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427. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Le divin poète, impénétrable aux autres hommes, revit en lui ; il est juste qu’on le respecte en lui… Voilà la folle illusion qui allume le zèle des homéristes ; mais le plaisant est que le public ait si longtemps servi cette même illusion… Combien peu de gens savent la langue grecque ! La divine Iliade n’était entendue que des érudits, on leur enviait avec respect ce dépôt sacré ; ils insultaient impunément à nos meilleurs écrivains, l’injustice leur tournait même à honneur, parce qu’on se persuadait que les beautés modernes, comparées par eux aux merveilles antiques, leur devaient faire une impression moins vive. […] Ce petit homme-là n’avait jamais eu quinze ans, n’avait jamais été amoureux comme les bergers, et n’avait jamais appris à jouer de la flûte auprès du divin Daphnis : Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre À souffler une haleine harmonieuse et pure ; Et ses savantes mains, prenant mes jeunes doigts, Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois, Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore, À fermer tour à tour les trous du buis sonore.

428. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

— On dirait de ses vers qu’ils résonnent quelque chose de la mansarde divine. […] Gustave Planche est bien mille fois pire. — Vois-tu, ces hommes divins ont froid dans leurs affreuses chambres d’auberge ruineuses, et leur soleil les brûle en dedans. […] « Ce directeur comme divin a été jusqu’à me dire : « La chose est impossible, madame, et pourtant je vois qu’il le faut, et puisqu’il y va de votre tranquillité, nous passerons par-dessus ce que je ne peux vous détailler ; et pour que vous soyez heureuse, nous en ferons un homme heureux ! 

429. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

ô les divines choses, Qu’un jour disait Amire en la saison des roses ! […] Tout ce que la parole invente de tendresse, Ce que disent les yeux et leur vive caresse, La voix, le sourire et les pleurs, De ce divin langage et des mots qu’il t’adresse N’égaleraient pas les douceurs. […] Je verrai tout : déjà je sais et je devine, Je suis sous les berceaux sa démarche divine Et son pas agité ; Je l’imagine émue, en flottante ceinture, En blonds cheveux, plus belle au sein de la nature, O Reine, ô ma Beauté !

430. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Il y avait là un premier droit divin qui n’est pas sans doute tout à fait celui qu’on professait sous Louis XIV, qui n’a pas été transmis à la monarchie de saint Louis sans interruption, que la féodalité a coupé à plus d’un endroit, et qui a dû se retremper, dans l’intervalle, à l’onction romaine ; mais enfin c’était un droit divin très-profond, très-vénéré, qui impliquait l’hérédité, sinon par ordre de primogéniture, du moins par égal partage entre tous les fils ; qui constituait la qualité de prince du sang comme quelque chose de très à part et d’inamissible ; qui excluait toute aristocratie dominante et proportionnait le rang des chefs au degré dans lequel ils approchaient le roi. […] J’ai sous les yeux deux chansons des rues, en tête desquelles Napoléon sur sa colonne est mis en regard (j’en demande bien pardon) de la plus adorable et de la plus ineffable image de la mansuétude divine et humaine, et, dans le parallèle que déduit au long la complainte bien plutôt niaise que sacrilège, il est dit sérieusement : Napoléon aimait la guerre, Et son peuple comme Jésus !

431. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Surtout en ce temps de réflexion et de conscience croissante, il y a, à côté des hommes de génie, des artistes qui sans eux n’existeraient pas, qui jouissent d’eux et en profitent, mais qui, beaucoup moins puissants, se trouvent être en somme plus intelligents que ces monstres divins, ont une science et une sagesse plus complètes, une conception plus raffinée de l’art et de la vie. […] Pareil au chat divin qui combattit les impies dans Héliopolis pendant la nuit du grand combat, tu défends contre de vils rongeurs les livres que le vieux savant acquit au prix d’un modique pécule et d’un zèle infatigable. […] Ses bons mouvements, étant spontanés, ont chez lui une grâce divine.

432. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Shakespeare a la tragédie, la comédie, la féerie, l’hymne, la farce, le vaste rire divin, la terreur de l’horreur, et, pour tout dire en un mot, le drame. […] Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret. […] Sur la terre, il faut que le divin soit humain.

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