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135. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Les deux sentiments les plus opposés qui se développèrent au sein de la fraternité première peuvent se rapporter au lyrique d’une part et au dramatique de l’autre. […] La pensée dramatique au contraire, qui, en passant par le lyrique, n’y voyait qu’un début et un prélude, ne se sentait pas satisfaite à si peu de frais ; elle croyait, elle, énergiquement à la poétisation possible du siècle ; et, plus vaste en désirs, moins effarouchée du bruit des profanes, elle insistait plutôt sur l’autre devise confiante et conquérante : L’avenir est à nous ! La portion la plus ardente et la plus ferme de cette pensée dramatique ne se préoccupait même pas d’une initiation graduelle et indirecte de la foule à l’œuvre moderne, moyennant d’habiles reproductions d’œuvres antérieures ; elle était pour une application immédiate et franche, pour une mêlée décisive, pour une descente et un assaut au cœur du siècle. […] Du moment en effet qu’il s’agissait de fonder, non pas une poésie dans le xixe  siècle, mais la poésie du xixe  siècle lui-même ; du moment qu’on s’était mis en marche, non pour jeter quelque part une colonie furtive, mais pour faire une révolution réelle dans l’art, la pensée dramatique avait toute raison de prévaloir ; l’épreuve décisive était et elle est encore dans cette arène ; quiconque ne l’y met pas désespère plus ou moins de cette aimantation poétique du siècle en masse, qui a été le rêve des avant-dernières années. […] La pensée dramatique à laquelle nous faisions allusion plus haut, et qui est la sienne, préexistait déjà à sa pensée lyrique ; elle a traversé elle-ci sans s’y attiédir, et en est sortie impétueuse, inflexible, comme d’un lac où, à sa source, elle était tombée.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq a eu ce singulier bonheur pour un écrivain moraliste et dramatique, d’avoir rattaché son observation et sa fine moquerie à une époque distincte et à un moment de l’histoire : tellement que, pour faire bien comprendre ce que l’historien ne dit qu’en courant et ce qu’il ne peut que noter sans le peindre, il n’y a rien de mieux que de renvoyer à quelques-uns de ses jolis proverbes comme pièces à l’appui. […] Tâchons de bien définir ce moment auquel se rapportent les Proverbes dramatiques de M.  […] Théodore Leclercq fut un de ceux qui le piquèrent le plus finement et avec le plus de bonheur dans ses Proverbes dramatiques. […] Les deux premiers volumes de Proverbes dramatiques de M.  […] Représentons-nous bien ce qu’était le proverbe dramatique à l’origine et dans le véritable esprit du genre.

137. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cet éclat extraordinaire que jetait dès lors la tragédie, et qui faisait d’un succès dramatique un événement des fastes nationaux, cette illustration du génie poétique sous la forme la plus vivante, était renfermée dans la cité de Minerve. […] C’est là que, pour juges de ce prix de l’art dramatique décerné, aux applaudissements d’un peuple idolâtre, la tragédie naissante avait eu les dix généraux de l’armée de Marathon. […] Cette gloire dramatique d’Athènes, suscitée du milieu de sa gloire guerrière et libératrice, était si bien le propre domaine de la cité de Minerve que, parmi les citoyens des autres villes de la Grèce, nul, pendant plus d’un siècle, ne s’avisa d’y prétendre. […] On sait tout ce qui a péri de l’antiquité, tout ce qui manque de chefs-d’œuvre et d’études critiques faites pour le théâtre grec, depuis Aristote et Théophraste jusqu’au roi Juba, ce mari d’une fille de Cléopâtre, qui écrivait dans sa cour de Mauritanie un traité complet de l’art dramatique. […] Il ne manquait plus à l’action lyrique et dramatique d’un tel spectacle que le retour même de Xercès ; et le voilà bientôt qui, lui-même vivant, apparaît avec un carquois vide.

138. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Hugo, Aristophane a tout au plus entrevu l’importance et le rôle du grotesque dans la poésie dramatique. […] Hugo le seul qui renferme quelques-uns des éléments de la poésie dramatique. […] Cette idée consiste à prendre l’antithèse pour pivot de l’action dramatique. […] Hugo a prises pour thèmes dramatiques et qu’il a développées avec le secours du poignard et du poison, du décorateur et du machiniste. […] On s’est beaucoup trop pressé, il y a trois ans, de crier au Corneille et d’applaudir comme une œuvre de génie la première création dramatique de M. 

139. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

» Or, qu’on nous permette de le dire avec la certitude que notre opinion sera un jour commune à tous ceux qui aiment profondément le théâtre : les effets dramatiques produits par l’intime hymen du vers et de la mélodie sont tels dans l’œuvre de Richard Wagner, que, inférieur comme poète à Goethe, égalé, en tant que musicien, par Beethoven, il n’est, comme créateur dramatique, comparable qu’au divin Shakespeare. […] Mais c’est dans Parsifal, qui est la Légende comme la bible est le Livre, c’est dans l’Anneau du Niebelung, c’est surtout dans cette prodigieuse épopée dramatique, œuvre patiente de vingt années, que le poète-musicien a révélé son admirable compréhension des symboles primitifs. […] Nous avons devant nous une création dramatique d’un ordre inconnu, où le génie du maître, sans s’abdiquer en rien, se fait voir en belle humeur. […] Wagner n’a pas son pareil à mettre à nu le sentiment des personnages dramatiques. […] Opéra et Drame comprend trois parties : « L’opéra et l’essence de la Musique » ; « Le spectacle et l’essence de la poésie dramatique » ; « La poésie et la musique dans le drame de l’avenir ».

140. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

De ce dernier mode résultent les poèmes dramatiques, la tragédie qu’il envisage comme la peinture du bon, et la comédie, comme celle du mauvais. […] Remarquons seulement que ce qu’il enseigne à cet égard est encore propre à notre art dramatique. […] Je vais donc passer aussitôt à l’examen de l’art dramatique, c’est-à-dire l’art d’imiter les actions des hommes, par l’action feinte. […] Un projet se forme, et l’exécution peut le suivre à l’instant : là, il n’y a point de gradation dramatique. […] Cette manie me semble nuisible à la création d’une multitude de beaux sujets dramatiques, et tient plus de la pédanterie que du savoir.

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