En sortant de ces soirées brillantes, il lui faut rentrer dans une petite chambre qu’il a louée cinq ducats ; ces détails matériels, qui ont été supprimés dans les débuts de la correspondance, montrent le côté faible de cette situation précaire, et c’est un côté que Bernardin ne perdait jamais de vue. […] Arrivé à l’île de France, il en décrit le sol et les végétaux avec détail et curiosité, mais sans joie et plutôt avec une sorte de tristesse : Il n’y a pas une fleur dans les prairies, qui d’ailleurs sont parsemées de pierres et remplies d’une herbe aussi dure que le chanvre.
Le fait par lequel un grand écrivain, parti d’on ne sait quelles origines impossibles à dégager, ayant senti en lui un monde nouveau l’émouvoir, faisant appel à des dispositions, à des pensées, aune sensibilité intacte jusque-là et dormantes, groupe autour de lui eu cercles concentriques toujours plus étendus, ses congénères intellectuels, dégage de la masse humaine confondue, la classe d’êtres qui possèdent en eux un organisme consonnant au sien, vibratileei sous les impulsions mêmes qui sont en lui puissantes au point de l’avoir contraint à leur trouver l’expression et à les extérioriser ainsi généralement intelligibles et efficaces — ce phénomène est le semblable de celui par lequel, dans un autre ordre, l’ordre des actes et non plus des émotions, un homme ayant connu une entreprise, portant en lui cet ensemble d’images préalables de réussite, de gloire, de fortune qui constituent une impulsion, ces visions d’effet à réaliser, de moyens, de détails, d’acheminements, de dispositifs, qui constituent un but, parvient par persuasion, par des ordres, par simple communication, à les faire passer rudimentairement, vaguement, clairement, dans l’âme des milliers de suivants que forment ses lieutenants, une armée, des alliés ; que forment encore des ouvriers, des ingénieurs, des collaborateurs ; ou un public, des courtiers, des banquiers, des associés ; ou simplement le peuple, des agents électoraux, des députés, des ministres. […] Les penchants que les travaux analytiques révèlent en eux, la sensibilité que ces êtres montrent, l’enchaînement divers des mobiles, des actes, des pensées, des impressions causées par les événements, des dispositions maintenues malgré les hasards de la carrière, sont des faits psychologiques vrais, comme sont vrais aussi les détails extérieurs de leurs vie, leur visage, leur teint, leur gesticulation, leurs façons de vivre, de se vêtir, de mourir.
Une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaieté, cette haute gaieté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l’ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. […] on doit faire un peu attention aux autres, un seul n’a pas droit à tout, la virilité toujours, l’inspiration partout, autant de métaphores que la prairie, autant d’antithèses que le chêne, autant de contrastes et de profondeurs que l’univers, sans cesse la génération, l’éclosion, l’hymen, l’enfantement, l’ensemble vaste, le détail exquis et robuste, la communication vivante, la fécondation, la plénitude, la production, c’est trop ; cela viole le droit des neutres.
On n’y dit que très-peu de chose sur le régime des verbes, sur la maniere de conjuguer ceux qui sont irréguliers & sur quantité d’autres détails de grammaire, dont la connoissance est indispensable pour écrire & pour parler avec pureté. […] Ce sont tous ces défauts du Dictionnaire de Trévoux qui ont fait naître l’idée du Grand Vocabulaire françois, contenant l’explication de chaque mot considéré dans ses diverses acceptions grammaticales, propres, figurées, synonimes & relatives ; les loix de l’orthographe, celles de la prosodie ou prononciation, tant familiere qu’oratoire ; les principes généraux & particuliers de la Grammaire ; les regles de la versification, & généralement tout ce qui a rapport à l’éloquence & à la poésie ; la géographie ancienne & moderne ; le blason, ou l’art heraldique ; la mythologie ; l’histoire naturelle des animaux, des plantes & des minéraux ; l’exposé des dogmes de la Religion & des faits principaux de l’histoire sacrée, ecclésiastique & profane ; des détails raisonnés & philosophiques sur l’œconomie, le commerce, la marine, la politique, la jurisprudence civile, canonique & bénéficiale ; l’anatomie, la médecine, la chirurgie, la chymie, la physique, les mathématiques, la musique, la peinture, la sculpture, la gravure, l’architecture, &c.
Si Le Prince n’y prend garde, s’il continue à se négliger sur le dessin, la couleur et les détails, comme il ne tentera jamais aucun de ces sujets qui attachent par l’action, les expressions et les caractères, il ne sera plus rien, mais rien du tout ; et le mal est plus avancé qu’il ne croit. […] Substituez aux figures de Le Prince des français ajustés à la mode de leur pays, et vous verrez combien les mêmes tableaux exécutés de la même manière perdront de leur prix, n’étant plus soutenus par des détails, des accessoires aussi favorables à l’artiste et à l’art. à la jolie petite femme du concert substituez une de nos élégantes avec ses rubans, ses pompons, ses falbalas, sa coëffure ; et vous verrez le Bel effet que cela produira, combien ce tableau deviendra pauvre et de petite manière.
Nous aimons à revoir passer devant nous, rajeunis par le récit et par les détails de la biographie, les hommes dont la gloire a grandi ou bien s’est fixée sous nos yeux. […] Homme politique avant d’être un homme littéraire, journaliste, c’est-à-dire improvisateur, il est impatient d’aller tout d’abord, — et il y va, — aux détails d’une histoire qui n’est plus qu’une série d’impressions personnelles, si l’on n’a pas dans la main le flambeau qui doit l’éclairer.