L’homme à idées étant, plus encore qu’un autre, un homme qui ne peut pas tout dire à la fois, se complète et s’éclaire en avançant et on ne le possède que quand on l’a lu tout entier. […] Je sais des hommes de la plus haute intelligence qui n’en voient point ici et qui rattachent très ingénieusement le Contrat Social à l’œuvre tout entière, pour eux très une et très cohérente, de Rousseau.
Et je ne vais pas sans doute en lisant jusqu’à scander comme j’ai entendu un acteur de la Comédie Française le faire : Passer des jours entiers | et des nuits à cheval, mais j’ai bien quelque tendance à en user ainsi. Et, quand je me récite à moi-même, je scande : Passer | des jours entiers et des nuits | à cheval, Quand on se récite des vers, on les possède plus intimement en quelque sorte ; on les couve en soi ; il vous semble qu’on les fasse et on les fait selon le rythme vrai qu’ils doivent avoir, que la pensée qu’ils expriment doit leur donner.
Notre bienveillance enveloppe encore, par amour propre et par vanité, notre littérature tout entière ; mais notre goût réel est pour la partie de cette littérature qui est entrée plus ou moins dans les idées nouvelles. […] Pour introduire de suite le lecteur dans le sens intime d’une pareille discussion, je vais le mettre aux prises avec le plus grand nom des lettres françaises, avec Bossuet : encore ne prendrons-nous pas Bossuet tout entier.
Lamartine a posé sur les siennes son époque tout entière, pour lui faire passer le fleuve de poésie fausse dans laquelle elle pataugeait et se noyait, et, d’une seule haleine, il l’a portée dans l’enivrante et haute atmosphère de la Poésie vraie, — de la Poésie éternelle, qu’en France, lorsqu’il vint, on ne connaissait plus ! […] et ne prit jamais la mesure du grand Balzac, qui passa devant lui éclairé à mi-corps de cette lumière dont il resplendit, à présent, tout entier !
La race entière des Bourbons devait porter jusqu’à son dernier jour le vice de son origine. […] le voilà tout entier !
Le cœur de l’orgueilleux et voluptueux genre humain cloué avec amour à la croix des esclaves sur laquelle meurt un Dieu, les douze bateliers de Judée prenant la terre entière dans leur miraculeux filet, cette histoire, qui n’avait besoin que d’être racontée, depuis saint Paul jusqu’à Bossuet, pour que ceux qui n’étaient pas chrétiens le devinssent, — Credo quia absurdum et impossibile ! […] Le Cynique cédait le Moine, et c’est ainsi que le monde tout entier moulait le Christianisme ; et c’était aussi, toujours, la même histoire dans l’Histoire, et, sérieusement, à propos du Christianisme, la même chanson qu’au Vaudeville : Il était venu, je vous jure, Avant qu’il ne fût arrivé !