Alexander Bain (1818-1903) : ce philosophe écossais, professeur à l’Université d’Aberdeen, logicien, auteur d’une Science de l’éducation (1879), a marqué l’histoire de la psychologie dite « scientifique » par deux ouvrages importants touchant à la « psychologie expérimentale » dégagée de la vieille théorie des facultés, Les Sens et l’Intelligence (1855), ainsi que Les Émotions et la Volonté (1859).
À notre avis, cette dernière forme est la plus belle, celle en même temps qui exige les plus riches facultés poétiques. […] Si usées que soient les passions par les mécomptes et par les années, il reste aux plus endurcis la faculté de s’apitoyer sur l’amour profané. […] Barbier, en s’acharnant à la satire, courait le danger d’appauvrir ses facultés. […] Il n’est donc pas au pouvoir de l’homme d’agrandir une de ses facultés au point d’étouffer toutes les autres. […] Or, la science ne peut continuer à se développer sans ouvrir à l’imagination de nouvelles perspectives ; c’est-à-dire que l’industrie, la science et la poésie, qui représentent des facultés diverses, sont assurées de la même durée que ces facultés.
Nous vivons au milieu d’hommes qu’on appelle nos semblables, qui ont mêmes facultés que nous, qui sont nés à un même moment de l’humanité. […] Un esprit vigoureux, une sensibilité maladive, une imagination libertine, ce sont les facultés avec lesquelles M. […] La psychologie classique se plaisait à montrer la lutte de facultés nettement opposées : c’était le conflit de la raison et de la sensibilité, de l’idée du devoir avec la passion. […] Jules Lemaître, à la manière de ceux chez qui sont développées surtout les facultés d’analyse et de réflexion, part d’une idée sur laquelle il jette ensuite le voile léger d’une fiction. […] Il est aujourd’hui l’un des directeurs d’études à la Faculté des lettres de Paris.
Dès lors, que l’on conçoive un état d’agitation incessante et indéterminée, coupée d’heures de spleen et de découragement, tandis que les facultés cérébrales s’usent jusqu’à se briser sous le poids de ce labeur stérile, on se sera représenté ce que fut, dans sa triste vérité, la vie intérieure de Charles Baudelaire. […] La nature les avait ainsi créés avec une sensibilité extraordinairement aiguë qui les a faits variables à l’infini ; ils vont encore travailler toute leur existence à entretenir cet état primitif, et à surexciter en eux ces facultés nerveuses. […] » Théophile Gautier avait déjà protesté contre cette théorie, née d’une confusion entre la faculté de sentir, qui procède des nerfs et du cœur, et la faculté d’engendrer, qui procède du cerveau et de l’intelligence. […] Ils devinent bien la différence radicale qui sépare chez l’artiste les facultés sensitives des facultés productives. […] C’est que la faculté d’aimer, comme la faculté de souffrir ou celle d’admirer, ne va pas sans une certaine ignorance, ou, pour mieux dire, sans une certaine illusion intime et un oubli momentané des circonstances ambiantes.
Dans la plupart d’entre eux, ce mouvement n’est que l’enragement de l’orgueil et la révolte contre leurs propres facultés, qu’ils méconnaissent, et contre leur fonction sociale, dont nulle femme n’a maintenant ni le souci ni l’idée.
Rousseau, dans son Contrat social et dans ses Plans de constitution pour la Pologne ; L’abbé de Saint-Pierre, dans sa Paix universelle ; Robespierre et Saint-Just, dans leur système d’égalité et de nivellement démocratique à tout prix, qui auraient décapité la société jusqu’à la dernière unité vivante, pour que l’un ne dépassât pas l’autre d’une faculté, d’une obole ou d’un cheveu ; Babeuf, dans sa communauté des biens ; Saint-Simon, de nos jours, dans sa proportion algébrique entre les aptitudes et les fonctions ; Fourrier, dans son cauchemar d’industrie, réduisant toute la société physique et morale à une association en commandite dont Dieu est le commanditaire, et promettant à l’homme jusqu’à des organes naturels de plus, pour jouir de félicites plus matérielles ; Cabet, dans son Icarie indéfinissable, chaos d’une tête vague, qui ne savait pas même rêver beau ; Tel autre, dans son égalité des salaires, charité idéale inspirée de l’Évangile sans doute, mais qui deviendrait la souveraine injustice envers le travail et le talent, et la prime réservée à l’oisiveté et aux vices, système des frelons qui pillent la ruche ; Tel autre, enfin, dans ses sentences de philosophie suicide, expropriant la famille, cette unité triple, qui enfante, nourrit, moralise et perpétue seule l’humanité, pour assouvir l’individu qui la tue : maximes folles, mais comminatoires, qui firent écrouler d’effroi toute démocratie progressive devant la démagogie des idées ; sophiste néfaste, mille fois plus funeste à la République que tous les poètes chassés de la République par Platon : Voilà ce qu’on entend par utopiste : ce sont les sophistes de la politique. […] Et ainsi de tous les autres…, etc. » « Et si jamais, ajoute-t-il, un homme habile dans l’art d’exercer divers rôles venait dans notre République et voulait nous réciter ses poèmes, nous lui rendrions honneur comme à un être divin, privilégié, enchanteur ; mais nous lui dirions qu’il n’y a pas d’homme comme lui dans notre République, et, après avoir répandu des parfums sur sa tête et l’avoir couronné de fleurs, nous le proscririons de l’État. » Si cette division des facultés et des professions ne vient pas de l’Inde, par une servile imitation des castes, elle prélude à cette division moderne du travail, mutilation tout industrielle des facultés de l’homme, qui fait d’excellents ouvriers machines, et de détestables hommes pensants. […] L’homme isolé n’est pas tout entier homme, car il n’a pas la faculté de se reproduire et de se perpétuer.