pour qui lit ces lettres, comme pour qui a assisté aux conférences du Père, il est clair que la raison est subordonnée ; qu’elle a tort, selon lui, dès qu’elle n’est pas entièrement d’accord avec ce que l’auteur ou l’orateur déclare être la foi, et qui n’est, philosophiquement parlant, qu’un premier parti pris sur toutes les grandes solutions. […] Toujours, à l’origine, la foi qui ne doute de rien, la tradition qui se plaît aux habitudes, la routine encroûtée et tenace, se sont opposées à la recherche, et ont lancé d’abord injure et anathème à ceux qui la tentaient : toujours, la découverte une fois démontrée et accomplie, la foi, la tradition vaincues ont dû s’en accommoder, et, reculant un peu, elles ont réparé tant bien que mal leurs lignes rompues, déclarant, toute réflexion faite, que les derniers résultats ne changeaient rien en définitive aux antiques croyances et que, bien au contraire, celles-ci s’en trouvaient confirmées et raffermies. […] Ne tromper personne, à commencer par soi-même, ne s’en faire accroire ni à soi ni aux autres ; n’être ni dupe, ni charlatan à aucun degré ; ne jamais aller prendre et montrer des vessies pour des lanternes (je parle à la Rabelais), ou des phrases brillantes pour des idées, ou de pures idées pour des faits ; mettre en tout la parfaite bonne foi avant la foi ; c’est aussi là un programme très-sain et un bon régime salubre pour l’esprit.

28. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Assurément, je ne lui conteste pas sa foi, à cet écrivain qui la met cependant perpétuellement en dehors de la question d’histoire, mais il faut avouer qu’il n’a pas l’ambition de sa foi, et qu’il n’en a pas les regrets ! […] Il est philosophe comme Scapin, qui dit des malheurs qui le frappent : « Ma foi ! […] Déjà, avant ce moment d’apogée, saint Augustin, hérétique converti, avait dit, par pitié peut-être pour les hérétiques qui avaient été un instant ses frères, que la puissance séculière ne pouvait user de contrainte pour rétablir l’unité de la foi. […] Notre âge sans foi, corrompu presque autant qu’eux, en proie à une imagination qui est la seule faculté qui lui reste, a été dupe des qualités de ces Princes vicieux et brillants. […] … Eh bien, avec sa foi dans les pacifications de la tolérance, pour laquelle la République de M. 

29. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Lettre-préface à Henri Morf et Joseph Bédier » pp. -

. — Cette foi nouvelle hésitait encore, étonnée de sa propre hardiesse, lorsque je vous connus, cher ami Bédier ; notre longue promenade d’avril 1904, dans le jardin du Palais-Royal, et de là au Panthéon, m’est inoubliable ; votre confiance, votre amitié me révélaient enfin le Paris entrevu dans les livres, ce Paris dont je dis ailleurs, en des mots d’amour, qu’il est la ville du livre lumineux et du pavé sanglant, d’où l’idée prend son essor vers l’humanité. […] En effet, certains historiens de la poésie estiment qu’il suffit, pour en parler, de la science des dates et des sources, comme si, pour parler de peinture, il suffisait de connaître les lois de la perspective et celles des couleurs complémentaires ; ce n’est pas auprès de vous, chers amis, que je m’excuserai d’avoir aussi écouté les voix secrètes de la sympathie… Toute foi est faite de poésie ; et toute vie qui ne tend pas au seul pain quotidien est un acte de foi. […] Telle est bien aussi votre foi, chers amis.

30. (1891) Esquisses contemporaines

Le Journal en fait foi. […] Ce qui reste à la foi ? […] mon ami, n’est-ce pas là la foi et le salut promis à la foi ? […] C’est ainsi que la foi renaît à jamais de ses cendres. […] L’édifice du monde ancien reposait sur la foi à l’absolu.

31. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Une note de Mitscherlich vous troubla dans votre foi chimique. […] Lui, entier dans sa foi, ne voulut aucune atténuation à ce qu’il tenait pour la vérité. La foi démocratique, comme tous les genres de foi, est exposée à des tentations ; il y a quelquefois du mérite à y persévérer. […] Nature essentiellement religieuse, il ne douta que par la foi profonde et par respect de la vérité. […] Tout cela n’ébranlera pas votre foi en vos expériences ; l’acide droit restera l’acide droit ; l’acide gauche restera l’acide gauche.

32. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

La France de Voltaire souffrait d’être amputée de sa foi comme la Jeune France républicaine d’être amputée de ses rois. […] Les partisans du trône et de l’autel semblent moins les apôtres convaincus de leur foi que les avocats intéressés d’une cause retentissante. […] Ce sont les mêmes qui veulent nous ramener à la foi ancestrale, sans prendre garde qu’ils ont perdu l’humilité chrétienne et le véritable sens de l’Écriture. […] Ce n’est pas Raymond Brucker, romancier oublié, qui eut de la vogue entre 1830 et 1850, et qui mettait au service de la foi un bagout faubourien, un brio populacier dont un concile se fût à bon droit scandalisé. […] L’auteur des Déracinés nous a raconté ces heures de foi et d’enthousiasme qu’il passait chez son ami, dans la campagne lorraine.

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