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422. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Non l’homme qui a perdu son ombre, mais une ombre qui a perdu son corps, dont le corps s’est reporté en cette ombre mouvante, glissante, silencieuse, dont la personne s’est évaporée dans l’examen intérieur, et dans les esprits de la philosophie et de la musique. […] Arrive le moment où elle est à bout de forces, puis celui où l’amour la tient comme la maladie un corps épuisé. […] Avoir un corps c’est exclure de son univers tout ce qui n’est pas apte ou favorable à un certain genre d’action. […] Il a pensé que c’était là l’esprit à l’état pur, le refus du corps, la liberté devant et d’avant le corps. […] Nous voyons Corneille gauche, timide, fier, un corps mal adapté à une grande âme.

423. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Je crois bien qu’on s’occupe d’idées plus larges, de théories plus radicales et plus absolues ; mais il en est peut-être à ce sujet des littératures qui se décomposent, comme des corps organiques en dissolution, lesquels donnent alors accès en eux par tous les pores aux éléments généraux, l’air, la lumière, la chaleur : ces corps humains et vivants étaient mieux portants, à coup sûr, quand ils avaient assez de loisir et de discernement pour songer surtout à la décence de la démarche, aux parfums des cheveux, aux nuances du teint et à la beauté des ongles.

424. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

Les phénomènes lumineux, caloriques, électriques, tout aussi bien que les actions nerveuses, sont produits par des corps qui vibrent. « Les objets extérieurs, par leurs impressions sur nos sens, causent d’abord dans les nerfs, ensuite dans le cerveau, des vibrations de parties médullaires16 très petites et, pour ainsi dire, infinitésimales. » Ces vibrations « consistent en ondulations de particules très ténues, analogues aux oscillations du pendule ou aux tremblements des molécules d’un corps sonore. » C’est donc sous la forme purement mécanique d’une ondulation que les impressions cheminent le long des nerfs.

425. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Tous égaux, trop orgueilleux pour céder l’un à l’autre, ils ne se soumirent qu’à l’empire souverain des corps aristocratiques dont ils étaient membres ; leur domaine privé, jusque-là éminent, forma en se réunissant le domaine public également éminent du sénat qui gouvernait, de même que la réunion de leurs souverainetés privées composa la souveraineté publique des ordres auxquels ils appartenaient. […] Ainsi les états populaires furent gouvernés par un corps aristocratique.

426. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Elle est son unique modèle ; et il se plaît à garnir du corps multiplié de sa femme toutes les vitrines des marchands des bronzes. […] Le corps, j’allais dire le cœur, a de ces mystères, qui n’en sont point. […] Elle n’est pas seulement folle de son corps, elle est perverse. […] Elle aime Karloo de toute son âme et de tout son corps de possédée ; elle l’aime jusqu’au crime et, pour sauver son amant, elle dénonce son mari. […] Si elle est très grande, on a contre elle le sentiment de la vanité de toutes choses, — remède qui ne sert de rien contre la souffrance du corps.

427. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

, j’aurais encore bien ma suffisance : je suis homme de petite chère ; mon esprit a son réconfort dans la Bible  » ; mon corps est si rompu par les veilles, « que j’ai l’estomac tout détruit. » Le pauvre homme ! […] Sous un tel régime, l’imbécillité apparaît vite : saint Thomas lui-même examine « si le corps du Christ ressuscité avait des cicatrices, si ce corps se meut au mouvement de l’hostie et du calice pendant la consécration, si au premier instant de sa conception le Christ a eu l’usage du libre arbitre, si le Christ a été tué par lui-même, ou par un autre. » Vous vous croyez au bout de la sottise humaine ? […] Il cherche « si la colombe dans laquelle apparut le Saint-Esprit était un animal véritable ; si un corps glorifié peut occuper un seul et même lieu en même temps qu’un autre corps glorifié ; si dans l’état d’innocence tous les enfants auraient été mâles. » J’en passe sur les digestions du Christ, et d’autres bien plus intraduisibles222 ! […] Chacun traverse à son tour et machinalement le petit pays des chicaniers râpés, s’écorche dans les broussailles des ergotages et se charge d’une dossée de textes : rien de plus ; le vaste corps de sciences qui devait former et vivifier toute la pensée de l’homme s’est réduit à un manuel. […] Vie grossière, encore rudimentaire, ignoblement grouillante, comme celle qui apparaît dans un grand corps gisant qui se décompose.

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