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271. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il faut absolument, pour rétablir l’équilibre, pour maintenir la composition de l’esprit français, considéré dans son expression la plus haute, non seulement des esprits sérieux, mais des esprits dignes, des poëtes héroïques dans les âges d’héroïsme, de grands évêques éloquents dans le siècle monarchique religieux, des tragiques capables de sublime, des écrivains porte-sceptre, des autorités. […] Il va jusqu’à dire que ce n’est pas seulement dans la mémoire et la conscience de l’humanité que subsiste, selon lui, l’œuvre de quiconque est digne de vivre, car il y en a, et des meilleurs, qui sont restés obscurs ; il ajoute que « c’est aux yeux de Dieu seul que l’homme est immortel. » Il peut y avoir dans tout ceci, je le sais, la part à faire à un certain langage poétique, métaphorique, dont l’écrivain distingué se prive malaisément. […] Ferrari, s’arrêtant sur le rôle et la fonction historique de la Rome moderne, et cherchant en vain à se la représenter sous une figure nouvelle digne de son passé, il va jusqu’à la vouer à jamais à la destinée mélancolique et pittoresque de gardienne des tombeaux ; il est poëte et peintre à outrance ce jour-là, ni plus ni moins que Chateaubriand : « Pour moi, s’écrie-t-il, je ne puis envisager sans terreur le jour où la vie pénétrerait de nouveau ce sublime tas de décombres.

272. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Sérieusement, il me semble que les différentes positions qui sont à prendre dans la presse périodique et qui peuvent tenter des publicistes dignes de ce nom, commencent à être toutes occupées, et à l’être comme il convient, par des écrivains de réputation et de talent, lesquels, s’ils ne disent pas tout ce qu’ils voudraient, le font du moins très-bien entendre ; et il s’en faut d’assez peu que ce qui est réclamé par la plupart comme un droit ne devienne insensiblement et par usage un fait. […] ce seul nom cependant est si beau, et la chose en elle-même si digne d’envie ; elle est si chère à ceux qui l’ont adoptée à l’heure où l’on croit et où l’on aime, et qui sont restés fidèles à ce premier idéal trop souvent brisé ; elle a été tellement notre rêve à tous, notre idole dans nos belles années ; elle répond si bien, jusque dans son vague, aux aspirations des âmes bien nées et trouve si bien son écho dans les nobles cœurs, qu’on hésite à venir y porter l’analyse, à la vouloir examiner et décomposer. […] On doit être digne, mais il ne faut pas toujours prétendre venir de trop haut.

273. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Quand on a pu traduire de la sorte trente vers de Térence, on était digne de le traduire tout entier. […] Je ne sais plus lequel des critiques de ce temps-ci dont je disais : « Il aime le délicat, mais il adore le faible. » Celui-là aura beau être instruit et versé dans les choses de l’Antiquité, il n’est digne qu’à demi de sentir Térence. […] Il serait juste aussi de le montrer un digne fils et un héritier direct de la civilisation et de la culture grecque à laquelle il appartient, de cette civilisation qu’on voit si humaine au temps de Gélon, et qui trahissait déjà son véritable esprit dans la lutte fabuleuse de Pollux, l’un des Argonautes, contre un roi brigand des bords de la Propontide.

274. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

À ne voir que les dehors, sa rentrée est la plus digne et la mieux séante : c’est une rentrée littéraire. […] C’est aussi en cette occasion qu’on voit apparaître et figurer pour la première fois dans la vie de Talleyrand son aide de camp habituel et le plus digne de lui, Montrond, un homme d’audace et d’esprit, un intrigant de haut vol.  […] Il ne se pouvait devant l’Europe de ministre plus digne, et quand il disparut, ce fut aussitôt, dans les rapports de la France avec les autres puissances, un changement des plus sensibles pour la mesure et le ton : avec les deux honnêtes gens laborieux, mais eux-mêmes de valeur décroissante, qui succédèrent, l’échelle de la considération baissa de plus en plus.

275. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

» Mais à ceux qui connaissaient la personne de M. de La Mennais, et son ingénuité franche, et son ressort d’intelligence et de zèle, cette transformation paraissait simple et digne de lui. […] Chose singulière et à jamais digne de méditation pour ceux qui en ont été témoins ! […] La trompette éclatante et digne de Jéricho, qui sonnait contre eux au couchant, la voilà qui résonne de plus belle à l’Orient sur le même ton et dans un camp tout différent du premier.

276. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Si Duhamel invente un appareil pour le dessèchement des grains, et s’il place cet appareil dans une tour qu’il surmonte d’ailes toutes semblables à celles d’un moulin à vent, Vicq d’Azyr y verra « un monument élevé par le patriotisme, vraiment digne de décorer la maison d’un philosophe, et bien différent de ces tours antiques… » Suit une petite sortie contre les tours gothiques et féodales. […] Que ceux qui connaissent les charmes de l’amitié se peignent le réveil de Gessner, sa surprise, et leurs embrassements ; que l’on se représente enfin, au milieu d’un désert, cette scène touchante et si digne d’avoir des admirateurs ! […] Réservez votre doctrine secrète pour un petit nombre d’amis sûrs, dans le sein de qui votre âme puisse s’épancher sans contrainte, et qui soient dignes de cultiver avec vous la philosophie et de rendre honneur à la vérité.

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