/ 2155
1963. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Famille, patrie, humanité apparaissant comme des cercles de plus en plus larges, on a pensé que l’homme devait aimer naturellement l’humanité comme on aime sa patrie et sa famille, alors qu’en réalité le groupement familial et le groupement social sont les seuls qui aient été voulus par la nature, les seuls auxquels correspondent des instincts, et que les instincts sociaux porteraient les sociétés à lutter les unes contre les autres bien plutôt qu’à s’unir pour se constituer effectivement en humanité.

1964. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Et, comme une obsession, se présentaient à ma réflexion trois familles d’esprits bien caractérisées. […] C’est la parole de Spinoza : « L’ordre et la connexion des idées sont les mêmes que l’ordre et la connexion des choses », ou celle d’Aristote : « νοὑς συγγενἠς έστι τῷ ὂντι », l’esprit est de la même famille que l’être.

1965. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Mais ce Faust est marié, et il ne sacrifie pas sa famille à un amour romanesque. […] Au nom des familles « indo-européennes », au nom de la « morale aryenne », il se dresse contre un envahissement d’idées qu’il croit germaniques, et qui sont toutes françaises. […] Mais comment discuter sérieusement ; les écrivains et les critiques honnêtes ne se placent pour juger une œuvre qu’au point de vue de la famille.

1966. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Arthur Rimbaud est né d’une famille de bonne bourgeoisie à Charleville (Ardennes) où il fit d’excellentes études quelque peu révoltées. […] Lors de ce premier voyage dans la capitale il joua une première fois de malheur, fut arrêté dès en arrivant, fourré à Mazas, au dépôt, et finalement expulsé de Paris, et rejoignit comme qui dirait de brigade en brigade, sa famille alarmée, tandis que sur son passage s’émouvait encore le sillage laissé par le poète dans un monde « littéraire » qui ne le comprit pas assez, et d’ailleurs tout à la débandade, par suite de la guerre de 1870 qui commençait à sévir ferme. […] Racine, la correction, l’érudition des fortes études, science parfaite de l’antiquité sue littéralement et comprise comme il fallait dans sa grâce absolue et sa force complète, Racine, la correction, la totale perception de la langue maternelle jusqu’à travers la plus intime connaissance des vieux auteurs et des idiomes locaux, l’esprit de son pays et de son temps, modération, circonspection même, bon sens immédiat et traditionnelle générosité, Racine, l’individualité honnêtement fine, malicieuse sans haine, qui sut mener sa vie habilement et la finir admirablement, sacrifiant d’instinct fortune, faveur, ne ménageant qu’une famille admirablement menée à bien dans la vertu et la modicité voulue, mourant, après des tendresses dominées, des ambitions tenues en bride, d’un cœur blessé, d’une âme en deuil, noblement, pudiquement ; — et Shakespeare, l’aventurier, né ruiné, catholique ou protestant, qui le sait ?

1967. (1925) Portraits et souvenirs

Avec lui, nous pénétrons dans les salles de jeu du Ridotto où la grande nouvelle du jour est le mariage célébré entre le noble Alvise Venier et la signora Teresa Ventura, mariage qui unissait le représentant d’une des plus illustres familles vénitiennes à la fille d’un charretier de Vicence. […] Néanmoins, très doué pour le dessin et l’architecture, il ne vint pas tout de suite au métier de famille. […] Le fait est qu’un soir où il était en train de dîner en famille un coup de fusil fut tiré du dehors sur les convives. […] La famille française y est reçue et hébergée.

1968. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

En chemin, dans le galop de sa rapide voiture, courant chercher à Paris des nouvelles, des renseignements, Nubar me raconte qu’en Abyssinie, quand un meurtre a été commis, la famille de l’assassiné passe sept jours et sept nuits à remplir de malédictions les entours de la maison du meurtrier. […] Il m’entretient d’une série de romans qu’il veut faire, d’une épopée en dix volumes, de l’histoire naturelle et sociale d’une famille, qu’il a l’ambition de tenter, avec l’exposition des tempéraments, des caractères, des vices, des vertus, développés par les milieux, et différenciés, comme les parties d’un jardin, « où il y a de l’ombre ici, du soleil là ». […] Les industries à voitures se font voir, remplies de membres endimanchés de la famille, dont quelques-uns tressautent sur des chaises. […] Cette tombe deviendra la pierre abandonnée des morts sans famille.

/ 2155