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1236. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Otez, en effet, par la pensée, la personnalité de Christophe Colomb de la synthèse du monde, que, seule, l’Église embrasse, et que seule elle explique, et il ne sera plus qu’un homme à la mesure de la grandeur humaine ; mais avec l’Église et faisant corps avec elle, il devient immédiatement le grand homme providentiel, le bras charnel et visible de Dieu, prévu dès l’origine du monde par les prophètes des premiers temps… Les raisons de cette situation miraculeuse dans l’économie de la création, irréfragables pour tout chrétien qui ne veut pas tomber dans l’abîme de l’inconséquence, ne peuvent pas, je le sais, être acceptées par les esprits qui chassent en ce moment systématiquement Dieu de partout ; mais l’expression de la vérité, qu’ils prennent pour une erreur, est si grande ici, qu’ils seront tenus de l’admirer.

1237. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Son corps fut enterré en ce couvent même, ses entrailles à Saint-Jacques-du-Haut-Pas ; son cœur alla à Port-Royal. […] « Enfin, tout son extérieur, sa voix, son visage, ses gestes étoient une musique parfaite ; et son esprit et son corps la servoient si bien pour exprimer tout ce qu’elle vouloit faire entendre, que c’étoit la plus parfaite actrice du monde. […] Elle les avoit encore, et les peines qu’elle avoit supportées depuis un an lui auront servi de pénitence… » Et dans une lettre du 22 avril 1679 : « Je n’aime pas les exagérations, mais il faut avouer de bonne foi qu’il y a eu des choses assez singulières dans la pénitence de Mme de Longueville, et pour le corps et pour l’esprit ; car il est certain que, dans les commencements de sa pénitence, il lui étoit fort ordinaire de coucher sur la dure, prendre la discipline, porter une ceinture de fer.

1238. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Sa figure ovale porte l’empreinte de la paix, de son âme et de la franchise de son caractère ; ses longs cheveux se reploient sur ses tempes en nattes épaisses, retenues au sommet de sa tête par de grosses épingles d’argent ; à son corset est suspendue une robe bleue qui, dans ses plis multipliés, enserre son beau corps. […] et tu dis au pasteur : Mon ami, je vous confierais volontiers mon cœur, mon âme, mon esprit ; mais mes jambes et mon corps ne semblent pas trop en sûreté si les rênes sont remises entre les mains d’un ecclésiastique. « — Asseyez-vous, répond le pasteur en souriant, et confiez-moi sans crainte votre corps ainsi que votre âme.

1239. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Esclave de la Providence, qui le fait naître ici ou là, sans qu’il ait choisi ou accepté ni le temps, ni le lieu, ni la saison, ni la condition, ni la famille où il surgit à l’existence ; esclave de la mère qui l’accueille ou le repousse de son sein ; esclave du père qui brutalement a le droit de vie ou de mort sur ses enfants ; esclave de la famille qui s’élargit ou qui se ferme pour lui ; esclave de frères ou de sœurs nés avant lui, qui en font leur serviteur et leur bête de somme pour se décharger sur lui du travail nourricier de tous ; esclave de l’État qui lui inflige la condition dans laquelle il doit se ranger ; esclave des lois établies qui lui prescrivent l’obéissance non délibérée aux prescriptions sociales ; esclave du travail qui doit nourrir lui et ses frères ; esclave de la mort, si le salut de la société lui demande sa vie sur les champs de bataille ; esclave dans son corps, esclave dans son esprit, esclave dans son âme par la supériorité de force de tous contre un seul, par l’éducation qui lui impose ses idées, par la religion qui lui enseigne ses croyances ; esclave de la volonté générale qui lui inflige ses punitions, ses expiations, même la mort. […] Démocratie, aristocratie, monarchie représentative, monarchie absolue, démagogie sans limites, sans capacité et sans responsabilité, théocratie sans contrôle et sans réforme possible ; divinité de Dieu incarnée dans le pontife ou dans le corps sacerdotal, gouvernements mixtes, où les pouvoirs se gênent par les frottements ou bien s’équilibrent dans l’immobilité par les contrepoids ; despotisme, tyrannie, anarchie, enfin maximes destructives de tout gouvernement, telle que celle-ci : « La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu’elle ne peut être aliénée, parce qu’elle consiste dans la volonté générale, et que la volonté ne se représente pas ! […] L’une a pour but de bien brouter la terre, en tirant chacun à soi la plus large part de la nappe terrestre ; l’autre a pour but de nourrir le corps, sans doute, par la loi impérieuse du travail, mais elle a un but supérieur : élever l’âme du peuple par la pensée de Dieu, par la piété envers Dieu, par le dévouement envers ses semblables, jusqu’à la dignité de créature intelligente et morale, jusqu’à la glorification du Créateur par sa créature ; en un mot, diviniser la société mortelle autant que possible sur cette terre, pour la préparer au culte de son éternelle divinisation dans un autre séjour.

1240. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

IV Et maintenant, parlons sérieusement à notre tour ; prenons-nous corps à corps sur cette déification du terrorisme, et raisonnons après avoir raconté. […] Misères du cœur, de l’esprit, de l’âme et du corps, misères surtout qui frappent ce que vous aimez à cause de vous, et qui font un devoir de vivre pour d’autres encore après avoir perdu toute raison de vivre pour vous-même !

1241. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Dans le cercle étroit qu’elle parcourt, son activité lui semble vaine, et sa science du délire ; un désir invincible la presse de s’élancer vers des régions élevées dans des sphères plus libres ; elle croit qu’au terme de sa carrière un rideau va se lever pour lui découvrir des scènes de lumière : mais quand la mort touche son corps périssable, elle jette un regard en arrière vers les plaisirs terrestres et vers ses compagnes mortelles. […] « Lorsque Keppler eut découvert les lois harmoniques du mouvement des corps célestes, c’est ainsi qu’il exprima sa joie : « Enfin, après dix-huit mois, une première lueur m’a éclairé, et, dans ce jour remarquable, j’ai senti les purs rayons des vérités sublimes. […] C’est un second accès, mais plus radical, de la réforme du seizième siècle, mais au lieu de la réforme ou le protestantisme qui ne fut qu’un schisme dans la politique et dans la foi, c’est une réforme par la raison, c’est-à-dire une rénovation progressive du corps et de l’âme de la société européenne.

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