/ 1788
18. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Je n’ai pas été peu surpris, il y a un ou deux mois, de lire un matin (7 juin 1866), dans le journal intitulé l’Événement et qui n’est censé s’occuper que de sujets à l’ordre du jour, la critique d’un discours que j’avais prononcé autrefois sur la tombe d’un de mes amis, le docteur Armand Paulin, discours qui n’avait pas moins de neuf années de date (ce que le critique se gardait bien de dire), discours oublié de moi-même et que je n’avais jamais songé à recueillir dans aucun de mes volumes de Mélanges, publiés depuis. Le critique, un docteur Joulin, que ses amis appellent un homme d’esprit, me dénonçait pour ce discours comme faisant honte à l’Académie française, comme ne sachant pas un mot de français, sinon à la réflexion et à tête reposée, comme ne pouvant écrire couramment deux lignes sans pataquès ; et il notait dans ce seul discours jusqu’à cinquante-trois fautes de langue et de goût. […] je suis appelé à parler sur la tombe d’un ami intime, j’écris ce discours le matin même de la cérémonie funèbre ; je le prononce devant des témoins amis et émus ; le Moniteur, où j’écrivais alors, insère le lendemain les paroles qui sont l’éloge du mort ; si d’autres feuilles, des journaux de médecine et de science les reproduisent, j’y suis totalement étranger et je n’ai eu nullement à m’en mêler : ces journaux n’ont vu dans mon Éloge funèbre que la mémoire du médecin, homme de bien, que j’y célébrais. Depuis lors, je garde fidèlement le souvenir de mon ami, mais je ne pense plus à mon discours. […] Jamais, d’ailleurs, morceau ne fut moins un discours de rhétorique ni d’Académie que celui-là : c’est un témoignage du cœur qui m’est sorti des lèvres.

19. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

La force dans les discours ne peut être séparée de la mesure. […] À plusieurs époques de notre révolution, les sophismes les plus révoltants remplissaient seuls de certains discours ; les phrases de parti, que répétaient à l’envi les orateurs, fatiguaient les oreilles et flétrissaient les cœurs. […] Les individus des mêmes partis, liés entre eux par des intérêts d’une importante solidarité, se sont accoutumés en France à ne regarder les discours que comme le mot d’ordre qui doit rallier des soldats servant dans la même cause. […] À qui ces discours étaient-ils destinés ? […] Ce qui est sublime dans quelques discours anciens, ce sont les mots que l’on ne peut ni prévoir, ni oublier, et qui laissent trace dans les siècles, comme de belles actions.

20. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

L’entrée en matière, j’allais dire l’entrée en scène de son discours a été pittoresque, et telle que M. de Salvandy l’eût aimée : « En 1837, j’étais au collège Henri IV… » et ce qui suit. […] Augier, vers la fin de son discours, n’a pas craint de dire quelques vérités au spirituel public qui l’applaudissait. […] Le succès de ce discours de M.  […] Un dernier trait du discours de M.  […] Legouvé dans son discours de réception.

21. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Les recueils de l’Académie française nous ont conservé le discours par lequel le président débuta dans les lettres proprement dites. […] Le cardinal Dubois cherchait quelqu’un qui fît convenablement, avec sûreté et tact, tous ces discours officiels, moins celui du premier président, de qui on ne disposait pas. […] Mais voilà que de son côté le premier président M. de Mesme, qui avait de l’amitié pour Hénault, et qui passait sa vie avec lui dans les mêmes sociétés, lui parla de son discours prochain et des divers canevas ou projets qu’il en avait fait faire par de très mûrs conseillers ; il lui demanda de mettre tout cela en ordre et de lui rédiger un discours qui fût en situation : ce que fit volontiers notre président. […] Ce qui augmente le mérite de l’ensemble de ces discours, c’est la variété des tons qu’il a fallu prendre. […] Et ce qui ne laisse pas d’être assez joli, le discours de M. de Morville eut beaucoup plus de succès que celui du président et l’effaça même dans l’opinion du jour.

22. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

les dieux le savent, mais aucun homme ne le sait. » Tel est ce premier discours de Platon, où il a développé l’âme de Socrate ; il y règne une éloquence douce et noble, le courage de la vertu, le respect pour la divinité et pour soi-même. […] Au second discours, la scène change. […] tu entendrais souvent des discours qui te feraient rougir… Est-ce pour tes enfants que tu voudrais vivre ? […] Socrate, laisse-toi persuader, et ne préfère ni tes enfants, ni ta vie, ni rien même à la justice. » Criton cède ; il admire Socrate qui finit par lui dire : « Marchons par où Dieu nous conduit. » Le troisième discours, beaucoup plus connu que les deux autres, est ce Phédon si fameux qui contient le récit des derniers entretiens de la mort de Socrate ; c’est un des ouvrages les plus célèbres de l’antiquité ; c’est celui que Cicéron, comme il nous l’apprend lui-même, n’avait jamais pu lire sans verser des larmes. […] Je me plais à penser que tous les juges qui avaient condamné Socrate, lurent du moins avant de mourir ces trois discours où il est représenté si vertueux et si grand.

23. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Nous sommes séduits par les images dont le poëte se sert pour l’exprimer ; et la pensée de triviale qu’elle seroit énoncée en stile prosaïque devient dans ses vers un discours éloquent qui nous frappe et que nous retenons. […] Mais qu’on ne s’attende point à voir dans son discours une précision seche qui écarte toutes les figures capables de nous émouvoir et de nous séduire, ni qui se borne aux raisons concluantes. Ce discours est rempli d’images et de peintures, et c’est à notre imagination qu’il parle contre l’abus de l’imagination. […] Les images et les figures doivent être encore plus frequentes dans la plûpart des genres de la poësie que dans les discours oratoires. […] Suivant Horace on peut être poëte en un discours en prose et l’on n’est souvent que prosateur dans un discours écrit en vers.

/ 1788