/ 1788
865. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Il a parfois, dans ses discours, je ne sais quelle stupidité élégante et quelle littérature falote qui le fait ressembler, si vous voulez, au baron de : On ne badine pas avec l’amour. […] Et, d’un bout à l’autre, quels discours ! […] C’est un homme sans préjugés, qui a passé plusieurs années à la cour du Sultan Mourad, qui est soupçonné d’avoir renié son baptême et qui tient des discours effroyablement impies et immoraux. […] Le jeune orateur « épuise » vraiment tous les arguments de sa cause, et il les place dans le meilleur ordre, de façon que la force du discours aille toujours grandissant. […] Cette série de délibérations et de départs pour la bataille, de dissertations sur tel ou tel moment de l’histoire de France, et de discours patriotiques, pourrait continuer indéfiniment.

866. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il y a quelque part un petit discours sur l’astrologie qui est tout plein de bon sens spirituel, si bien qu’en vérité on le dirait dirigé contre la médecine : « Madame, tous les esprits ne sont pas nés avec les qualités qu’il faut pour la délicatesse de ces belles sciences qu’on nomme curieuses, et il y en a de si matériels, qu’ils ne peuvent aucunement comprendre ce que d’autres conçoivent le plus facilement du monde. […] Bossuet fait évidemment allusion à la scène viii de l’acte IV de l’École des femmes, au discours de Chrysalde que je suis forcé de reproduire tout entier pour en faire juger. […] Amorphe n’écoute pas ses discours généraux ; il est trop absorbé et trop distrait par d’autres pensées. […] Or, il ne l’emploie qu’un peu et si c’eût été une faute énorme que de le lui faire ‘employer constamment, il est admirable au contraire que Molière se soit arrangé de manière que quelques expressions de la langue de l’amour divin se glissassent dans le discours par où Tartuffe déclare son amour terrestre. […] Quand elle est en face, de Tartuffe, die lui tient un discours évidemment très préparé, assez adroit, assez invraisemblable aussi, où elle s’embarrasse un peu, où elle n’a aucune aisance.

867. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

La France éloquente et mondaine, dans le siècle qui a porté le plus loin l’art des bienséances et du discours, trouve pour écrire ses tragédies oratoires, et peindre ses passions de salon, le plus habile artisan de paroles, Racine, un courtisan, un homme du monde, le plus capable, par la délicatesse de son tact et par les ménagements de son style, de faire parler des hommes du monde et des courtisans. […] Les trompettes sonnent, les tambours battent, les armures défilent, les armées s’entre-choquent, les gens se poignardent entre eux ou se poignardent eux-mêmes ; les discours ronflent avec des menaces titanesques et des figures lyriques39 ; les rois expirent, tendant leurs voix de basse ; « la mort hagarde, de ses serres rapaces, étreint leur cœur sanglant, et comme une harpie se gorge de leur vie. » Le héros, le grand Tamerlan, assis sur un char que traînent des rois enchaînés, fait brûler les villes, noyer les femmes et les enfants, passer les hommes au fil de l’épée, et à la fin, atteint d’un mal invisible, s’emporte en tirades gigantesques contre les dieux qui le frappent et qu’il voudrait détrôner. […] Car le propre des hommes de ce temps, comme des personnages de Marlowe, est la brusque détente de l’action ; ce sont des enfants, des enfants robustes ; comme un cheval au lieu d’un discours vous lâche une ruade, au lieu d’une explication ils vous donnent un coup de couteau. […] Ce n’est point le discours ou le récit qui peut manifester leur état intérieur, c’est la mise en scène ; ainsi que les inventeurs du langage, ils jouent et miment leurs idées ; l’imitation théâtrale, la représentation figurée est leur vrai langage ; toute autre expression, le chant lyrique d’Eschyle, le symbole réfléchi de Gœthe, le développement oratoire de Racine, leur serait impraticable. […] Même le dialogue et le discours, qui, par excellence, semblent devoir être des courants réguliers et continus d’idées entraînantes, demeurent en place tout stagnants, ou s’éparpillent en déviations et en vagabondages.

868. (1933) De mon temps…

Le discours de Georges Clemenceau était attendu avec curiosité. […] Cette conversation, à la fois prolixe et décousue, ces digressions embrouillées, cette élocution hésitante, tout le gâchis et toutes les bavures de son discours faisaient de lui une espèce de « raseur supérieur » ; mais, qu’il prit la plume, et tout ce déchet et ce tâtonnement de sa pensée devenaient de l’éloquence, de la finesse, de la profondeur, de l’harmonie. […] Ses manières, comme ses propos, étaient cérémonieuses et la gravité de son accueil égalait celle de ses discours. […] Elle a pour titre Commémoration de Emile Verhaeren à Bruxelles, le 19 janvier 1920, et contient les discours prononcés à cette occasion dans la salle du Sénat, en présence de leurs Majestés le Roi et la Reine des Belges. […] Il va sans dire que le succès du discours du comte Albert de Mun fut considérable et j’eus assez l’impression que j’aurais dû m’excuser auprès de mes « parrains » d’avoir eu à encadrer un récipiendaire aussi peu académiquement désirable.

869. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Benjamin Constant, sous le coup de cette note, commençant son discours quelques heures après, était obligé de dire pour exorde : « Il eût été à désirer que le premier projet de loi soumis à la discussion du Tribunat eût pu être par lui adopté ; la malveillance n’aurait pas le prétexte de dire que cette enceinte est un foyer d’opposition… » J’ai eu sous les yeux des lettres qui prouvent à quel point Benjamin Constant et son monde, au moment où ils ouvraient les hostilités, furent sensibles eux-mêmes à de si promptes représailles. […] Directeur de l’Instruction publique, il ne trouvait pas mauvais qu’un de ses discours pour une distribution de prix fût critiqué par un professeur de rhétorique de l’établissement où il l’avait prononcé.

870. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Sort-il du spectacle un jour de première représentation, il s’amuse à regarder passer le monde, les jolies femmes qui font les coquettes, les laides qui n’ont pas moins de prétention et qui trouvent moyen de faire concurrence aux jolies, les jeunes gens aussi, qui font les beaux ; il s’amuse à interpréter ce que signifient toutes ces mines qu’il voit à ces visages, ces grands airs et ces maintiens complaisants ; il leur fait tenir de petits discours intérieurs bien précieux, bien vaniteux, qu’il déduit par le menu : Ce petit discours que je fais tenir à nos jeunes gens, on le regardera, dit-il, comme une plaisanterie de ma part.

/ 1788