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1171. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Comment retrouver les feux et les reflets du diamant réduit en poussière ?

1172. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Ils exécutaient des feux de salve, des tirs à volonté et même des feux rapides. […] Il venait de feuilleter, d’une main distraite, les Manuscrits et miniatures de feu M.  […] Triste logis : un feu de coke agonise dans le poêle, la lampe file et sent mauvais. […] On voit une mer de feu dont les vagues rougeoyantes engloutissent une femme qui n’essaye même pas de nager. […] De même, il y a des gens qui prennent un austère plaisir à voir courir des feux follets dans les cimetières.

1173. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

L’été, c’est la saison de feu ; C’est l’air pur et la tiède aurore : L’été, c’est le regard de Dieu ! […] Nulle part on ne voit aussi rapprochés et presque identifiés le feu dévorant de l’âme, et l’action physique non moins dévorante, s’accélérant enfin par ses propres effets. […] Le feu, même en été, ne vous réchauffe point. […] Sous son abri, je ne redoutais ni la maladresse d’un valet, ni la mienne ; ni les éclats du feu, ni la chute de l’eau. […] Mozart et Beethoven sont musiciens de naissance, fils de musiciens ; les germes du génie musical sont dans leur sang et dans leurs nerfs, avec ce feu dont ils brillent et brûlent.

1174. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

La cité lyonnaise y était particulièrement incriminée : le patriotisme de Camille Jordan prit feu à l’instant ; il se leva pour justifier ses compatriotes, accoutumés à être des victimes et non des auteurs de crimes ; « Bien loin, disait-il, de reprocher au Directoire son message, je lui en rends des actions de grâces, puisqu’il me fournit l’occasion de prendre à cette tribune la défense de ma malheureuse patrie, et de repousser loin d’elle les inculpations calomnieuses dont on s’est plu si souvent à la noircir. […] J’ai dit que, dans la nuit du 18 au 19 fructidor, Degérando, avec ce zèle dans l’amitié qu’on lui connut toujours, mais qui s’enhardissait alors de tout le feu de la jeunesse, avait dérobé Camille à l’horreur d’être déporté à Sinnamari avec Barbé-Marbois et autres nobles victimes. […] Il n’y a pas de ces paroles de feu qui restent, de ces flèches aiguës qui traversent les âges et atteignent au cœur de la postérité. […] Camille, il faut le dire (et je ne lui en fais pas précisément mon compliment), résista, ne prit pas feu, ne s’enflamma point par l’imagination.

1175. (1927) André Gide pp. 8-126

Peut-être, certains soirs d’hiver, remue-t-il au coin du feu ces vieux souvenirs et ces archives intimes, mais il se persuade avec une sorte de pudeur maladive qu’il doit dérober au public les traces de son passé. […] André Gide avait au moins une notion de la lumière, puisqu’elle imaginait le chant des oiseaux comme un de ses effets, ainsi que la chaleur qui caressait ses joues, et puisqu’il lui paraissait tout naturel que l’air chaud se mît à chanter, de même que l’eau bout près du feu. J’ai vu citer, je ne sais plus où, un mot d’enfant qui, entendant ronronner le chat couché devant le feu, disait à sa mère : « Le chat commence à bouillir ». […] Dans le même chapitre du même quatrième évangile, particulièrement cher au pasteur, on lit un peu plus haut : « Celui qui ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme le sarment et il séchera et on le ramassera pour le jeter au feu et le brûler ».

1176. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Les deux voitures se sont ébranlées, et le roulant magasin des accessoires s’en est allé, les suivant, avec sa grande fenêtre rouge flambante comme d’un feu d’enfer et d’une cuisine d’Altothas, pareille à un œil rouge dans la nuit des routes vicinales. […] Je m’étais défendu de jamais aller chez elle, de peur d’être jaloux… Je voulais ne pas l’être, ne rien savoir… Tous les quinze jours, j’arrivais le premier… Les femmes, vous savez, ça se fait toujours attendre… On me donnait mon journal… Il y avait du feu… Je lisais en l’attendant… Elle arrivait, elle ôtait son chapeau… Je lui disais : « Qu’est-ce que vous avez fait depuis que je ne vous ai vue… dites-moi tout… » Elle me le racontait longuement… Puis elle me demandait des renseignements sur des choses qu’elle n’aurait pas osé demander à d’autres… Je lui donnais des livres à lire… Nous causions sur ce qu’elle avait lu… Elle me disait souvent : « Vous ne savez pas, je ne dis pas l’amour, mais l’attachement que j’ai pour vous… Nous déjeunions… Je passais là, quatre ou cinq heures… Elle s’en allait, je la regardais dans l’escalier…. […] Et voilà ces mauvaises nuits de maladie, où sans personne à la maison, le plus valide de nous est à courir le pharmacien, à découvrir un médecin quelconque, à maladroitement et fiévreusement chercher à faire du feu avec de la braise dans un fourneau — avec une vague terreur et qu’on ne se communique pas, du choléra qui court. […] Le lustre, au milieu de ces ténèbres, scintillant de feux prismatiques ainsi qu’un bouquet de pierres précieuses dans une cave, ou comme des stalactites pendues à la voûte d’une grotte neigeuse.

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