La dérision même a le pouvoir de purger le monde d’une quantité de vices sur lesquels ne sévissent point les lois : elle est l’arme de la société, qui ne peut exercer sa jurisprudence, ni faire craindre ses arrêts, que par l’ironie. […] Ces lieux communs, toujours rebattus, n’usent pas moins le temps que la patience ; car l’esprit engagé dans un discours dont la suite ne détermine pas le but, s’agite comme égaré dans un labyrinthe dont il craint de ne plus sortir. […] Notre intérêt d’honneur national m’engage à traiter d’abord le genre littéraire où le génie français a déployé le plus de richesse, et je craindrais en m’astreignant à une marche plus lente, de lasser votre patience, et de tromper votre juste curiosité. […] Or, puisqu’en effet la porte n’est jamais fermée au mauvais goût, comment craint-on de la lui ouvrir, en accueillant un genre intermédiaire, plus facile à traiter pour les talents ordinaires, ou qui s’y sentent portés ? […] Si le fait est peu connu, sa disposition appartient à la volonté de l’auteur, qui n’a plus à craindre le péril de heurter les opinions adoptées, puisqu’on ne s’en est fait presque aucune, et qu’on ne reçoit que de lui tout ce qu’il présente sur la scène.
» Dans les dernières années de sa vie enfin, étant revenu habiter à Lausanne, sa conversation habituelle était en français, et il craint que les derniers volumes de son Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, composés durant cette époque, ne s’en ressentent : « La constante habitude, dit-il, de parler une langue et d’écrire dans une autre peut bien avoir infusé quelque mélange de gallicismes dans mon style. » Si ce sont là pour lui des inconvénients et peut-être des torts aux yeux des purs Bretons, que ce soit au moins à nos yeux une raison de nous occuper de lui et de lui rendre une justice plus particulière, comme à un auteur éminent qui a été en partie des nôtres. […] Il était lui-même d’une complexion délicate qui fit longtemps craindre pour ses jours ; il fut soigné, moins par sa mère un peu indifférente, ce semble, que par une tante maternelle pleine d’affection et de mérite. […] [NdA] Je crains toujours dans ces portraits de pousser à la caricature, ce qui pour quelques-uns des personnages serait facile, mais ce qui est plein d’inconvénients et ce qui dérange pour le lecteur la vraie proportion des choses.
Il craignait de multiplier les difficultés pour les lecteurs peu familiers avec notre vieille langue : « Il nous a paru, disait-il, que nous avions assez fait pour les amateurs enthousiastes du vieux langage en leur donnant le texte pur des mémoires de Villehardouin. » Comme si, en pareille matière, il s’agissait d’enthousiasme et non d’exactitude, et comme si, parce qu’on a été exact une fois, on était dispensé de l’être une seconde ! […] Ils furent unanimes à dire que toutes les planches de la nef étaient ébranlées, et que, lorsqu’elle viendrait à être en haute mer, il était à craindre qu’elle ne pût supporter le choc des vagues. […] « Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.
Il y a pourtant des jours où Vauban craint d’avoir excédé en franchise ; il croit devoir s’en excuser. […] Ne craignez point d’abîmer Mongivrault et Voilant (deux ingénieurs sous ses ordres), s’ils sont trouvés coupables. […] Examinez donc hardiment et sévèrement, bas toute tendresse, car j’ose bien vous dire que, sur le fait d’une probité très-exacte et d’une fidélité sincère, je ne crains ni le Roi, ni vous, ni tout le genre humain ensemble.
Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la poésie » ; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait, qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ; qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant, avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument. […] Il était chez M. de Lamennais, il vient d’en sortir : il a fort à faire, craint-elle, de lutter avec cet éloquent démon et ce grand tentateur. […] Douce image qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur… » Aussitôt qu’il est parti, elle rentre dans la chambrette qu’il occupait ; elle prend le livre qu’il a lu : c’est un Bossuet où il a mis des signets de sa main, souvent aux mêmes endroits qu’elle avait notés elle-même : « Ainsi nous nous rencontrons partout comme les deux yeux ; ce que tu vois beau, je le vois beau. » Quand il est près de se marier, elle semble que cela ne réussisse pas et ne vienne à manquer par quelque côté, car ce frère chéri est, comme elle l’appelle, « un mauvais artisan de bonheur. » Elle se met à sa place et craint qu’il ne recule au dernier instant. « Toujours me semble « effrayant pour toi, aigle indépendant, vagabond.
N’ayez pas de curiosité : c’est un point dont je crains beaucoup à votre égard. […] Au reste, la chose est possible et ce serait le plus grand de tous les maux à craindre pour la reine. […] 96 Elle est maîtresse de ses volontés ; elle n’aime pas l’application, elle ne veut pas de gêne ; elle ne trouve pas beaucoup de ressources dans la famille royale, et elle craint surtout l’ennui.