/ 1882
383. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Et comment considérer la Bible comme un tout homogène, d’inspiration lyrique ? […] Même après cette élimination, il restera assez d’œuvres littéraires qui semblent difficiles à classer ; qu’on en considère l’esprit, le tempérament, l’intention, sans se laisser dérouter par leur forme ; et l’on verra quelles se rattachent, ne fût-ce que de loin, au genre lyrique, ou épique, ou dramatique. […] Un problème du même genre se pose à propos de la nouvelle, que sa forme extérieure fait considérer comme un petit roman, alors qu’elle est le plus souvent un drame de par la conception de l’action et du conflit psychologique.

384. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

« Né de parents pieux, dit-il quelque part, et dans un pays où la foi catholique était encore pleine de vie au commencement du siècle, j’avais été accoutumé de bonne heure à considérer l’avenir de l’homme et le soin de son âme comme la grande affaire de ma vie52. » Cette préoccupation dura jusqu’au bout : hors du christianisme, il suivait la pente du christianisme ; devenu philosophe, c’est de l’avenir qu’il s’inquiétait encore ; en ramenant toute la philosophie au problème de la destinée humaine, il cherchait le salut sous un autre nom ; ses recherches étaient intéressées : ce n’est point une curiosité qu’il contentait, mais une inquiétude qu’il calmait. […] Bien que mon intelligence ne considérât pas sans quelque orgueil son ouvrage, mon âme ne pouvait s’accommoder à un état si peu fait pour la faiblesse humaine ; par des retours violents elle cherchait à regagner les rivages qu’elle avait perdus ; elle retrouvait dans la cendre de ses croyances passées des étincelles qui semblaient par intervalles rallumer sa foi. […] Il n’en reste pas moins parmi les maîtres : et lorsqu’on considère sa puissance d’investigation et de raisonnement, l’étendue et la liaison de ses idées, la prudence et la hardiesse de ses tentatives, et surtout l’originalité de ses vues, on juge que parmi les maîtres son rang n’est pas le dernier.

385. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Ce goût pour l’abstraction a persuadé à M. de Biran de transformer en substances les forces, simples qualités ou rapports abstraits, de considérer la volonté comme l’âme, de changer l’étendue en une apparence, et de ressusciter les monades de Leibnitz. […] Jouffroy parmi les monades de M. de Biran, l’a conduit à considérer les facultés comme des choses réelles, véritables objets de la psychologie ; à emprisonner la psychologie dans une question de mots scolastique et oiseuse ; à exprimer les faits par des notations vagues, inexactes en elles-mêmes et grosses d’erreurs. […] On s’était trouvé panthéiste en 1828, très-mauvais chrétien98, jusqu’à considérer le christianisme comme un symbole dont la philosophie démêle le sens, bon pour le peuple, simple préparation à une doctrine plus claire et plus haute.

386. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Même remarque, si vous considérez l’action d’avaler et de digérer. […] Ayant considéré la vie d’un homme, d’un peuple, d’un animal, j’ai trouvé que le mot destinée me venait aux lèvres, lorsque je saisissais les faits principaux qui composent la vie de chacun d’eux, et que je les jugeais nécessaires. Ayant considéré le génie d’un poëte, d’un politique, d’un savant, j’ai trouvé que ce nom m’apparaissait lorsque j’apercevais l’action principale de leur vie, avec les facultés et les inclinations qui les y portaient.

387. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Ces antiques devanciers de la théorie de révolution considéraient la sensation comme « la mesure de toutes choses ». — « Rien n’est, disaient-ils, mais tout devient ; les sages, à l’exception de Parménide, s’accordent sur ce point : Protagoras, Héraclite, Empédocle ; Homère même n’a-t-il pas dit : l’Océan, père des Dieux, et Téthys, leur mère ; donnant à entendre que toutes choses sont produites par le flux et le mouvement ?  […] répond de Hartmann, l’égalité ne se tire pas davantage des perceptions seules que les choses font naître en nous, car le même raisonnement s’appliquerait ici aux perceptions, dont la première ne peut enrichir la seconde d’une qualité nouvelle. » De Hartmann est dupe des jeux de sa dialectique : il considère les perceptions comme de petits cubes qui existent l’un en dehors de l’autre avec une parfaite indifférence l’un pour l’autre, si bien que leur voisinage ne leur apporte pas le moindre changement. […] Seule, la force de l’idée, son lien avec l’action et le mouvement permet de lui attribuer une valeur objective, de la considérer non comme un rêve, mais comme une véritable connaissance en acte. […] Considérez les problèmes de la science dans leur origine, dans leur nature, dans leur méthode de solution, et vous verrez se maintenir du commencement à la fin ce caractère à la fois sensitif, émotionnel et appétitif, dont la science ne peut se défaire. […] Tous les faits intérieurs doivent être considérés sous ce triple aspect, qu’un philosophe anglais, Lewes, par comparaison avec les trois couleurs fondamentales du spectre solaire, appelait le « spectre mental ».

388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 219

Il est étonnant qu’un sujet aussi intéressant, aussi noble, aussi fécond, aussi propre à élever l’ame, à échauffer le génie, & à lui faire enfanter de grandes idées, tel que la grandeur de Dieu considérée dans les merveilles de la Nature, ait échappé aux grands Poëtes du siecle de Louis XIV, même au petit nombre de bons Poëtes de ce siecle-ci.

/ 1882