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26. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Le fait ne constitue pas le droit, mais manifeste le droit. Tous les droits doivent être conquis, et ceux qui ne peuvent pas les conquérir prouvent qu’ils ne sont pas mûrs pour ces droits, que ces droits n’existent pas pour eux, si ce n’est en puissance. […] La volonté de l’humanité ne fait pas le droit, comme le voulait Jurieu ; mais elle est, dans sa tendance générale et ses grands résultats, l’indice du droit. […] Le fait est le critérium du droit. […] Le droit, c’est le progrès de l’humanité : il n’y a pas de droit contre ce progrès ; et réciproquement, le progrès suffit pour tout légitimer.

27. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Tous les théoriciens du Droit public ont montré comment la centralisation conduisait à l’uniformité. […] et par suite l’aider à se poser comme centre du droit ? […] Or pourquoi et comment le militarisme niait-il les droits des individus ? […] Tous les droits personnels s’effaceraient devant le droit public. […] Esprit du Droit romain, I, p. 310.

28. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Il faut donc admettre qu’une nation peut exister sans principe dynastique, et même que des nations qui ont été formées par des dynasties peuvent se séparer de cette dynastie sans pour cela cesser d’exister, Le vieux principe qui ne tient compte que du droit des princes ne saurait plus être maintenu ; outre le droit dynastique, il y a le droit national. Ce droit national, sur quel critérium le fonder ? […] Voilà ce qui constitue un droit, une légitimité. […] Le droit du germanisme sur telle province est plus fort que le droit des habitants de cette province sur eux-mêmes. On crée ainsi une sorte de droit primordial analogue à celui des rois de droit divin ; au principe des nations on substitue celui de l’ethnographie.

29. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. […] C’est ce qui explique pourquoi les vassaux roturiers s’appellent homines dans la langue du droit féodal. […] Le premier est pour hominis dominium, le domaine du seigneur sur la personne du vassal ; homagium est pour hominis agium, le droit qu’a le seigneur de mener le vassal où il veut. […] Le droit naturel des moralistes est celui de la raison ; le droit naturel des gens est celui de l’utilité et de la force. Ce droit, comme disent les jurisconsultes, a été suivi par les nations, usu exigente humanisque necessitatibus expostulantibus .

30. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Donner aux côtés des premiers le nom de droites, c’est adopter la géométrie euclidienne ; donner aux côtés des derniers le nom de droites, c’est adopter la géométrie non-euclidienne. […] D’un autre côté, je ne puis dire non plus que je n’ai pas le droit de donner le nom de droites aux côtés des triangles non-euclidiens, parce qu’ils ne sont pas conformes à l’idée éternelle de droite que je possède par intuition. […] Pourquoi aurai-je le droit d’appliquer le nom de droite à la première de ces idées et pas à la seconde ? […] Dans les premiers, dits mouvements euclidiens, les droites euclidiennes restent des droites euclidiennes, et les droites non-euclidiennes ne restent pas des droites non-euclidiennes ; dans les mouvements de la seconde sorte, ou mouvements non-euclidiens, les droites non-euclidiennes restent des droites non-euclidiennes et les droites euclidiennes ne restent pas des droites euclidiennes. […] Ce sera sa transformée par la transformation ponctuelle qui fait passer de notre monde au leur ; les droites de ces hommes ne seront pas nos droites, mais elles auront entre elles les mêmes rapports que nos droites entre elles, c’est dans ce sens que je dis que leur géométrie sera la nôtre.

31. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

La littérature et le droit § I. — Faut-il prouver tout d’abord que la littérature et le droit passent au même moment par des phases analogues ? […] Entre nations, on pratique et on proclame le droit de la force, le vieux « droit du poing », selon l’expression allemande. […] Quelques obstinés ont rappelé le droit qu’ont les peuples de disposer librement d’eux-mêmes. […] Pendant près d’un demi-siècle l’esprit dit pratique et positif a étouffé ce que nos pères appelaient le droit naturel et ce qu’il est beaucoup plus exact de nommer le droit idéal. […] Le droit civil à son tour peut prêter et emprunter beaucoup à la littérature.

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