Eh bien, disons-le tout d’abord, nous qui croyons que toute notre âme pèse dans la plus chétive de nos manifestations ! […] Avec un talent très réel et très élevé, avec une individualité très profonde, le croira-t-on ? […] Assurément, il n’a pas atteint encore la correction suprême, la limpidité diaphane, la pureté du coloris, la simplicité forte et nue, et il n’était pas, je crois, organisé pour l’atteindre. […] Des voiles qu’il soulève, il rend sa nuit plus noire : Aussitôt qu’il s’éclaire, il désapprend à croire. […] En publiant les œuvres de Lefèvre-Deumier, il est à croire qu’on n’oubliera pas ce chef-d’œuvre.
C’est, je crois, l’abbé de Choisy, cet abbé que connaît bien Roger de Beauvoir, qui disait d’une chose bête ou d’une personne bête (ce qui est encore plus bête) : « bête comme un panier ». […] Je croyais à la transformation dernière, au brin d’immortelle cueilli enfin, et gardé, de toute cette masse de fleurs, de tous ces bouquets jetés à la tête de tout par une main que tout enivrait et qui, dans l’ivresse, s’est blessée ; et je n’ai pas eu ce que je croyais. […] Il y a longtemps que je crois Roger de Beauvoir du bois saignant, comme les arbres de la forêt du Tasse, dont on fait les flûtes divines qui sont les poètes. […] En soi, le talent existe : cela est sûr ; il est même évidemment très grand, quand on compare ces vers à tous les vers qui s’impriment dans ce temps de descripteurs qui se croient des poètes, de tricoteurs de vers qui n’ont pas une idée ou un sentiment à fourrer dans leur petit ouvrage, et de réalistes qui, comme Calemard de Lafayette, font tomber Delille dans de la bouse de vache ; — mais d’une vache personnelle, disait si drôlement Sainte-Beuve.
II Il nous est impossible de croire qu’il n’y a point pensé un peu… S’il ne nous avait donné que des poésies dans le livre qu’il publie aujourd’hui, nous dirions : « C’est une grâce d’état, une inspiration particulière que cette poésie perpétuellement grave, que cette cornemuse, perpétuellement enflée du même vent. » La poésie de M. de Laprade, grave et vide, ressemble à la barbe de cet ambassadeur de Venise, dont Paul III disait, croyant qu’il n’y avait rien derrière cette barbe, pleine de gravité : Bella barba ! […] On croirait voir, quand il bouge Son front rouge, Un pavot dans le blé vert. […] Nous n’avons pas, comme M. de Laprade, l’esprit des sommets, qui finit par devenir un personnage dans son livre, et qui n’est pas seulement, comme on pourrait le croire, le vent de la montagne : car le vent est quelquefois spirituel. […] M. de Laprade croit sans doute, comme beaucoup de gens, que la froideur, c’est la sagesse, la force et la vertu, et elle ne l’est pas plus qu’elle n’est la poésie. […] Mais, pour le ronger (M. de Laprade se croit toujours dans la montagne), il faudrait y revenir, et malgré notre esprit… rongeur, nous ne le rongerons pas.
Paul Bourget ne faisait pas partie de cette troupe de descriptifs, qui, même quand ils ont du talent, se ressemblent tous au point de faire croire qu’ils ne sont qu’un, comme autrefois les députés de Vaugirard, et quoiqu’ils soient bien quarante, comme à l’Académie… M. […] Il n’avait ni la correction, ni la réalité, ni le mérite d’ouvrier, ni l’impassibilité des grands poètes qui croient que l’on peut donner des leçons de poésie comme de grammaire et de calcul. […] Paul Bourget, — que Théophile Gautier aurait cru rabaisser en le traitant d’éloquent et de passionné ; car il avait, Gautier, sur les éloquents et les passionnés, l’opinion que les citrouilles gelées pourraient avoir sur les boulets rouges et la poudre à canon, — M. […] — et il croit aux privilèges de leurs douleurs. […] Je crois même qu’il est un peu tombé… mais pour se relever, comme son Mazeppa !
c’est cet avertissement que je veux donner aujourd’hui, à propos d’un livre dont on n’a point parlé, que je sache, et qui, de présent, peut se croire très-parfaitement étouffé par messieurs les muets de la critique contemporaine. […] Deltuf, que je ne connais pas, mais que je crois un jeune homme à la jeunesse de certaines touches, appartient à cette génération d’écrivains de tempérament spiritualiste, pour qui les choses n’ont d’autre valeur et d’autre intérêt que ceux que leur donne l’âme humaine, et je lui en fais mon compliment, car ces écrivains-là sont dans la vérité. […] Cette manière, que l’on croyait enterrée à cent pieds sous terre avec les frivolités et les parfilages du dix-huitième siècle, pourrait donc reparaître au dix-neuvième avec des choses de moins, il est vrai, mais aussi avec quelque chose de plus ! […] Deltuf est jeune, comme je le crois. […] Ce type de grandeur cachée, ce beau sujet à traiter pour un observateur profond, épouvante les écrivains en France, où le ridicule a tant d’empire : or, celui qu’on a jeté sur la position de la vieille fille est si grand et si officiel, qu’ils croiraient peut-être le voir rejaillir jusqu’à eux, s’ils considéraient seulement la vieille fille par les côtés touchants, élevés, héroïques, et voilà pourquoi ils se sont abstenus de la peindre dans la splendeur possible de son isolement désespéré ou courageux.
Ou laissez-moi la liberté d’aller à cette chasse, ou veuillez, du moins, m’expliquer comment vous croyez me servir en vous y refusant ? […] je croyais nos maîtres à l’abri de tels malheurs. […] Je crois que l’enfant ayant porté le nom de roi, mon rêve, en ce qui le concerne, est accompli et qu’il n’est plus à craindre. […] Maintenant, si vous m’en croyez, vous régnerez bientôt sur tout le pays où règne aujourd’hui Astyage. […] Il ne croyait pas aux fables qu’il racontait : le monde n’était plus assez jeune pour conserver la naïveté de son enfance.