/ 1781
13. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Le désir de faire ressemblant les préoccupa davantage que le souci de faire vrai. […] C’est ce désir de nouveauté qui anime les poètes les plus divers. […] Une Littérature dépourvue de ce désir du nouveau serait forcément stérile. […] C’est bien ce désir de liberté et cette préoccupation d’idéalisme qui caractérisent l’art littéraire moderne. […] Ce très haut et très difficile désir artistique est tout à leur honneur.

14. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Si, au contraire, j’ai l’idée et le désir de prendre la plume pour écrire ma signature au bas d’un contrat, la décision que je prends me paraît avoir son antécédent immédiat et suffisant dans mes états antérieurs de conscience, qui sont : 1° l’idée de tel mouvement comme moyen pour telle fin, 2° le désir de ce mouvement. Je me conçois ici comme agissant, c’est-à-dire conditionnant des phénomènes par mes idées et par mes désirs, ainsi que par les mouvements cérébraux ou musculaires qui les accompagnent. […] C’est cette continuité du désir, de l’attention, du vouloir qui nous donne le sentiment de notre existence continue. […] Si l’on veut dire simplement que notre conscience de désirer est parallèle au mouvement réactif du cerveau, rien n’est plus certain, et nous soutenons tout le premier que le désir ou le vouloir a toujours son expression physiologique. Mais, si on ajoute que c’est le mouvement réactif du cerveau qui est la réalité dont le désir serait un simple reflet, on avance une théorie philosophique à laquelle, pour notre part, nous en opposerons une autre, à savoir que c’est le désir mental qui est la réalité dont le mouvement cérébral est la manifestation dans l’espace pour un spectateur du dehors.

15. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Amour implique deux désirs : si ces deux désirs amoureux eussent assenti à s’aimer en s’ignorant, la Matière serait : et, alors, le cercle serait en effet le signe la représentant. Mais cet Amour veut se connaître, ne pouvant se posséder qu’en se sachant, et c’est par le désir d’un fruit né des deux désirs créateurs et en lequel il se définisse, qu’il se connaîtra : et ce troisième désir est ce qui détermine la sortie hors du cercle, en l’elliptique mouvement. […]   « Mentalement que si eussent assenti deux désirs à une fatalité d’aimer en s’ignorant, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité ! […] « Mais quand se désire savoir l’unique dualité et qu’alors elle engendre, sa synthèse, son désir du fruit en qui elle se définisse : d’éternité et pour éternité et dans l’illimité ! […] « Mentalement que si eussent assenti deux désirs à une fatalité d’aimer en s’ignorant, la matière serait : et par la fatalité seule du cercle parfait se figurerait la fatalité de son mouvement.

16. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

L’instinct logique et scientifique, qui se ramène à une attente de l’intelligence, n’est que l’anticipation de la réalité même par le désir d’unité dans la multiplicité. Ce désir est divinateur, comme tous les instincts naturels, parce qu’il est, en définitive, la force accumulée par les succès antérieurs de l’intelligence, soit dans l’individu, soit dans la race. Le désir de connaître enveloppe le désir d’affirmer, et le désir d’affirmer, au fond, c’est celui même d’agir.

17. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Pourtant nous en avons, au moins à l’état de désir, le sentiment, — sans quoi nous ne saurions écrire deux phrases liées. […] Sa fonction est de réaliser en rêve le désir de bonheur qui fait le fond de notre vie intime. […] Cette chasse au bonheur qui finit toujours mal, cette ivresse du désir que rien n’arrête, ni le crime, ni la vertu, c’est le rêve de vivre ! […] Ce don de la joie sans quoi point d’idéal puisque point de désir. […] Ni l’idéal, ni le désir créateur n’ont de degrés.

18. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Alors ne fut du désir, de l’aspiration, des joies et du malheur d’amour aucune fin ; monde, puissance, gloire, splendeur, honneur, chevalerie, fidélité, amitié, tout, comme un insubstantiel rêve, en poussière s’éparpilla ; seule une chose vivante encore, — le désir, le désir, l’inapaisable, l’éternellement réenfantée aspiration, le languissement et la soif ; une unique rédemption, — mourir, finir, se perdre, ne plus se réveiller ! […] impuissant se réaffaisse le cœur, pour en désir se consumer, en désir sans atteignement, — puisque chaque atteignement fait germer seulement un nouveau désir, jusque ce qu’en la dernière exténuation, à l’œil brisé poinde le pressentiment de la plus sublime joie de la possession : c’est la joie du mourir, du ne-plus-être, de la dernière rédemption en ce merveilleux royaume dont au plus loin nous errons quand, avec la plus tempétueuse force, nous peinons à y pénétrer. […] Ô souffrant du Désir, du double Désir, du Mystique et du Charnel, souffrant des mystérieuses aspirations de l’Ange et de la Bête, ô souffrant des Concupiscences et des Religions, charnel et mystique homme, Amfortas, ainsi tu te lamentes, et nous, avec toi, nous vivons le grand Désir sans fin des vies multiples. […] Ce n’est plus le printemps c’est Walther, le printemps individualisé avec son désir et sa puissance. […] Il apparaît avec le sourire bienheureux et timide d’Eva dans la scène de l’église ; il est l’expression hardie du désir de Walther ; c’est de lui qu’est formée la phrase « Eines zu fragen ! 

/ 1781