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1352. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Sur d’autres voies, divergentes, se sont développées d’autres formes de la conscience, qui n’ont pas su se libérer des contraintes extérieures ni se reconquérir sur elles-mêmes, comme l’a fait l’intelligence humaine, mais qui n’en expriment pas moins, elles aussi, quelque chose d’immanent et d’essentiel au mouvement évolutif.

1353. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Qu’on imagine une langue rapide comme les mouvements de l’âme ; une langue qui, pour rendre un sentiment, ne se décomposerait jamais en plusieurs mots ; une langue dont chaque son exprimerait une collection d’idées : telle est presque la perfection de la langue romaine dans Tacite.

1354. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

L’équité civile soumettait naturellement toute chose à cette loi, reine de toutes les autres, que Cicéron exprime avec une gravité digne de la matière : la loi suprême c’est le salut du peuple , suprema lex populi salus esto .

1355. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Dans nos vieux poètes, nos romanciers et nos trouvères, le sentiment du printemps, du renouveau, est toujours très-vif, très-frais, très-abondamment et très-joliment exprimé. […] Pour se sauver peut-être de Du Bartas, qui se montrait descriptif à l’excès, Malherbe ne fut pas du tout pittoresque ; on glanerait chez lui les deux ou trois vers où il y a des traits de la nature : les vers sur la jeune fille comparée à la rose, et le début d’une pièce Aux Mânes de Damon, qui exprime admirablement, il est vrai, la verte étendue des prairies de Normandie : L’Orne, comme autrefois, nous reverroit encore, Ravis de ces pensers que le vulgaire ignore, Égarer à l’écart nos pas et nos discours, Et couchés sur les fleurs, comme étoiles semées, Rendre en si doux ébats les heures consumées,      Que les soleils nous seroient courts. […] Les grands effets du ciel, les vastes paysages, la majesté de la nature alpestre, les Elysées des jardins, il trouva des couleurs, des mots, pour exprimer lumineusement tout cela, et il y fit circuler des rayons vivifiants.

1356. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il s’exprime en démagogue saisi de la verve du terrorisme, et applaudissant aux fureurs de 1793 ; il s’exprime en ignorant socialiste, en déclamant charitablement contre l’impôt, en oubliant que l’impôt est le superflu du riche et le trésor du pauvre. Mais il sent juste, et il s’exprime en style magique, quand il oublie ses sophismes pour méditer la nuit sur l’œuvre infinie du Créateur dans ses contemplations nocturnes devant les étoiles.

1357. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Lorsque Keppler eut découvert les lois harmoniques du mouvement des corps célestes, c’est ainsi qu’il exprima sa joie : « Enfin, après dix-huit mois, une première lueur m’a éclairé, et, dans ce jour remarquable, j’ai senti les purs rayons des vérités sublimes. […] Cela est affreux. » D’autres paroles, plus abandonnées, exprimaient, dit-on, avec une lucidité étonnante dans un pareil trouble public et privé, toutes les conditions de mécontentement intraitables, de secrètes hostilités, de défections cachées sous l’alliance dont Napoléon allait être entraîné de toutes parts à l’intérieur avec les périls et les démonstrations implacables du dehors. […] est-ce l’enthousiasme involontaire exprimé par la rougeur ou par la pâleur sur mon visage ?

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