et je pensais qu’il ne sortait de ce monde que sous la protection des Dieux, qui lui destinaient, dans l’autre monde, une félicité aussi grande que celle dont puisse jouir aucun mortel. […] « Il espère fortement, ajoute-t-il, une destinée réservée aux hommes après la mort ; destinée qui, selon la foi antique et universelle du genre humain, doit être meilleure pour les bons que pour les méchants. » Au moment où il va développer pour ses amis les fondements de cette espérance, Criton lui semble vouloir l’interrompre ; il l’interroge sur ce qu’il paraît avoir besoin de dire. […] « Pour moi, la destinée m’appelle aujourd’hui, comme dirait un poète tragique, et il il est temps que j’aille au bain, car il me semble qu’il est mieux de ne boire le poison qu’après m’être baigné et d’épargner aux femmes la peine de laver un cadavre. » Puis, souriant : « Je ne saurais pourtant persuader à Criton que je suis bien le Socrate qui s’entretient ainsi avec vous, et qui ordonne avec sang-froid toutes les parties de son discours ; il s’imagine toujours que je suis déjà celui qu’il va voir mort tout à l’heure, et il me demande comment il doit m’ensevelir. […] La récompense, après la mort, de ces vertus ; le châtiment, soit temporaire, soit éternel, des vices ou des crimes contraires, voilà ses destinées.
Est-ce effémination d’une âme trop accoutumée dès le berceau aux caresses de la destinée ? […] Les femmes surtout, qui sont destinées à soutenir et à récompenser l’enthousiasme, tâcheront d’étouffer en elles les sentiments généreux, s’il doit en résulter, ou qu’elles soient enlevées aux objets de leur tendresse, ou qu’ils leur sacrifient leur existence en les suivant dans l’exil. » XXXVI On ne peut s’empêcher de s’étonner et cependant de s’émouvoir des angoisses de cette femme, à qui le monde est ouvert, que sa maison, son père, ses enfants, sa patrie attendent, et qui se cramponne aux portes de Paris, comme si la terre et la vie allaient lui échapper avec l’horizon brumeux de cette ville ! […] On y sent à chaque page l’amertume d’une âme qui aurait voulu réunir dans une seule vie ce qui illustre l’existence et ce qui la voile, mais qui combat contre la nature des choses et contre la véritable destinée de la femme, qui est vaincue par le bons sens ou par ce qu’elle appelle les préjugés de la société. […] La destinée ne m’accorde plus une autre correspondance avec lui. » XLI Cette page des mémoires de la femme persécutée dans ses amis respire la vengeance d’une âme libre ; elle atteste aussi plus de constance dans la dignité de l’âme que le despotisme n’était accoutumé à en rencontrer autour de lui. […] « L’énigme de la destinée humaine n’est de rien pour la plupart des hommes ; le poëte l’a toujours présente à l’imagination.
Un simple dictionnaire, l’Encyclopédie, devient comme un immense bélier manié par des centaines de bras et destiné à saper les bases de la société monarchique. […] Napoléon n’avait-il pas rassemblé au camp de Boulogne une armée destinée à conquérir l’Angleterre ? […] Le drame n’ose pas s’abaisser à la vie et au langage de tous les jours ; il reste historique et empanaché ; il parle en vers ; ses héros sont des grands de la terre ou des hommes à passions et à destinées extraordinaires, toujours des êtres d’exception ; la basse condition d’un Ruy Blas ou d’un Didier est voilée d’un manteau tissé d’images éclatantes. […] Comptez aussi ceux qui, depuis Thiers jusqu’à Lanfrey et Taine, depuis le général Marbot jusqu’à Mme de Rémusat, ont essayé de déchiffrer l’énigme de sa destinée ou conté les moindres faits et gestes du conquérant et de ses compagnons. […] Des destinées de la poésie, p. 31.
de même il y a dans la famille humaine des hommes printaniers, si l’on peut se servir de cette expression, âmes à doubles fleurs et sans fruits, qui accomplissent toute leur destinée en fleurissant, en coloriant, en embaumant leur vie et celle de leurs contemporains, mais dont on fixe cependant l’éclat et le parfum dans la mémoire en volumes de vers ou de prose immortels, œuvres qu’on ne compulse pas, mais qu’on respire, qui ne nourrissent pas, mais qui enivrent ! […] XI Saint-Évremond n’avait jamais ni imprimé, ni recueilli, ni vendu ses légers ouvrages ; il ne travaillait pas, il s’amusait ; il s’en rapportait au vent pour disséminer çà et là ou pour laisser tomber à terre ses feuilles éparses, simples badinages, la destinée de son talent n’étant, selon lui, que de faire sourire ses amis. […] La Destinée est femme. […] Il dépendit plusieurs fois de moi d’avoir une influence heureuse sur sa destinée. […] Il ne devait pas en être ainsi, nous dit M. de Sainte-Beuve dans un tendre reproche à la destinée de cet ami mort.
Il les faisait, le cœur saignant, quitte à les faire payer plus tard aux hommes ou à la destinée, courbé dans ses intrigues de cour comme un géant enchaîné sous une porte basse, descendant aux plus vils procédés avec une nature héroïque, amant réel ou joué des reines qui l’avaient en mépris, pourvoyeur de favoris afin de tenir mieux contre les pourvoyeuses de maîtresses, vivant avec ce roi ennuyé qui le détestait, comme on vit en tête-à-tête avec un tigre, quand on n’a pas de pistolets, mais acceptant tout cela, et ces indignités, et ces ravalements, et ces abaissements, et ces étouffements pour le service de son idée et de la France, et pour donner à un pays qui s’en allait à l’anarchie par toutes ses pentes, la solidité d’un État ! […] Michelet, comme la plupart des hommes nés dans le pêle-mêle social qui suit toujours les révolutions, et placé bien plus près de ce qui est en bas que de ce qui est en haut par les hasards de sa destinée, a dû se pencher avec les avides aspirations du désir et de l’orgueil souffrant vers la popularité, ce souffle qui nous vient de la terre, mais qui nous enlève. […] Mais les Femmes de la Révolution n’ont pas été destinées seulement à ces Nina humanitaires qui disent chaque jour : « Ce sera pour demain. » C’est un livre arrangé, combiné et écrit pour tout le monde. […] Michelet, l’erreur profonde dans laquelle il s’enfonce sur leur destinée et sur leurs vertus. […] Michelet se préoccupe beaucoup, dans son histoire des Femmes de la Révolution, de la destinée future de la femme, et nous vous dirons qu’à plus d’une page il n’est pas médiocrement embarrassé.
Ces complices font place à d’autres plus vils encore, et la destinée des peuples, qu’on voulait rendre meilleure, n’en devient que plus malheureuse. […] Mais il est certaines erreurs qui ne doivent jamais arriver jusqu’à l’homme chargé des destinées d’un grand peuple. […] Quel philosophe connaît la cause à laquelle tient la destinée de nos arts et de nos sciences ? […] Elles se croient tellement destinées à tout vaincre dans la société, que cette aimable illusion passe jusque dans leurs écrits. […] C’est dans cet espace qu’est renfermée la destinée de quatre empires !