On raconte (et je mets le mot tel quel, sans autre explication) que quand le comte Pozzo di Borgo entra chez M. de Talleyrand, celui-ci se faisait friser : « Général, lui dit-il, à quoi pensiez-vous donc de vous faire ainsi attendre ? […] Rentré chez moi, je décidai que le seul moyen de prendre pied dans cette affaire était d’y faire entrer un personnage politique important ; après avoir bien cherché : « Ma foi ! […] C’est lui qui m’a fait connaître l’endroit où il était, et, après m’avoir conseillé sa mort, il en a gémi avec toutes ses connaissances (l’empereur se remet à marcher, et, d’un ton calme, après un moment de silence)… Je ne lui ferai aucun mal ; je lui conserve ses places ; j’ai même pour lui les sentiments que j’ai eus autrefois ; mais je lui ai retiré le droit d’entrer à toute heure dans mon cabinet.
Ces sortes de lettres, brillantes de forme et d’art, et où il n’y avait pas trop de petits secrets ni de médisances, faisaient bruit dans la société, et chacun désirait les lire. « Je ne veux pas oublier ce qui m’est arrivé ce matin, écrit Mme de Coulanges à son amie ; on m’a dit : Madame, voilà un laquais de Mme de Thianges ; j’ai ordonné qu’on le fît entrer. […] Il est une seule circonstance où l’on ne peut s’empêcher de regretter que Mme de Sévigné se soit abandonnée à ses habitudes moqueuses et légères ; où l’on se refuse absolument à entrer dans son badinage, et où, après en avoir recherché toutes les raisons atténuantes, on a peine encore à le lui pardonner : c’est lorsqu’elle raconte si gaiement à sa fille la révolte des paysans bas-bretons et les horribles sévérités qui la réprimèrent. […] Et nous entendons par lire, non point parcourir au hasard un choix de ses lettres, non point s’attacher aux deux ou trois qui jouissent d’une renommée classique, au mariage de Mademoiselle, à la mort de Vatel, de M. de Turenne, de M. de Longueville ; mais entrer et cheminer pas à pas dans les dix volumes de lettres (et c’est surtout l’édition de MM.
Dès aujourd’hui, comme un ânon précocement docile mérite le bât, cet élève est digne d’entrer dans la docte toge. […] Les systèmes, ces dieux hostiles et vaillants, dont le moindre briserait et la tablette frêle et l’étroite cage, n’entrent naturellement au capharnaüm que sous les espèces et apparences de statuettes. […] On finit par reconnaître que l’atmosphère est empoisonnée et que les vivants, aussitôt entrés ici, meurent.
Il devient réellement insupportable de converser avec des hommes qui n’ont, dans le cerveau, que des cases où tout est pris, et où rien d’extérieur ne peut entrer. […] Il exige de l’agrément et une certaine aménité, même dans les sujets austères ; il réclame du charme partout, même dans la profondeur : « Il faut porter du charme dans ce qu’on approfondit, et faire entrer dans ces cavernes sombres, où l’on n’a pénétré que depuis peu, la pure et ancienne clarté des siècles moins instruits, mais plus lumineux que le nôtre. » Ces mots de lumineux et de lumière reviennent fréquemment chez lui et trahissent cette nature ailée, amie du ciel et des hauteurs. […] s’écriait-il, cela est long, cela est rare, cela cause un plaisir extrême ; car les pensées achevées entrent aisément dans les esprits ; elles n’ont pas même besoin d’être belles pour plaire, il leur suffit d’être finies.
Le marquis de Vauvenargues, né en 1715 et mort en 1747, issu d’une noble famille de Provence, entra de bonne heure au service et devint capitaine dans le régiment du Roi. […] « J’ose comparer ces principes, a dit Marmontel, aux premiers éléments des chimistes dont on ne peut faire l’analyse. » Sans entrer ici dans une discussion qui serait peu à sa place, je me bornerai à dégager l’idée de Vauvenargues dans sa plus grande généralité. […] Quand il mourut, le xviiie siècle était à la veille d’entrer dans la seconde moitié si orageuse et si disputée de sa carrière.
Il imaginait avec facilité et largeur des allégories plus ou moins mythologiques où il entrait toujours quelque chose à la gloire du roi : c’était le but final auquel il fallait tout rapporter. […] Il aidait de tout son pouvoir à l’organisation de l’Académie des sciences qui se fit vers ce temps, et dans laquelle son frère entra l’un des premiers. […] Colbert entrait dans son cabinet, on le voyait se mettre au travail avec un air content et en se frottant les mains de joie, mais que depuis il ne se mettait guère sur son siège pour travailler qu’avec un air chagrin et même en soupirant.