. — Le Nouveau Monde, drame en 5 actes (1880). — Contes cruels (1883). — Akédysseril (1886). — L’Amour suprême (1886). — L’Ève future (1886). — Tribulat Bonhomet (1887) […] Grâce à ce sortilège, Villiers dompta les mauvaises aventures où d’autres auraient sombré, et il lui fut accordé d’écrire ces drames et ces contes, ces ironies et ces lyrismes par lesquels il demeure pour nous, amis de la première ou de la dernière heure, le maître inoubliable et absolu.
Les usurpations, par exemple, jouent un tel rôle dans la construction des royautés au moyen-âge, et mêlent tant de crimes à la complication des investitures, que l’auteur a cru devoir les présenter sous leurs trois principaux aspects dans les trois drames : le Petit Roi de Galice, Eviradnus, la Confiance du marquis Fabrice. […] L’épanouissement du genre humain de siècle en siècle, l’homme montant des ténèbres à l’idéal, la transfiguration paradisiaque de l’enfer terrestre, l’éclosion lente et suprême de la liberté, droit pour cette vie, responsabilité pour l’autre ; une espèce d’hymne religieux à mille strophes, ayant dans ses entrailles une foi profonde et sur son sommet une haute prière ; le drame de la création éclairé par le visage du créateur, voilà ce que sera, terminé, ce poëme dans son ensemble ; si Dieu, maître des existences humaines, y consent.
Ce qui distingue Racine, avant tout, dans la composition du style comme dans celle du drame, c’est la suite logique, la liaison ininterrompue des idées et des sentiments ; c’est que chez lui tout est rempli sans vide et motivé sans réplique, et que jamais il n’y a lieu d’être surpris de ces changements brusques, de ces retours sans intermédiaire, de ces volte-faces subites, dont Corneille a fait souvent abus dans le jeu de ses caractères et dans la marche de ses drames. […] Il resterait toujours à savoir si ce procédé attentif et curieux, employé à l’exclusion de tout autre, est dramatique dans le sens absolu du mot ; et pour notre part nous ne le croyons pas : mais il suffisait, convenons-en, à la société d’alors, qui, dans son oisiveté polie, ne réclamait pas un drame plus agité, plus orageux, plus transportant, pour parler comme madame de Sévigné, et qui s’en tenait volontiers à Bérénice, en attendant Phèdre, le chef-d’œuvre du genre. […] Un grand art de combinaison, un calcul exact d’agencement, une construction lente et successive, plutôt que cette force de conception, simple et féconde, qui agit simultanément et comme par voie de cristallisation autour de plusieurs centres dans les cerveaux naturellement dramatiques ; de la présence d’esprit dans les moindres détails ; une singulière adresse à ne dévider qu’un seul fil à la fois ; de l’habileté pour élaguer plutôt que la puissance pour étreindre ; une science ingénieuse d’introduire et d’éconduire ses personnages ; parfois la situation capitale éludée, soit par un récit pompeux, soit par l’absence motivée du témoin le plus embarrassant ; et de même dans les caractères, rien de divergent ni d’excentrique ; les parties accessoires, les antécédents peu commodes supprimés ; et pourtant rien de trop nu ni de trop monotone, mais deux ou trois nuances assorties sur un fond simple ; — puis, au milieu de tout cela, une passion qu’on n’a pas vue naître, dont le flot arrive déjà gonflé, mollement écumeux, et qui vous entraîne comme le courant blanchi d’une belle eau : voilà le drame de Racine. […] Nourri des livres sacrés, partageant les croyances du peuple de Dieu, il se tient strictement au récit de l’Écriture, ne se croit pas obligé de mêler l’autorité d’Aristote à l’action, ni surtout de placer au cœur de son drame une intrigue amoureuse (et l’amour est de toutes les choses humaines celle qui, s’appuyant sur une base éternelle, varie le plus dans ses formes selon les temps, et par conséquent induit le plus en erreur le poëte).
Les récits de l’Odyssée sur le meurtre d’Agamemnon diffèrent des traditions postérieures sur lesquelles Eschyle composa son drame. […] Il y a foule et carnage dans la narration de l’Odyssée ; un groupe étroit remplit tout son drame. […] Transformée par cette abréviation pathétique et remplie du génie d’Eschyle, l’antique légende est ainsi devenue la prodigieuse tragédie qui reste encore, après deux mille ans, le chef-d’œuvre de la terreur entre les drames de tous les pays et de tous les temps. […] Un air d’antiquité se mêle, dans le drame même, à sa majesté. […] Égisthe se montre à cette fin du drame, comme s’il sortait d’un trou d’embuscade.
Ici a lieu la grande scène du drame, très violente et très émouvante, mais d’une morale inacceptable, et qui ne résiste pas à la réflexion. […] La Princesse de Bagdad Le drame de grand talent et de haute excentricité qui a pour titre la Princesse de Bagdad est, par endroits, une véritable attaque au public. […] Un homme est là, parmi les hôtes de ce dîner de liquidation, convive d’or et non point de pierre, comme celui du drame espagnol. […] C’est d’un drame ou d’un roman d’il y a quarante ans qu’il semble débarquer dans la vie actuelle. […] En résumé, tout compte fait des invraisemblances prodigieuses et des bravades volontaires dont il est rempli, ce drame sort de ligne par ses qualités comme par ses défauts.
de bonne casse est bonne. » Ces messieurs de même, pour faire l’apologie du drame, font dire à Voltaire ; « Hon ! […] Un drame est un roman dialogué ; voilà son vice capital. […] Mélanide passe pour le chef-d’œuvre du drame ; grande preuve que le drame est un mauvais genre. […] Ainsi, c’est cette actrice très enjouée et très spirituelle qu’il faut accuser du crime de lèse-gaîté et de conspiration contre le bon comique ; c’est par elle que le drame s’est introduit au théâtre ; non que Le Préjugé à la mode soit le plus ancien des drames ; mais il est le premier qui, par l’éclat de son succès, ait mis en crédit ce genre bâtard. C’est de l’apparition du Préjugé à la mode sur la scène que datent la grande vogue des drames et la décadence de la vraie comédie.