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973. (1876) Romanciers contemporains

Son mérite ne nous paraît d’ailleurs nullement amoindri par l’existence de ces auxiliaires obscurs. […] En lisant ces pages splendides de vérité, on échappe un instant aux mesquins intérêts de l’existence civilisée pour partager les émotions bien autrement puissantes de la vie primitive et sauvage. […] C’est ainsi qu’en bien des lieux, dans la touchante pensée du peuple, les morts ne sont pas morts entièrement et conservent, dans leur froide tombe, le souvenir des affections qui ont rempli leur existence. […] Elles définissent une existence. […] Au contraire de plusieurs de ses devanciers dont la production haletante était nécessitée par le désordre propre aux existences anormales, M. 

974. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Et il s’étonnait qu’un être cultivé, devant une telle existence, pût demeurer insensible à ce charme de ballade allemande et de féerie. […] Lemaître n’ait pris de la petite patrie pour le restant de son existence. […] Mais cette critique verbale n’a guère pour nous qu’une existence théorique. […] Knock amène un village entier à l’existence médicale, et je vois bien la pièce qu’on écrirait sur Abel Hermant ou le Triomphe de la Grammaire. […] La beauté grammaticale par exemple est-elle au-dessus de la correction grammaticale, de même que l’existence médicale pour Knock est bien au-dessus de la vulgaire santé ?

975. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il a lu, toute sa vie — une plume en main, pour mieux lire, et pour relire en résumé — et voilà toute son existence. […] L’amour-goût, pour parler comme Stendhal, qui, fortifié par l’accoutumance, l’estime, les bons rapports, peut aller très loin et peut-être plus loin que l’autre, est essentiellement du domaine de la comédie, parce qu’il est dans les conditions moyennes de l’existence. […] Ce grand livre est moins un livre qu’une existence. […] J’ai dit que ce livre était une existence ; c’est l’existence d’un homme qui aurait vécu de la vie de milliers d’hommes. — La haute critique, aussi bien, n’est pas autre chose. […] Il voit Dieu comme un architecte qui a fait le monde, comme un « horloger » dont l’horloge où nous sommes prouve l’existence.

976. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Ils n’ont donc autour d’eux rien qui passionne leur existence ? […] La beauté des vers de M. de Heredia n’est pas subordonnée à l’existence du Parnasse non plus ! […] Les rêves que nous faisons tout éveillés ne sont-ils pas logiquement déterminés, de l’aveu des physiologistes mêmes, par les faits matériels de notre existence ? […] Oui, il sera décédé à la suite d’une mort naturelle, sans s’être empoisonné, comme on le prétend, par ses œuvres, — et cela logiquement, parce qu’il aura un demi-siècle d’existence qui est la moyenne de l’existence des mouvements littéraires de ce temps : du romantisme tout aussi bien que du naturalisme. […] Il est évident que les mêmes objets n’ont pas pour nous la même signification à tous les moments de notre existence.

977. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Il remporta, en 1817, le premier prix de philosophie au concours général ; le sujet était l’énumération des preuves de l’existence de Dieu. […] Les événements publics et des accidents privés ne tardèrent pas à déranger l’existence si bien remplie d’Ampère. […] Carnot et Jean Reynaud la mission d’aller examiner en province les élèves d’une future école administrative qui n’eut qu’une existence éphémère95. […] Le centre de votre existence est désormais à Rome : nous ne sommes plus que l’une des extrémités de la circonférence.

978. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Appelé en 1789 à la présidence, il fut le premier à fonder, à pratiquer le gouvernement au sein du pays qu’il avait déjà sauvé et fondé dans son existence même. […] On doit plaindre l’ambition secondaire qu’il a eue, dans de telles circonstances, de régner arbitrairement sur l’Europe ; mais, pour satisfaire cette manie géographiquement gigantesque et moralement mesquine, il a fallu gaspiller un immense emploi de forces intellectuelles et physiques, il a fallu appliquer tout le génie du machiavélisme à la dégradation des idées libérales et patriotiques, à l’avilissement des partis, des opinions et des personnes ; car celles qui se dévouent à son sort n’en sont que plus exposées à cette double conséquence de son système et de son caractère ; il a fallu joindre habilement l’éclat d’une brillante administration aux sottises, aux taxes et aux vexations nécessaires à un plan de despotisme, de corruption et de conquête, se tenir toujours en garde contre l’indépendance et l’industrie, en hostilité contre les lumières, en opposition à la marche naturelle de son siècle ; il a fallu chercher dans son propre cœur à se justifier le mépris pour les hommes, et dans la bassesse des autres à s’y maintenir ; renoncer ainsi à être aimé, comme par ses variations politiques, philosophiques et religieuses, il a renoncé à être cru ; il a fallu encourir la malveillance presque universelle de tous les gens qui ont droit d’être mécontents de lui, de ceux qu’il a rendus mécontents d’eux-mêmes, de ceux qui, pour le maintien et l’honneur des bons sentiments, voient avec peine le triomphe des principes immoraux ; il a fallu enfin fonder son existence sur la continuité du succès, et, en exploitant à son profit le mouvement révolutionnaire, ôter aux ennemis de la France et se donner à lui-même tout l’odieux de ces guerres auxquelles on ne voit plus de motifs que l’établissement de sa puissance et de sa famille. […] Emprisonné, odieusement réduit à toutes les privations, parce que son existence est déclarée incompatible avec la sûreté des Gouvernements, La Fayette ne cesse un seul instant d’être à la hauteur de sa cause. […] « Pendant les trente-quatre années d’une union où sa tendresse, sa bonté, l’élévation, la délicatesse, la générosité de son âme, charmaient, embellissaient, honoraient ma vie, je me sentais si habitué à tout ce qu’elle était pour moi, que je ne le distinguais pas de ma propre existence.

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