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229. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

La différence qu’on remarque pour la fidélité entre ces deux traductions, est étonnante : il semble que ce ne soit pas le même ouvrage. […] Ce qui fait, dit-il, que les grands poëtes de l’antiquité ont été traduits en vers avec beaucoup de succès chez nos voisins, & ridiculement chez les François, c’est la différence du génie des langues, La nôtre ne sçauroit se plier à rendre les petites choses ; à nommer, sans causer du dégoût (tant nous sommes des Sybarites dédaigneux & difficiles) les instrumens des travaux champêtres & des arts méchaniques.

230. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Au fond, c’est une seule et même chose ; mais la différence est que la religion naturelle est une création a priori, sans racines dans les habitudes des hommes, tandis que le christianisme est un fait historique dans lequel presque tous nous avons été élevés. […] Sans renoncer aux différences propres qui caractérisent chaque école et même chaque nuance d’école, ne serait-il pas possible de chercher à s’entendre, à se comprendre, à s’associer, au lieu de se perdre dans une multitude de petites hérésies, impuissantes dans leur isolement ?

231. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Mais entre cela et le talent et surtout le génie, il y a l’épaisseur de la différence qui existe entre le cœur et le cerveau. Et j’insiste sur cette différence, parce qu’elle seule peut expliquer que la femme qui a écrit le Récit à une sœur puisse écrire des livres comme le Mot de l’énigme, par exemple, — et que de la hauteur de son âme, désintéressée de toute prétention littéraire, elle ait pu tomber et rouler… rouler jusqu’au bas-bleu !

232. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

devant Dieu par la foi, par l’abnégation, par l’œuvre collective, ils ont comme l’identité de la même vertu, de la même sagesse, de la même sainteté, et on pourrait tous les prendre les uns pour les autres, si Dieu n’avait pas donné à quelques-uns d’entre eux la différence qui compte devant l’Histoire, la différence ou d’un de ces caractères ou d’un de ces génies qui, en attendant l’égalité du Ciel, font la gloire et l’originalité parmi nous !

233. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Si touché qu’il ait été de la réputation, dans ces courtes années de vie flatteuse et brillante qui précédèrent sa retraite à Port-Royal, jamais il ne le fut jusqu’à faire passer la fortune de son esprit avant la vérité, et à chercher la célébrité dans l’éclat de quelque différence entre son illustre devancier et lui. […] Les hommes sont plus considérables pour Pascal que les idées ; et à la différence de Descartes, qui ne s’occupe que du vrai et du faux, par rapport à la raison, Pascal ne s’en occupe que par rapport au malheur ou au bonheur de l’homme. […] Il est aisé d’imaginer d’avance quel accent allait donner aux Pensées de Pascal, comparées aux écrits philosophiques de Descartes, la différence des vérités qui y sont traitées, soit qu’on en regarde l’ordre, soit qu’on en apprécie l’intérêt pour celui qui les cherche, comme pour ceux qu’il en veut convaincre. […] De ces dissemblances entre Descartes et Pascal, dans leur objet, et dans l’intérêt qu’ils ont à le rendre évident, naissent, entre les écrits de ces deux grands hommes, des différences qui tournent en beautés nouvelles pour notre littérature. […] Il s’agit de savoir ce qu’il est, où il va, comment il doit se conduire dans la vie, quel sens donner à la vertu ou au vice, à la santé, à la maladie ; il s’agit d’un pari — il l’a dit lui-même — où la vie est engagée, où il importe, de toute la différence qu’il y a entre la vie et la mort, de mettre toutes les bonnes chances de son côté.

234. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Quant à la France, on sait de reste qu’entre un habitant de Marseille et un habitant de Lille, il y a toutes les différences qui séparent deux nations, sans que pour cela les gens du Midi ou les gens du Nord soient pareils entre eux. Ces différences physiques correspondent à des différences morales plus profondes encore et se joignent à de grandes variations dans le temps. […] Cela est vrai ; mais une perception n’est nullement un acte simple, passif, constant pour tous devant un objet identique ; les facultés les plus hautes, la mémoire, l’association des idées y participent ; on doit l’assimiler rigoureusement à une opération aussi compliquée qu’un raisonnement17 de sorte que, dès qu’il s’agit de perceptions complexes et esthétiques, les différences individuelles deviennent énormes. […] Mais il n’est point d’autre différence entre l’organisation mentale d’un artiste et celle de ses admirateurs, qu’entre les facultés créatrices et les facultés réceptives.

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