On y avait moins à craindre, moins à espérer ; et les esprits n’étaient pas sans cesse occupés, comme à Rome, par cette espèce de férocité inquiète, que donne l’habitude des dangers et le spectacle des crimes. […] N’ayant pu réussir, il se donna la mort ; et le petit-fils d’Hercule se pendit à Marseille. […] On s’étonne qu’après avoir goûté la douceur et les charmes du repos, il veuille bien se donner encore la peine de commander ; et l’on finit par prier sa divinité de vouloir bien, du faîte où elle est placée, veiller sur l’univers, et de sa tête céleste faire quelques signes, pour marquer aux choses humaines le cours de leur destinée. […] Il est adressé à un gouverneur de province, que l’orateur ne manque pas d’appeler vir perfectissime, c’est-à-dire, homme très parfait ; ce titre d’honneur était apparemment une leçon adroite, donnée, sous le voile du respect, à un homme puissant. […] Il eût mieux valu dire que sa valeur n’était rien à son humanité ; qu’empereur il fut modeste et doux ; que maître absolu, il donna, par ses vertus, des bornes à un pouvoir qui n’en avait pas ; qu’il n’eut point de trésor, parce qu’il voulait que chacun de ses sujets en eût un ; que les jours de fêtes, il empruntait la vaisselle d’or et d’argent de ses amis, parce qu’il n’en avait point lui-même ; qu’il fut humain en religion comme en politique ; et que, pendant tout le temps qu’il régna, tandis que les autres empereurs, persécuteurs des chrétiens, lui donnaient l’exemple d’une superstition inquiète et féroce, il ne fit jamais, dans ses États, ni dresser un échafaud, ni allumer un bûcher.
Collombet, nous donne une biographie de M. […] Les pièces qui y sont produites montrent surabondamment que nous n’avions rien exagéré, et elles ajoutent encore des traits précieux à l’intime connaissance que nous avons essayé de donner du célèbre écrivain. […] Deplace refuse, comme on le pense bien, et d’une manière qui ne permet pas d’insister ; mais les termes mêmes de l’offre peuvent donner la mesure de l’obligation, telle que l’estimait M. de Maistre. En supposant qu’il se l’exagérât un peu, qu’il accordât à son judicieux et savant correspondant un peu trop de valeur et d’action, on aime à voir cette part si largement faite à la critique et au conseil par un esprit si éminent et qui s’est donné pour impérieux. […] Il faut ôter aux jansénistes le plaisir de leur donner Bossuet : Quanquam o… !
Elles suffisent à vrai dire, et si l’on s’en pénètre bien et qu’on en fasse l’application, on donnera toujours une disposition convenable à ce qu’on écrit. […] Il ne s’agit que de choisir quelques-uns de ces points de coïncidence ou d’intersection, en se conformant à la nature intime du sujet et à l’idée maîtresse qui doit tout dominer : ces points donneront les divisions naturelles de la matière. […] Les lois si simples, si exactes de la composition dramatique s’appliqueront à merveille aux narrations qu’on pourra vous donner à développer. […] Il ne suffit pas alors de donner les raisons pour lesquelles on s’est rangé d’un côté : il faut aussi discuter celles qui pourraient engager à passer de l’autre. […] Il est clair qu’il faut proposer d’abord la solution ou les solutions de la question que d’autres ont présentées ou peuvent présenter, et que vous ne croyez pas devoir accepter : en les repoussant, vous donnez vos raisons qui réfutent celles qu’on a données pour les autoriser.
Comme toutes les très riches natures, développées à outrance par nos infernales civilisations, lesquelles nous donnent des ambitions encore plus nombreuses que nos puissances, Mme Émile de Girardin fut, intellectuellement, un être multiple. […] Il y eut donc en elle un bas-bleu, pour lui donner son triste nom. […] Il n’y a rien de moins homme que ces Lettres, et je défierais bien le plus neuf en sensation, donnée par le style, de se faire illusion une minute sur le sexe de la main qui a écrit de si délicieuses frivolités ! […] Assurément on donnerait volontiers la main à ce charmant et noble jeune homme sur tous ces sujets de discussion contemporaine qu’il traite avec l’air de les cravacher ; et même parfois on la lui serrerait avec une cordialité ardente, mais ce n’est plus comme en chiffons, cet art de la femme. […] Nous sommes en pleine femme naturelle et mondaine, en pleine femme vraie, en plein génie de légèreté, en pleine légèreté de génie ; de ce génie qui nous donne, par exemple, la sublime lettre sur la robe à huit volants, que j’aime mieux, pour ma part, que tous les tricots, compliqués et savants, des pages les plus citées, en littérature !
Cela donne un air de juges intègres et de Perrins Dandins aux éclectiques du xixe siècle. […] Il n’y a que Livet qui ne rie pas, qui ne sourie pas, qui ne bâille pas, quand il nous rapporte les insupportables descriptions de ces fêtes solennellement sottes qu’on donnait à l’hôtel de Rambouillet (exemple celle de la page 14 de l’introduction, dont il prend la relation à Voiture). […] Mais Livet a donné dans l’erreur commune, l’erreur du moment. […] Il y a donné comme il pouvait y donner. […] Les grands hommes qui donnèrent à la langue de Louis XIV, je ne dis pas son caractère définitif, — car une langue ne finit jamais que quand on ne la parle plus, — mais les chefs-d’œuvre qui l’assirent et la posèrent dans sa majesté, sont sortis des grands écrivains du xvie siècle, qui en a de si grands, et non pas des précieuses, ces bréhaignes, qui ont tué des poètes, mais qui n’en ont jamais fait un.
Ces Mémoires du duc de Luynes sont des papiers de famille comme ceux du duc de Saint-Simon, cette immense trouvaille historique qui a donné à la France un homme de génie de plus, un homme de génie aussi inconnu jusque-là qu’un crapaud dans un caillou ! […] Pour leur donner vis-à-vis du public plus de solidité et de consistance et piper le bruit, on a écrit au frontispice de ces Mémoires cette ligne majestueuse : « Publiés sous le patronage (on a oublié le mot haut) de M. le duc de Luynes (ce qui fait deux ducs), par MM. […] Dangeau n’a donné de plaisir sérieux qu’aux ennemis de la vieille monarchie française qui l’ont vue, exactement reproduite, par ce sot compromettant, dans les dernières révérences qu’elle ait faites, dans les derniers menuets qu’elle ait dansés ! Rappelez-vous Stendhal et sa joie cruelle quand parut la première édition de ce Dangeau, qu’on a complété depuis, et dont on nous donnera tout. […] La grande figure de Louis XIV, après sa mort, fait à Dangeau cette faveur dernière, de donner de l’importance à des Mémoires que sans lui on ne lirait pas.