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482. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Pour le reste des hommes, ne leur ouvrez jamais votre cœur… Notez que celui qui donne ce conseil était le plus expansif des hommes, le cœur qui, jusqu’à la fin, devait être le moins fermé. […] Ce qui était du Massillon à la fin du xviie  siècle est du Garat au commencement du xixe . […] Il y a cependant des parties fines, des anecdotes très bien contées, de petites scènes d’un effet dramatique. […] Dans l’éloge de Portal, voulant faire allusion au charlatanisme si connu dont ce médecin avait usé d’abord pour se mettre en renom, Pariset, après l’avoir couronné de tous les éloges, ajoute à la fin que « son seul tort, peut-être, a été, dans ses premières années, de prendre l’avenir en défiance, de ne pas croire à l’effet naturel de ses talents, et d’avoir voulu attacher des ailes à sa fortune ». […] Si l’on ne composait ces notices que pour les lire devant des confrères et des connaisseurs, gens du métier, on pourrait s’en tenir aux traits simples et rester dans un parfait accord avec le sujet ; mais les séances publiques amènent le désir et le besoin des applaudissements, et les applaudissements s’obtiennent rarement par des traits fins et justes, par des nuances bien saisies, ou même par des vues simplement élevées.

483. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Mais quand Beringhen, poussé par la réserve même qu’il rencontrait, eut dit positivement qu’il venait de la part de la reine, ce fut comme une baguette magique qui opéra : À ce mot, le fin Italien change de conduite et de langage, et passant tout à coup d’une extrême retenue à un grand épanouissement de cœur : « Monsieur, dit-il à Beringhen, je remets sans condition ma fortune entre les mains de la reine. […] Là, sans quitter le théâtre, il rapporte ses observations, toujours fines et quelquefois profondes. […] Le même Brienne, qui nous initie à ces secrets du cabinet et de l’oratoire, a raconté les dernières années et la fin de Mazarin de manière à rappeler les pages de Commynes, dans lesquelles le fidèle historien retrace la fin de Louis XI. […] Après une consultation de médecins, le célèbre Guénaud lui ayant nettement déclaré qu’il était atteint à mort et qu’il n’avait guère que pour deux mois à vivre, il se mit à penser sérieusement à sa fin, et il le fit avec un singulier mélange de fermeté, de parade et de petitesse.

484. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Âgé de près de soixante ans, presque entièrement aveugle, d’une physionomie sérieuse et fine qu’éclairait un demi-sourire, d’une parole facile, claire, élégante et même fleurie, d’une discussion tempérée et lumineuse, d’une vaste mémoire, consulté en sa maison ou apporté au Conseil sur sa chaise curule comme un vieillard homérique, il nous rend avec originalité ces personnages de l’antique Rome dont Cicéron a célébré les noms, les P.  […] Pour bien connaître et pour comprendre le Portalis de la fin, il faut le prendre à sa source et l’étudier dès le commencement : cela nous sera facile, grâce aux secours de tout genre qui nous ont été donnés. […] Tel il va nous apparaître dans les événements politiques qui signalèrent la fin du dernier siècle et le commencement du nôtre. […] Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même. […] Dans ce Mémoire, si plein de justice, de vérité et de toutes les droites inspirations humaines, on voudrait vers la fin quelques accents de plus, je ne sais lesquels, mais comme un Cicéron en aurait su trouver.

485. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

De telles témérités exprimées si nettement et sans aucun correctif du côté de la religion, si elles étaient venues un peu plus tard, auraient tiré à conséquence ; mais, à l’époque où écrivait Regnard et à cette fin de Louis XIV, elles ne passaient encore que pour les fusées d’un esprit qui s’amuse. […] Le caractère est bien soutenu, l’intrigue bel et bien nouée, les scènes pleines et sans langueur, l’action attachante et jusqu’à la fin en suspens, le style surtout dru, ample, aisé, délicieux. […] Je m’étais dit d’abord : cette fin n’est pas naturelle ; puisque Angélique aime réellement Valère, elle doit l’épouser malgré son défaut, et lui il continuera de jouer, sauf à la rendre malheureuse : ainsi les deux passions auront leur satisfaction et atteindront leur fin. […] Deux demoiselles de ses amies, des plus belles, dit un contemporain, et des plus spirituelles, « qui ont fait longtemps l’ornement des spectacles et des promenades de Paris », Mlles Loyson, — de plus, bonnes musiciennes, — allaient y passer les beaux jours et faisaient les honneurs du lieu ; il les a célébrées dans plus d’une chanson gaillarde et fine, qui s’est conservée.

486. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

(Fin.) […] Lorsque Franklin arrivait à Paris à la fin de décembre 1776, et que son voyage, qui allait devenir un séjour de huit années et demie, faisait à l’instant le sujet de tous les commentaires, ce n’était pas la première fois qu’il voyait la France : il y était venu déjà passer quelques semaines en septembre 1767 et en juillet 1769. […] Lorsque, sur la fin de sa vie, il apprit les premiers événements de juillet 89, il en conçut autant de méfiance et de doute que d’espérance ; les premiers meurtres, certaines circonstances dont la Révolution était accompagnée dès l’origine, lui semblaient fâcheuses, affligeantes : « Je crains que la voix de la philosophie n’ait de la peine à se faire entendre au milieu de ce tumulte. » — « Purifier sans détruire », était une de ses maximes, et il voyait bien tout d’abord qu’on ne la suivait pas. […] Son retour dans sa patrie, les honneurs qu’il y reçut, les légers dégoûts (car il en est dans toute vie) qu’il y essuya sans le faire paraître, son bonheur domestique dans son jardin, à l’ombre de son mûrier, à côté de sa fille et avec ses six petits-enfants jouant à ses genoux, ses pensées de plus en plus religieuses en avançant, lui font une fin et une couronne de vieillesse des plus belles et des plus complètes que l’on puisse imaginer. […] Un homme n’est point né complètement jusqu’à ce qu’il ait passé par la mort. » La fin paisible de ses vieux amis qui avaient vécu en justes lui paraissait comme un avant-goût du bonheur d’un autre monde.

487. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

On était à la fin du xvie  siècle ; le tsar et grand-duc de Russie Ivan IV, surnommé le Terrible, était mort en 1584, après un long règne ; malgré son surnom effrayant, il ne paraît pas que les peuples aient gardé de lui un souvenir trop odieux, et ce qui était de sa race leur était cher. […] Mais, quoi qu’il pût faire, Boris, venu sur la fin d’une dynastie révérée, ayant hérité d’elle avec ruse, et, selon le bruit public, avec crime, ne se releva jamais du vice de son origine, et, pour prix des réformes utiles qu’il tenta, ne recueillit que la haine. […] Sa fin est toute dramatique, et l’historien en a marqué le caractère en quelques mots qu’il n’avait qu’à pousser un peu pour atteindre, au drame ; mais M.  […] D’ailleurs il y a du rapport jusqu’à la fin, et don José, après avoir tué sa maîtresse, l’ensevelit dans la gorge de la montagne presque aussi pieusement que Des Grieux ensevelit la sienne dans le sable du désert. […] Ce sont ces touches fines et poétiques qui font le charme des jolis récits de M. de Musset.

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