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209. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

L’imitateur est donc l’auteur d’une œuvre éloignée de la nature de trois degrés. […] Et s’il faut une morale appropriée aux forces humaines, c’est-à-dire appropriée, degré par degré, aux forces de celui-ci, de celui-là ou de tel autre, ne contestons pas que cette morale du plaisir, entendue comme nous venons de l’entendre, est faite pour de très honnêtes gens et très estimables, et est le degré où une partie déjà assez noble de l’humanité peut s’élever. […] C’est un premier degré. Ce premier degré consiste en ce que nous contemplons l’ordre réalisé, l’harmonie réalisée. Mais il y a un second degré qui consiste à réaliser soi-même cette harmonie et c’est le plaisir de l’artiste ; et il y a un troisième degré qui est de réaliser cette harmonie en soi-même.

210. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Tout personnage principal doit inspirer un degré d’intérêt : c’est une des règles inviolables ; elles sont toutes fondées sur la nature. […] Il faut toujours peindre les caractères dans un degré élevé : rien de médiocre, ni vertus, ni vices. […] Voyons par quels degrés elle y est parvenue, et examinons-la successivement dans la tragédie, la comédie et la tragédie lyrique. […] Cela dépend du naturel et des mœurs du peuple à qui l’on s’adresse ; et par le degré de sensibilité qu’il apporte à ces spectacles, on jugera du degré de force qu’on peut donner aux tableaux qu’on expose à ses yeux. […] L’une représente les hommes tels qu’ils sont, l’autre leur donne un degré de verve et de génie de plus : ils sont tout près de la folie.

211. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Primitivement, toutes les sensations sont de simples états d’excitation perceptibles à la conscience, lesquels peuvent être différents en qualité et en degré, mais ne fournissent directement à la conscience aucune notion de lieu. […] Il fallut que le toucher, lentement, par degrés, instruisit l’œil. […] De même qu’un enfant ne démêle et ne retient qu’après beaucoup de tâtonnements l’espèce précise et le degré juste d’effort par lequel son bras jettera une pierre à dix pas et non à neuf ou à onze, de même la dame opérée ne put distinguer et fixer dans sa mémoire qu’après beaucoup d’essais incessamment corrigés la sorte particulière, le degré d’intensité, la durée précise de la sensation musculaire que son cou devait éprouver pour que l’inclinaison à droite ou à gauche, l’élévation ou l’abaissement de sa tête et, partant, de son œil, fussent de trois degrés et non pas de deux, quatre ou cinq. […] Les sensations que nous procure la rétine sont celles des différentes couleurs et des différents degrés du clair et de l’obscur ; en outre, comme elle est une gerbe serrée de filets nerveux distincts, chacun de ses filets, selon la règle générale du système nerveux, éveille, quand il est touché, une sensation distincte. […] Dans mes centres optiques naît une certaine sensation de couleur brune ; dans d’autres centres naissent des sensations musculaires provoquées par l’accommodation de l’œil à la distance, par le degré de convergence des deux yeux, par la direction des deux yeux convergents ; celles-ci varient en même temps que la sensation de couleur brune, à mesure que l’œil, en se mouvant, suit le contour et les portions diversement éclairées du livre.

212. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

C’est pour cette raison que plus la valeur d’un ouvrage est intrinsèque et indépendante de l’opinion, moins on s’empresse de lui concilier le suffrage d’autrui ; de là vient cette satisfaction intérieure si pure et si complète que procure l’étude de la géométrie ; les progrès qu’on fait dans cette science, le degré auquel on y excelle, tout cela se toise, pour ainsi dire, à la rigueur, comme les objets dont elle s’occupe. […] Engagés dans une carrière différente, on n’a point à craindre que leurs regards soient trop pénétrants ; on leur trouve précisément le degré de lumière que l’amour-propre peut désirer pour son repos. […] Pour répond re à cette objection, je remarque que parmi les gens de lettres qui courent une même carrière, comme il est différents degrés de talents, il est aussi différentes classes ; ces classes sont d’elles-mêmes assez marquées, et les gens de lettres par une espèce de convention tacite les forment presque sans le vouloir : chacun, je l’avoue, cherche à se mettre dans la classe la plus élevée qu’il lui est possible ; mais il n’est pas à craindre que les rangs soient trop bouleversés par cette prétention ; car la vanité n’est aveugle que jusqu’à un certain degré ; il arrivera seulement de là qu’il y aura moins de classes, jamais qu’elles se confondent en une seule : celui surtout qui aspirerait à la monarchie universelle et perpétuelle, quand même il en serait digne, courrait risque de trouver bien des rebelles ; l’anarchie qui détruit les États politiques, soutient au contraire et fait subsister la république des lettres ; à la rigueur on y souffre quelques magistrats, mais on ne veut point de rois. […] Enfin un géomètre qui avait dans son corps une réputation méritée, et dont la Prusse a privé la France, s’est trouvé par hasard posséder dans un degré peu commun, cet agrément dans l’esprit dont nous faisons tant de cas, mais qu’il orne par des qualités plus solides, et que la géométrie ne peut pas plus ôter quand on l’a, que les belles-lettres ne peuvent le donner quand on ne l’a pas. […] L’Angleterre seule a cet avantage, que les talents vraiment supérieurs dans les lettres y ont quelquefois servi de degré pour s’élever aux grandes places.

213. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Il y a là un mode particulier de transition que nous saisissons immédiatement et qui produit en nous-mêmes une transition d’un genre particulier, très différente soit de la simple transition dans le temps, soit de la transition d’un degré d’intensité à un autre degré, soit de la transition du plaisir à la peine, etc. […] Le toucher est pour elle une seconde vue ; ses deux ailes lui servent d’yeux et apprécient les degrés divers d’élasticité ou de tension aérienne. […] Quand nous soulevons notre bras de bas en haut, nous éprouvons un sentiment d’effort ayant une nuance particulière, avec degrés croissants de résistance. […] De plus, grâce à la série de degrés continus qui est inhérente aux séries d’efforts, et qui produit une série de sensations changeantes, la direction est donnée en ce qu’elle a d’intensif et de qualitatif ; le caractère extensif de la direction est la combinaison de ces premiers éléments avec le sentiment constant d’extensivité provenant de la cœnesthésie, et où se résument, sous la forme spécifique de l’étendue, toutes les sensations venant de toutes les parties de notre corps. […] Selon Sergi, l’attention ne serait que la délimitation plus grande de l’onde nerveuse diffuse, son degré de différenciation supérieure : c’est là ne voir que l’effet passif.

214. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Par degrés, aux voyelles se sont ajoutées des consonnes, et les exclamations sont devenues de plus en plus articulées. […] On s’en aperçoit encore à l’espèce et au degré de sa curiosité. […] Un petit chien qui est ici comprend au même degré quand on lui crie le mot sucre ; il arrive du fond du jardin pour en attraper son morceau ; il n’y a là qu’une association pour le chien entre un son et telle sensation de saveur, pour l’enfant entre un son et la forme perçue d’un visage individuel. […] Cette langue s’est nuancée de plus en plus et traduit aujourd’hui tous les hauts, tous les bas, tous les degrés des idées et des émotions qui s’élèvent en lui. […] Or il n’y a là qu’une différence de degré, analogue à celle qui sépare une race bien douée, comme les Grecs d’Homère et les Aryens des Védas, d’une race mal douée, comme les Australiens et les Papous, analogue à celle qui sépare un homme de génie d’un lourdaud.

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