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1498. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

205 Nous dirions bien encore que la difficulté est exprimée dans cette coupe pénible et dans cette suspension lourde :          La Parque et ses ciseaux Avec peine y mordaient ; qu’un peu plus loin le vers interrompu laisse l’esprit dans l’attente : Dans le temps que le porc revient à soi, l’archer… Mais cette critique pourra sembler minutieuse. […] Le critique, comme le philosophe, doit se souvenir qu’il a un corps, et le poëte n’est si puissant que parce qu’il s’en souvient toujours. […] « Il dit qu’il portait pour nous seuls les fruits les plus pesants du labeur des années ; parcourant sans s’arrêter de long cercle de peines qui ramène dans nos champs, en revenant sur soi, ce que Cérès nous donne et ce qu’elle vend aux animaux ; que cette suite de fatigues avait, de tous tant que nous sommes, pour récompense force coups, peu de gré ; puis que, quand il était vieux, on croyait l’honorer toutes les fois que les hommes achetaient l’indulgence des cieux au prix de son sang. » Il fallait faire ainsi « le peseur de syllabes et le regratteur » de consonnes, et se hasarder jusqu’à la critique de Batteux et de Denys d’Halicarnasse, pour montrer que l’instinct d’un poète, même bonhomme, est aussi savant que la réflexion d’un philosophe.

1499. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Neveu de Desportes, il adorait Desportes, et Ronsard, et la Pléiade : quand Malherbe se mit ¿î maltraiter ses dieux, il voulut les venger, et écrivit contre l’irrespectueux réformateur une admirable et incohérente satire, où déborde la poésie, mais où il n’y a pas ombre de sens critique. […] Coeffeteau, regardée comme un modèle de la prose française, et qui n’est qu’une traduction paraphrasée de Florus, sans érudition ni critique. […] critique.

1500. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Pétrarque et Boccace, en faisant connaître Homère ; Ambroise Traversari, en traduisant Diogène Laërce ; le Pogge, en découvrant Quintilien et traduisant Xénophon ; Aurispa, en apportant en Occident des manuscrits de Plotin, de Proclus, de Diodore de Sicile ; Laurent Valla, en traduisant Hérodote et Thucydide, ont rendu un plus grand service aux littératures classiques que s’ils eussent prématurément abordé les hautes questions d’histoire et de critique. Sans doute, il est des superstitions littéraires et des fautes de critique où tombaient fatalement ces premiers humanistes et que nous, aiguisés que nous sommes par la comparaison d’autres littératures, nous pouvons éviter. De prime abord, nous pouvons faire sur ces littératures presque inconnues des tours de force de critique qui n’ont été possibles pour les littératures grecque et latine qu’au bout de deux ou trois siècles.

1501. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Mot profond que bien peu de critiques de nos jours sont capables de comprendre. Je suis un peu moi-même de ces critiques-là, je l’avoue à ma honte, s’il peut y avoir de la honte à être en critique de l’avis de Goethe.

1502. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Et reporté vingt-huit ans après sur le même sujet d’attaque en reprenant, dans ses Époques de la nature, ce même ensemble de vues et de travaux : Tâchons néanmoins, disait-il, de rendre la vérité plus palpable ; augmentons le nombre des probabilités ; rendons la vraisemblance plus grande ; ajoutons lumières sur lumières, en réunissant les faits, en accumulant les preuves, et laissons-nous juger ensuite sans inquiétude et sans appel ; car j’ai toujours pensé qu’un homme qui écrit doit s’occuper uniquement de son sujet et nullement de soi ; qu’il est contre la bienséance de vouloir en occuper les autres, et que, par conséquent, les critiques personnelles doivent demeurer sans réponse. […] On a les Observations critiques que ces volumes firent écrire à M. de Malesherbes. […] « Il n’a pas mis dans ses ouvrages un seul mot dont il ne pût rendre compte. » On voit, d’après une critique qu’il fit en causant d’un écrit de Thomas, ce qu’il entendait par ces petits mots, par ces liens naturels et ces nuances graduées du discours, et quelle finesse de goût il y apportait.

1503. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

On en peut lire deux critiques très judicieuses, l’une dans les feuilletons de Geoffroy, l’autre dans les conversations de Napoléon (Mémoires de M. de Bausset)2 : Cette pièce, en général, m’a paru très froide, disait Napoléon, parce que rien ne vient du cœur et n’y va. […] Toutes les faiblesses, toutes les contradictions sont malheureusement dans le cœur des hommes et peuvent offrir des couleurs éminemment tragiques… Puis il critique le jeune Marigni, amoureux sans qu’on connaisse l’objet de son amour et qu’on puisse s’y intéresser, voulant toujours mourir, et un hors-d’œuvre tout à fait inutile à l’action. […] Ces traits spirituels sont rares dans sa critique écrite : il les réservait d’ordinaire pour sa conversation.

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