Enfin il ne faudra pas oublier que, dans le présent chapitre, nous considérons l’intelligence et l’instinct au sortir de la vie qui les dépose le long de son parcours. […] Il est présumable que, sans le langage, l’intelligence aurait été rivée aux objets matériels qu’elle avait intérêt à considérer. […] Mais point n’était besoin d’entrer dans d’aussi longs détails sur le mécanisme du travail intellectuel : il suffirait d’en considérer les résultats. […] René Quinton, qui considère les Mammifères carnivores et ruminants, ainsi que certains Oiseaux, comme postérieurs à l’homme. […] Lacombe,De l’histoire considérée comme science, Paris, 1894.
Cette présomption se confirmera si l’on considère les choses du point de vue de l’étendue, et non plus seulement de la durée. […] Il faut considérer que la philosophie, telle que nous la définissons, n’a pas encore pris conscience complète d’elle-même. […] Mais les choses changent d’aspect quand on considère le tout de la réalité comme une marche en avant, indivisée, à des créations qui se succèdent. […] Mais ce lien peut être considéré comme infiniment lâche en comparaison de la solidarité qui unit les parties d’un même monde entre elles. […] Considère-t-on in abstracto l’étendue en général ?
Mais de quel droit considérons-nous comme égales ces deux figures que les géomètres euclidiens appellent deux cercles de même rayon ? […] Cela posé, si pour diviser un continu, il suffit de considérer comme coupures un certain nombre d’éléments tous discernables les uns des autres, on dit que ce continu est à une dimension ; si au contraire pour diviser un continu, il est nécessaire de considérer comme coupures un système d’éléments formant eux-mêmes un ou plusieurs continus, nous dirons que ce continu est à plusieurs dimensions. […] Considérons maintenant deux changements externes : α et β qui seront par exemple la rotation d’une sphère mi-partie bleue et rouge, et celle d’une sphère mi-partie jaune et verte ; ces deux changements n’ont rien de commun puisque l’un se traduit pour nous par le passage du bleu au rouge et l’autre par le passage du jaune au vert. […] Une première difficulté se présente ; considérons une sensation colorée rouge affectant un certain point de la rétine ; et d’autre part une sensation colorée bleue affectant le même point de la rétine.
Au reste, il est moins intéressant de chercher, dans le développement d’un esprit supérieur, la trace de toutes les influences qui y ont aidé, qu’il ne résulte utile de considérer cet esprit dans ce qu’il a été et ce qu’il a produit ; puisque, aussi bien, — quelles qu’aient pu être les premières impressions d’un écrivain, ce n’est que grâce à un pouvoir intrinsèque d’en conserver en soi l’empreinte qu’il aura réussi à s’en organiser. […] * * * C’est donc, dans un tel esprit, qu’il serait intéressant de considérer un moment un écrivain dont on a pu voir qu’il a eu du poids sur son époque, qui a été un homme caractéristique et de talent, que l’on a lu avec une ferveur égale à l’importance du genre qu’il s’est construit, et avec le sentiment qu’il a su élargir ce genre jusqu’aux limites extrêmes. […] Savoir tirer parti d’une prédisposition naturelle de l’esprit à considérer toutes choses avec un regard double, — le regard animé du spectateur et celui impassible du classificateur, — est un signe de maîtrise ; et le phénomène est assez rare, parmi les romanciers, pour qu’on ne s’en étonne pas au sujet de M. […] Si donc l’on considérait, la méthode positive de M. […] Mais les choses restant ce qu’elles sont, et bien qu’il n’apparaisse pas que l’on puisse, avec des restrictions, parvenir à démêler scientifiquement, — dans l’être éminemment paradoxal qu’est un homme de pensée considéré comme entité arbitraire à la fois et mécanique, — l’antinomie, constante en lui, de virtualités réductibles dans leurs seules efficiences immédiates, — il serait cependant puéril de nier que l’étude des hommes et des faits n’ait encore des révélations à produire et des progrès à marquer, dont la psychologie expérimentale, en particulier, qu’elle soit ou non destinée à rester une science d’approximations, ne doive recevoir le plus précieux secours et une autorité aussi efficace que nécessaire.
L’Empire romain ne doit pas tant être considéré comme un État qui a été renversé pour faire place à d’autres, que comme le premier essai de la civilisation universelle, se continuant à travers une extinction momentanée de la réflexion (qui est le Moyen Âge) dans la civilisation moderne. […] Non ; car, outre que la moralité et l’intelligence amèneraient pour lui immanquablement l’ordre et l’aisance, cette culture le ferait considérer, aimer, estimer, le placerait dans ce joli monde des âmes polies, où l’on sent finement et d’où il souffre de se voir exilé. […] L’œuvre du XIXe siècle aura été la conquête de ce bien-être matériel, qui, au premier abord, peut paraître profane, mais qui devient chose sainte, si l’on considère qu’il est la condition de l’affranchissement de l’esprit. […] La gymnastique, par exemple, est considérée par plusieurs comme une utile diversion au travail inférieur. […] Le négatif n’est pas inférieur au positif, mais il va en sens contraire ; toute quantité peut être indifféremment considérée comme négative ou positive.
On sait que, dans son Irréligion de l’avenir, Guyau considère la religion comme étant, par essence, un « phénomène sociologique », une extension à l’univers et à son principe des rapports sociaux qui relient les hommes, un effort, en un mot, pour concevoir le monde entier sous l’idée de société. […] Guyau n’absorbait point la morale entière dans la sociologie, car il considérait que le principe « de la vie la plus intensive et la plus extensive », c’est-à-dire de la moralité, est immanent à l’individu, mais il n’en admettait pas moins que l’individu est lui-même une société de cellules vivantes et peut-être de consciences rudimentaires ; d’où il suit que la vie individuelle, étant déjà sociale par la synergie qu’elle réalise entre nos puissances, n’a besoin que de suivre son propre élan, de se dégager des entraves extérieures et des besoins les plus physiques, pour devenir une coopération à la vie plus large de la famille, de la patrie, de l’humanité et même du monde. […] Mais l’union sociale à laquelle tendent la métaphysique, la morale, la science de l’éducation, n’est pas encore complète : elle n’est qu’une communauté d’idées ou de volontés ; il reste à établir la communauté même des sensations et des sentiments ; il faut, pour assurer la synergie sociale, produire la sympathie sociale : c’est le rôle du grand art, de l’art considéré au point de vue sociologique. […] Guyau donne, dans son livre, une théorie plus sociologique du style, considéré comme instrument de « communication sympathique » et de « sociabilité esthétique » ; il a ainsi indiqué un aspect nouveau et intéressant de la question. […] Guyau attachait d’autant plus d’importance au caractère social et à l’influence sociale de fart qu’il considérait les religions comme destinées à s’affaiblir et à disparaître de plus en plus, d’abord dans les classes supérieures de la société, puis, par une contagion lente, dans les classes inférieures.