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316. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Et il interrompt ses douleurs, ce rocher lamentable qui, dans la Phrygie, s’est formé de larmes durcies, marbre qui remplace une femme transformée au milieu de son cri de désespoir. […] C’est lui qui, du milieu du bien, envoie le mal aux hommes, et la guerre avec ses frissons glacés, et les douleurs abondantes en larmes. […] Seulement, à sa suite marchent la grâce et la haine, la guerre et la fait mine, et les douleurs abondantes en larmes. […] Plus tard, ce problème reviendra et s’éclaircira dans la pensée humaine, qui, sans faire Dieu l’auteur du mal, comprendra qu’il a dû le permettre sous ses deux formes extrêmes, la douleur et le vice ; car, sans cette double épreuve, les deux lois et les deux grandeurs de l’homme, le travail et la vertu, n’auraient plus où se prendre ici-bas.

317. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Sur le comte Dandolo. (Article Marmont, p. 51.) » p. 514

J’ai parlé un peu légèrement de Dandolo, le Vénitien patriote dont la douleur éloquente émut à un certain jour Bonaparte ; j’ai emprunté les termes mêmes dont le maréchal Marmont s’était servi à son égard.

318. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Il a conçu de telle façon les caractères du frère et de la sœur, il a si fortement éclairé l’opposition de leurs égoïsmes fanatiques, que la victoire d’Horace doive produire la douleur frénétique de Camille, et celle-ci exaspérer la rage patriotique de son frère jusqu’à l’assassinat : ce dernier effet de la passion d’Horace pour Rome nécessite à son tour le jugement, que le précédent effet, qui est la victoire sur Albe, fait forcément aboutir à un acquittement. […] Mais l’écrivain, qui est poète et philosophe, y sent un rapport profond : le même soleil éclaire la froide Irlande, l’humide Bretagne, l’Inde ardente ; sur toutes les joies et toutes les douleurs de ces êtres, qui s’aiment, se regrettent, s’espèrent, il brille indifférent et verse également sa tranquille lumière.

319. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Mérope est « la mère » ; et Polyphonie, Egisthe, Narbas, tous les autres personnages ont pour fonction d’exciter « la mère » à développer toutes les agitations, toutes les douleurs, les espérances, les puissances de souffrir et d’agir d’une âme maternelle. […] Il a l’idée de ce que rendront en scène chaque fait, chaque état moral : la douleur chrétienne de Lusignan, par exemple.

320. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Le père souffre parce que cette petite fille, qui n’avait pas demandé à vivre, est sans doute vouée, comme lui, à la douleur. […] Édouard Rod est bien de mon avis : et, la seule fois où il ait connu une vraie douleur, il n’a pas craint de confesser la vanité des autres.

321. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Le livre sera reproduit ainsi comme un objet de lecture réelle sur lequel se seront fixés des yeux humains froids, souriants, émerveillés, hagards, ou à demi clos d’une douleur qui se contient, yeux d’hommes las de vrais spectacles, limpides ou cruels yeux de femme, yeux ternes des oisifs, yeux lumineux d’adolescent qui, se durcissant aux fictions, s’accoutument à la vie. […] L’on aura atteint au bout de ces travaux le résultat le plus haut auquel tend tout l’embranchement des sciences organiques : la connaissance d’un homme analyse et reconstitué, de ses fibres intérieures, des délicates agrégations de cellules cérébrales traversées par le jeu infiniment mouvant et complexe des ondes récurrentes, de ce centre de la trame intime de vibrations qui, phénomène physiologique pour l’observateur idéal placé au dehors et percevant son envers, est, pour ces cellules mêmes, immatérielles ou s’ignorant matière, de la pensée, des émotions, des douleurs, des joies, des souvenirs d’êtres et de choses, — jusqu’à l’aboutissement même des nerfs infiniment déliés, infiniment ramifiés, qui par des voies encore inconnues, à travers l’encéphale, le cervelet, la moelle allongée et la moelle épinière, recevant les répercussions actives de tout ce travail intérieur, conduiront aux muscles, à l’épiderme, à cette surface de l’homme colorée et conformée, — jusqu’aux êtres qui forment les antécédents de ce corps, — jusqu’à ceux qui le touchèrent ou dont les actes, par des manifestations proches ou lointaines, l’affectèrent, le réjouirent ou le contristèrent, — jusqu’aux cieux qui se reflétèrent dans ses yeux, — jusqu’au sol qu’il foula de sa marche, — jusqu’aux cités ou aux campagnes dont la terre souilla ses pieds et résorba sa chairec.

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