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1428. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Chasseriau trouve son bien dans Delacroix, c’est tout simple ; mais que, malgré tout son talent et l’expérience précoce qu’il a acquise, il le laisse si bien voir, là est le mal.

1429. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

… L’ennui que sainte Thérèse a de la vie… La persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond de la vie humaine… » Et Fénelon : « Le monde me paraît une mauvaise comédie… Je me méprise encore plus que le monde ; je mets tout au pis-aller, et c’est dans le fond de ce pis-aller pour toutes les choses d’ici-bas que je trouve la paix. » — « Je sais par expérience ce que c’est que d’avoir le cœur flétri et dégoûté de tout ce qui pourrait lui donner du soulagement… Je tiens à tout d’une certaine façon… mais d’une autre j’y tiens très peu… Si vous me demandez ce que je souffre, je ne saurais vous l’expliquer… »   Je pourrais continuer indéfiniment à cueillir pour vous ces fleurs d’ennui. […] Mais la pire forme de la tristesse, qui est sans doute l’ennui, je doute qu’il en ait fait sérieusement l’expérience. […] « Ces suppléances sont des impondérables, des incommunicables : motifs moraux, motifs de sentiment, motifs d’expérience, motifs de tradition, motifs d’ordre social… : le moralisme de Vinet, le pragmatisme de James, la sociologie morale de Brunetière, l’esthétique et le traditionalisme du Génie du christianisme. » Voilà l’admirable consultation de mon théologien. […] Il dit encore très bien : Louis XVIIl est un prince connu par ses lumières, inaccessible aux préjugés, étranger à la vengeance… Les institutions des peuples sont l’ouvrage du temps et de l’expérience ; pour régner, il faut surtout de la raison et de l’uniformité. […] Les divers sentiments de mes âges divers, ma jeunesse pénétrant dans ma vieillesse, la gravité de mes années d’expérience attristant mes années légères, les rayons de mon soleil, depuis son aurore jusqu’à son couchant, se croisant et se confondant comme des reflets épars de mon existence, donnent une sorte d’unité indéfinissable à mon travail : mon berceau a de ma tombe, ma tombe a de mon berceau ; mes souffrances deviennent du plaisir, mes plaisirs des douleurs, et l’on ne sait si ces Mémoires sont l’ouvrage d’une tête brune ou chenue.

1430. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Ma propre expérience m’apprit quel dut être l’effort du génie de Milton pour décrire tant de choses inconnues, et les placer en des lieux qui même ne sont point, lorsque j’essayai, dans l’Atlantiade, de personnifier les principes de la science newtonienne, et de tracer des objets et des espaces qui ne sont que soupçonnés, en inventant, d’après les modèles des anciens, une théogonie symbolique des lois positives de la nature, telle que nous nous l’expliquons ; la condition des mœurs m’avait arrêté d’abord, et je le fus ensuite par celle des localités. […] Je ne sais d’ailleurs par quelle humble retenue on n’oserait, dans l’étude des lettres aussi bien que dans celle des sciences exactes, appuyer les principes que l’on émet des expériences et des découvertes qu’on peut avoir faites soi-même. […] L’expérience ne prouve-t-elle pas que les poètes les plus stériles sont ceux qui se livrent d’abord à une profusion inconsidérée, et que les plus féconds ménagent leurs ressources abondantes par une heureuse économie ? […] Vous n’attribuerez donc à aucune partialité l’équitable parallèle que je viens d’établir en faveur de son concurrent ; il n’en faut conclure que l’étonnante perfection du style d’un poète qui lutta victorieusement contre les meilleurs écrivains, en imitant, avec la même inspiration, le début de l’Iliade, de manière à convaincre les plus incrédules des ressources épiques de la langue française ; l’opinion vulgaire qui les lui nie, se réfute par les expériences faites.

1431. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

I On a dit très justement que nous arrivons à tous les âges, même à la vieillesse, sans expérience, parce que chaque âge exige une sagesse particulière que nous n’acquérons qu’en le traversant ; à plus forte raison peut-on affirmer que tout nouveau métier nous trouve inexpérimentés. […] Or, ce qu’on nomme vulgairement esprit, et surtout esprit parisien, a ses lieux communs tout comme la science, tout comme la morale, et pour les reconnaître et leur bâiller au visage, il ne faudrait qu’un peu d’expérience. […] La comédie de mœurs surtout devait être parfaitement dans ses aptitudes, et il y a tout lieu de croire qu’avec un peu plus d’expérience elle y eût excellé. […] « Aujourd’hui, dit-il avec une impartialité qui étonnera bien des lecteurs, elle a rencontré un homme intelligent et honnête, mais très exalté, sans expérience, et, je le crains, sans principes suffisants pour faire triompher les bons instincts. » Je sais que le lien mystérieux qui unit parfois ceux qui ont aimé ensemble, comme l’écrivait ce bon Kestner à son ami Goethe, est moins rare qu’on ne pourrait le croire ; mais Valvèdre pousse, en conscience, cette sympathie trop loin. […] Je livre cette remarque gastronomique à mes lecteurs pour ce qu’elle vaut ; qu’ils fassent leurs expériences.

1432. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Paul Bourget ne sépare pas de la réalité sa doctrine ; il prétend la tirer de la réalité même et de l’expérience. […] Ainsi l’épreuve, ou expérience, nous avertit opportunément ; et quelle épreuve, que cette guerre, la plus grande guerre et l’expérience la plus vaste qui ait placé l’humanité devant les doutes de la mort ! […] Cette façon d’agir a fait ses preuves au cours des âges ; l’expérience l’a consacrée. […] Les expériences de Charcot relatives à la suggestion persuadèrent Gilbert Augustin-Thierry d’écrire Marfa ou le Palimpseste, son premier « récit de l’Occulte ».

1433. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il n’a pas tout à fait lâché la procédure ; il la considère comme un champ d’expérience, il y recueille des notes et des documents humains. […] Il sait par expérience ce que les lois, étroitement appliquées, ou habilement tournées, peuvent abriter d’infamies. […] Cela les énerve très vite, les exaspère… » Vous voyez que l’auteur sait tirer parti de son expérience professionnelle. […] Il ne prend pas garde « que ce mystère qui le séduit est purement subjectif, personnel à chacun de nous, fugitif et changeant ; que la perception de ce merveilleux inconnu correspond, ainsi que le dit si bien Jules Lemaître, à un moment infime de la production artistique, et qu’il s’évanouit forcément à l’heure de l’exécution puisqu’il est l’indicible, mais que, d’ailleurs, il renaît, une fois la forme fixée, de cette forme même ; que c’est l’expression arrêtée et intelligible qui contient et qui nous suggère le plus d’« au-delà », et qu’enfin ce sont les œuvres d’art ou les poèmes les plus précis, quand ils sont vraiment beaux, qui redeviennent sous notre pensée les plus mystérieux, les plus fertiles en rêves »… Renaud multiplie les expériences ; il s’éprend d’une acrobate bête comme une oie et pure comme un ange, et il forme la résolution de l’épouser.

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