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215. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Et qu’on ne dise pas que dans un siècle comme le nôtre, où les sciences politiques et les études philosophiques sont portées à un si haut degré de perfection, les poètes ne peuvent plus acquérir la prépondérance qu’ils avaient dans les âges moins éclairés ; les hautes renommées de Goethe au milieu de la philosophique Allemagne, et de Byron dans le pays natal de la politique, sont là pour démentir ce préjugé trop répandu. […] Soit que la nature ne l’ait pas doué de poésie au même degré que ces deux grands hommes, soit que, travaillant pour une époque excessivement spirituelle, mais peu artiste, il ait négligé, à dessein, la forme et la couleur poétiques, qui n’eussent été que médiocrement senties, pour se livrer tout entier aux combinaisons théâtrales et aux déclamations philosophiques qui étaient alors dans le goût du public ; il est certain qu’il a outré encore le défaut de localité et d’individualité qui est le péché originel de notre tragédie. […] Au total, malgré de nombreux vices d’exécution et une débilité de style qui contraste trop souvent avec la hardiesse des idées, Voltaire a dû produire tout l’effet qu’il a produit, et il est impossible de ne pas reconnaître qu’il a étendu, sinon agrandi notre scène tragique, et qu’il a passionné encore le dialogue et les situations ; enfin il a ouvert une source nouvelle et abondante de pathétique, et on lui doit de fortes et nobles émotions qu’on n’avait pais éprouvées au même degré avant lui. […] Sans doute, avec du travail et une organisation assez heureuse, on parvient dans les vers, comme dans tous les arts, à une certaine élégance vulgaire, à une froide correction, à une mélodie molle, que n’ont pas quelquefois au même degré les hommes d’un vrai génie. […] Pour nous, intimement convaincus de cet axiome de Boileau : « Il n’est pas de degré du médiocre au pire », si nous avons des voiles pour quelques défauts, du moins n’aurons-nous jamais de couronnes pour la médiocrité.

216. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Il semble approuver complètement une brochure de M. de Bonald, de la Royauté en France, laquelle ne concluait à rien moins qu’au rétablissement de l’ancien régime autant que faire se pouvait : « Point de Constitution écrite, point de Chambres, le rétablissement des Parlements tels qu’ils existaient autrefois, sans quoi la France tombera rapidement au dernier degré de la faiblesse et du malheur et sera, avant un siècle, le théâtre d’une nouvelle révolution, semblable à la révolution d’Angleterre de 1688. […] Comment, par un retour de réflexion en arrière, ne lui arriva-t-il jamais de se dire que si la société et l’époque lui avaient paru si gâtées et si mauvaises, contemplées d’un premier point de vue, celui du catholicisme et de l’autorité, elles ne pouvaient être également mauvaises et gâtées au même degré, envisagées et reprises du point de vue opposé, celui du libre examen individuel et de la démocratie ? […] La Mennais était au plus haut degré sous cette impression, qui était également celle de Joseph de Maistre, et il écrivait de Londres le 12 septembre 1815 : « Selon toutes les vraisemblances humaines, notre pauvre patrie, déjà si malheureuse, est à la veille de plus grandes calamités encore. […] On est obligé de s’avouer qu’on ne connaissait pas l’homme à un certain degré de profondeur auparavant, La misanthropie de La Mennais, à cette heure, déborde même sur le talent singulier, sur le talent par excellence qui lui a été accordé : il en a fait fi, que dis-je ?

217. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Nous sortirions par degré du plus affreux période de l’esprit public, l’égoïsme de l’état de nature combiné avec l’active multiplicité des intérêts de la société, la corruption sans politesse, la grossièreté sans franchise, la civilisation sans lumières, l’ignorance sans enthousiasme ; enfin cette sorte de désabusé, maladie de quelques hommes supérieurs, dont les esprits bornés se croient atteints alors que, tout occupés d’eux-mêmes, ils se sentent indifférents aux malheurs des autres. […] L’estime, l’approbation, le respect, sont des degrés nécessaires à la puissance de l’enthousiasme. […] Si l’analyse remonte jusqu’au vrai principe des institutions, elle donnera un nouveau degré de force aux vérités qu’elle aura conservées ; mais cette analyse superficielle, qui décompose les premières idées qui se présentent, sans examiner l’objet tout entier, cette analyse affaiblit nécessairement le mobile des opinions fortes. […] J’essaierai de montrer le caractère que telle ou telle forme de gouvernement donne à l’éloquence, les idées de morale que telle ou telle croyance religieuse développe dans l’esprit humain, les effets d’imagination qui sont produits par la crédulité des peuples, les beautés poétiques qui appartiennent au climat, le degré de civilisation le plus favorable à la force ou à la perfection de la littérature, les différents changements qui se sont introduits dans les écrits comme dans les mœurs, par le mode d’existence des femmes avant et depuis l’établissement de la religion chrétienne ; enfin le progrès universel des lumières par le simple effet de la succession des temps ; tel est le sujet de la première partie.

218. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

., ne sont entendus que par une poignée de gens ; le littérateur, l’orateur s’adressent à l’univers354. » — Sous une pression si forte, il faut bien que l’esprit prenne le tour oratoire et littéraire, et s’accommode aux exigences, aux convenances, aux goûts, au degré d’attention et d’instruction de son public. […] Un jour, à l’Académie, Gresset, dans un discours, en osa lâcher cinq ou six359 : il s’agissait, je crois, de voitures et de coiffures ; des murmures éclatèrent ; pendant sa longue retraite, il était devenu provincial et avait perdu le ton  Par degrés, on en vient à ne plus composer le discours que « d’expressions générales ». […] Obligé de s’accommoder à ses auditeurs, c’est-à-dire à des gens du monde qui ne sont point spéciaux et qui sont difficiles, il a dû porter à la perfection l’art de se faire écouter et de se faire entendre, c’est-à-dire l’art de composer et d’écrire  Avec une industrie délicate et des précautions multipliées, il conduit ses lecteurs par un escalier d’idées doux et rectiligne, de degré en degré, sans omettre une seule marche, en commençant par la plus basse et ainsi de suite jusqu’à la plus haute, de façon qu’ils puissent toujours aller d’un pas égal et suivi, avec la sécurité et l’agrément d’une promenade.

219. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ces inquiétudes étaient justifiées, à quelques égards, par les infirmités qui affligèrent Pierre pendant le petit nombre d’années qu’il fut à la tête du gouvernement de la république ; mais les talents de Laurent dissipèrent bientôt ces nuages d’un moment, et élevèrent sa famille à un degré d’illustration et d’éclat dont il est probable que Côme lui-même avait eu peine à se former l’idée. » VIII Bien qu’il fût âgé de soixante et quinze ans, sa taille élevée, la majesté de ses traits, la grâce de son visage, si conforme au titre de Père de la patrie que les Florentins avaient d’eux-mêmes ajouté à son nom, la bienveillance de son accueil, la cordialité de son amitié le rendaient aussi agréable que dans sa belle jeunesse. […] Je finirai donc en affirmant qu’il n’y a rien de ce qu’on peut désirer dans une femme d’une beauté et d’un mérite accomplis qui ne se trouvât en elle au plus haut degré. […] À en juger par les sonnets qu’il fit à cette occasion, il éprouva tous les degrés et toutes les vicissitudes de l’amour : il triomphe, il se désespère ; il brûle, et la crainte le glace ; il célèbre avec ravissement des jouissances ineffables, trop grandes, trop au-dessus d’un simple mortel, et il ne saurait s’empêcher d’applaudir à cette vertu sévère que ses plus ardentes sollicitations ne peuvent ébranler. […] On peut juger, d’après le récit qu’il a fait de l’origine de sa passion, que Lucretia était la maîtresse du poëte, et non de l’homme : il cherchait un objet propre à fixer ses idées, à leur donner la force et l’effet nécessaires à la perfection de ses productions poétiques, et il trouva dans Lucretia un sujet convenable à ses vues, et digne de ses louanges ; mais il s’arrêta à ce degré de réalité, et laissa à son imagination le soin d’embellir et d’orner l’idole à son gré.

220. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Mais sa puissance d’expression n’offre, d’un volume à l’autre, que des différences de degré, non d’espèce. […] On peut affirmer, je crois, que nul poète, ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes, n’a eu à ce degré, avec cette abondance, cette force, cette précision, cet éclat, cette grandeur, l’imagination de la forme. […] Ce qu’il a en propre, c’est une vision des chosés matérielles, intense jusqu’à l’hallucination ; c’est, à un degré prodigieux, le don de l’expression, l’invention des images et des symboles ; c’est enfin l’art d’assembler les sons de conduire les rythmes, de développer et d’enfler la période poétique jusqu’à faire songer aux déploiements harmoniques et presque à l’orchestration des symphonies et des sonates. […] Le monde visible n’est qu’un purgatoire aux innombrables degrés, depuis le caillou jusqu’à l’homme et au-delà.

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