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21. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Pierson, empêché par une indisposition. »‌ Hinzelin s’est assuré, dans Vouziers, qu’aucun contemporain n’a oublié le petit garçon qui, à l’école de la ville, exerçait déjà d’une telle manière sa volonté de labeur assidu. […] n’empêche qu’à Vouziers, on prononce la « maiseun », elle est « tombéïe », « assurémeint », « mé oui », une « teille » d’oreiller, une « clanche » de porte, et tout cela, c’est ultra-lorrain.‌ […] De ce que vous ne saisissez pas l’utilité immédiate d’un acte, il n’empêche que, du moment qu’il a nécessité pour sa production les qualités les plus viriles, par exemple le mépris de la mort, il a de grandes chances d’être heureusement fécond.

22. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

La tragédie de cette mort, que Bossuet raconte avec des éclats de tonnerre, madame de La Fayette nous la dit avec cette émotion contenue de grande dame de son temps, où le cœur ne rompait pas le busc, et où la Convenance, sœur de l’Opinion et reine comme elle, n’empêchait pas les larmes de naître, mais les empêchait de tomber.

23. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou il le cache par ostentation ; un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand. » Puis vient Saint-Simon, qui profite beaucoup du journal de Dangeau pour établir ses mémoires, pour en fixer bien des faits et en rajuster des souvenirs, mais qui se moque constamment et de l’œuvre et du personnage ; il achève de nous peindre Dangeau en charge, en caricature, tant il donne de relief à ses ridicules et tant il efface ses bonnes qualités : C’était le meilleur homme du monde, dit-il, mais à qui la tête avait tourné d’être seigneur ; cela l’avait chamarré de ridicules, et Mme de Montespan avait fort plaisamment, mais très véritablement dit de lui qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer. […] Il y revient en toute occasion, et toujours avec jubilation et délices ; il l’appelle en un endroit une « espèce de personnage en détrempe » : « C’était un grand homme, fort bien fait, devenu gros avec l’âge, ayant toujours le visage agréable, mais qui promettait ce qu’il tenait, une fadeur à faire vomir. » Lui reconnaissant des qualités mondaines, des manières, de la douceur, de la probité même et de l’honneur, il cite de nouveau et commente ce mot de Mme de Montespan sur lui, qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer : Saint-Simon aimait donc assez Dangeau, mais quelle manière d’aimer ! On l’aimait parce qu’il ne lui échappait jamais rien contre personne ; qu’il était doux, complaisant, sûr dans le commerce, fort honnête homme, obligeant, honorable ; mais d’ailleurs si plat, si fade, si grand admirateur de riens, pourvu que ces riens tinssent au roi, ou aux gens en place ou en faveur ; si bas adulateur des mêmes, et, depuis qu’il s’éleva, si bouffi d’orgueil et de fadaises, sans toutefois manquer à personne, ni être moins bas, si occupé de faire entendre et valoir ses prétendues distinctions, qu’on ne pouvait s’empêcher d’en rire. […] Dangeau possédait cette algèbre rapide qu’on appelle l’esprit du jeu ; il gagnait presque à coup sûr et sans que cette attention intérieure l’empêchât d’être à la conversation et de paraître aimable : tout en combinant et en gagnant, il ne laissait pas de divertir les reines et d’égayer leur perte. […] Il y établit un principal instituteur qui choisissait les autres, ce qui n’empêchait pas le marquis et l’abbé de Dangeau, son frère, de venir de temps en temps inspecter la manutention et l’ordre de la maison.

24. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IX. Chassez le naturel… »

De temps à autre, le singe se grattait de brefs coups de patte saccadés et le lièvre, qui redoute sans cesse d’être surpris par quelque ennemi de sa race, ne pouvait s’empêcher à tout instant de tourner la tête tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. […] protesta le lièvre, je saurais bien m’en empêcher, si j’y tenais absolument ».

25. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Je m’en réjouissais, ma tante, et je rabattais tant que je pouvais les larges bords de mon chapeau calabrais sur mes yeux, pour que l’ombre étendue du chapeau empêchât aussi le pauvre meurtrier, surpris, de me reconnaître d’un premier regard et de jeter un premier cri qui nous aurait trahis aux autres prisonniers du cloître. […] CCI Je n’avais pas pensé à cela, monsieur, et, tout en déplorant qu’il ne voulût pas suivre mon idée de le faire sauver, je ne pus m’empêcher d’avouer qu’il disait trop juste et qu’à sa place j’aurais certainement dit ainsi moi-même. […] — Pauvre enfant, dit-elle, on voit bien que tu as bon cœur, car tu as pâli à l’idée du supplice d’un misérable qui ne t’est rien, pas plus qu’à moi, ajouta-t-elle, et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de pâlir, de trembler et de pleurer moi-même, tout à l’heure, quand j’ai entendu l’officier accusateur du conseil de guerre conclure son long discours par ce mot terrible : « la mort !  […] Lorsque je fus arrivée à la dernière loge, dont le pilier du cloître empêchait la vue aux autres, j’appelai à voix basse Hyeronimo et je lui dis rapidement ce que m’avait dit longuement la maîtresse des prisons, afin que, si c’était pour lui la mort, la voix qui la lui annonçait la lui fît plus douce, et que, si c’était la vie, la parole qui la lui apportait la lui fît plus chère. […] Voilà tout ce qui se passait au grand châtaignier, monsieur : la misère, et le chagrin qui empêchait de sentir la misère.

26. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

trop souvent, la femme d’esprit se mêle à la femme de cœur, en ces lettres aussi spirituelles — et c’est leur défaut — qu’elles sont palpitantes d’émotion, l’esprit, du moins, n’y empêche jamais l’émotion de naître. […] J’ai bien compris qu’une femme, à une certaine hauteur d’éducation et de société, et qui aime, ne peut pas s’empêcher d’aimer avec toutes les facultés qu’elle a, — et à travers toutes les occupations de sa vie. […] Moi, je voudrais pouvoir en faire rêver… On y trouvera ce qu’on ne trouve plus dans aucun des livres contemporains… On y trouvera un amour inattendu et rare avec tous ses élans, ses chastes ardeurs, ses abandons, ses coquetteries, ses enfances, sa goutte d’infini enfin, et de la douleur aussi qui se mêle à tout cela, mais qui n’empêche pas tout cela. C’est Réa qui l’a dit elle-même : « La pluie tombe dans la mer, mais cela ne l’empêche pas d’être la mer ! 

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