Il y a une manière plus poétique, plus généreuse peut-être, plus magnifique, qui consisterait à voiler les défauts, à faire ressortir les belles et grandes qualités, à l’en envelopper et à l’en couvrir, à l’accepter selon l’attitude si chevaleresque et si fière dans laquelle il aimait à se présenter à tous, à ses amis, au public, aux adversaires, et dans laquelle la mort l’a saisi. […] Mais il y a un autre point de vue, plus vrai, plus naturel et plus humain, qui, tout en laissant subsister les parties supérieures et de première trempe, permet de voir les défauts, d’entrevoir les motifs, de noter les altérations, et qui, sans rien violer du respect qu’on doit à une noble mémoire, restitue à l’observation morale tous ses droits.
Vers la dixième Étude, il commence plus directement l’exposition de ses vues et des harmonies telles qu’il les conçoit, le jeu des contrastes, des consonances, des reflets et des réverbérations en toutes choses : il y a des détails très fins, mais c’est déjà bien subtil, et dans sa vieillesse, abondant de plus en plus dans son sens, il exagérera encore tous ses défauts, que nous étale démesurément son ouvrage final des Harmonies. […] Par tous ces défauts si chers au siècle, autant que par ses beautés si neuves et si bien ménagées, le livre de Bernardin eut, dès le premier instant, un succès d’enthousiasme.
Ne convenez-vous pas qu’indépendamment des fonctions journalières et habituelles qui auraient bientôt gâté ce que nature auroit supérieurement fait, il est impossible d’imaginer, entre tant de causes qui agissent et réagissent dans la formation, le développement, l’accroissement d’une machine aussi compliquée, un équilibre si rigoureux et si continu, que rien n’eût péché d’aucun côté, ni par excès, ni par défaut ? […] Dites que les préjugés nationaux n’étant pas plus respectés dans mes lignes que les mauvaises manières de peindre, les vices des grands que les défauts des artistes, les extravagances de la société que celles de l’académie, il y a de quoi perdre cent hommes mieux épaulés que moi.
Voilà le défaut, qui tient à une qualité de force de tête et d’embrassement que nous n’avons pas comme l’auteur. Mais, malgré ce défaut, disons-le en finissant, le livre d’Édelestand du Méril est d’une telle imposance que personne n’y touchera volontiers, soit pour le critiquer, soit pour le refaire.
Le succès instantané de Saint-Simon au dix-neuvième siècle tient bien moins à des qualités qui le font grand qu’à des défauts qui le rapetissent. […] À l’ambition qui le rendait injuste se joignait un défaut d’esprit, radical en lui, et que tout le prestige de sa plume est insuffisant à cacher !
Mais il est de la nature des esprits très étendus de ne pouvoir conclure, empêchés par le nombre de choses qu’ils voient ; et tel est le seul défaut qu’en cherchant bien on peut trouver à la cuirasse de Macaulay, lequel n’en demeurera pas moins à la tête des critiques de cet âge, qui, tous, sceptiques en plus ou en moins, n’ont pas l’ensemble de ces fortes, saines et brillantes facultés que nous montrent, parce qu’ils nous les montrent presque sans alliage, les Essais littéraires. […] Macaulay a le défaut littéraire anglais.