Mais ses biographes lui font trop d’honneur quand ils rapportent ce dégoût à la candeur, aux délicatesses de conscience de notre jeune étudiant. […] En réalité, le droit répugna à son esprit, non à sa conscience : il nous l’a dit lui-même. […] Par un scrupule de conscience, il rendit un bénéfice qu’il avait obtenu du temps où on le destinait à l’Église, et il restitua même une somme égale à tous les revenus qu’il avait touchés.
L’analyse psychologique y est d’une finesse, d’une pénétration étonnantes : nous y retrouvons le Sainte-Beuve que nous connaissons, expert à démêler toutes les traces d’influences physiques et sociales dans la composition d’un caractère, curieux surtout des formes d’âmes imprécises et complexes, des états mêlés, morbides, anormaux, extrêmes, sentant avec une sûreté singulière le travail invisible des consciences, les effondrements, les crises, les agonies internes, sous les apparences unies et paisibles de la santé morale. […] La méthode qu’il emploie, est l’analyse : il décompose l’action de ses personnages en idées et en sentiments, et chaque état de conscience est résolu en ses éléments par une opération délicate et précise. […] Il ne se perd pas en longues analyses : il se place entre Balzac et Stendhal : comme le premier, il indique le dedans par le dehors, mais il indique avec précision des états de conscience perceptibles seulement au second.
Par une lacune énorme d’éducation, de conscience et de cœur, au lieu de subordonner sa personne à l’Etat, il subordonne l’Etat à sa personne. […] Taine (et nous pouvons nous en rapporter là-dessus à sa conscience d’historien, qui est difficile et exigeante) a évidemment lu tout ce que les contemporains ont écrit sur son héros. […] les dialogues où il exprime à Stella les inquiétudes de sa conscience et son dessein de redescendre sur la terre pour faire profiter les pauvres hommes de ce qu’il a appris dans un monde meilleur, et même, s’il le faut, pour souffrir encore avec eux… il y a dans tout cela une émotion, une beauté du sentiment moral, et comme un sublime tendre où M.
Il ne lui a plus suffi d’interroger la conscience ; elle a senti la nécessité de connaître les résultats où chaque science particulière aboutit, de relier les phénomènes physiques aux phénomènes moraux, de rattacher par exemple la psychologie à la physiologie. […] Sully Prudhomme, dans son noble poème de la Justice, a condensé en un dialogue tragique l’antagonisme de ces deux voix que l’homme moderne entend retentir au fond de sa conscience ; l’une est celle de la science, implacable et sereine, qui renverse sans pitié les vieilles idoles, les croyances chères à l’enfance des peuples, les préjugés enracinés par une longue accoutumance ; l’autre est celle du cœur qui proteste, qui tantôt a peur de ce bouleversement, s’attendrit sur les choses détruites, proclame l’inutilité du savoir humain et conseille au chercheur de s’endormir dans le plaisir et l’insouciance, tantôt se révolte, taxe la science d’impie, l’accable d’invectives passionnées, l’accuse de désenchanter la vie, d’anéantir le bonheur et la vertu. […] Tantôt elle s’occupe avec prédilection de la vie mentale ; elle scrute, à l’aide de la conscience, ce microscope interne, les pensées, les aspirations, les rêves de l’âme ; elle s’envole dans l’au-delà, poursuit l’absolu, s’aventure dans l’infini, vogue en plein ciel au risque de se perdre dans les nues.
Un peu d’humilité semble convenir aussi au parasite qui peut avouer en une heure de conscience : « Il y a quelque chance pour que le meilleur de mes ouvrages soit celui où il y aura le moins de mon cru. » M. […] Il prend je ne sais quelle paradoxale conscience de son inexistence et arrive à un détachement amusé. […] Ce n’est pas non plus son étude sur Stendhal, pensum insuffisamment documenté d’une heure où l’universitaire manqua même de conscience.
À quoi bon et pourquoi cette marionnette moraliste dont j’entends les rires insolents ou les sanglots funèbres, à propos d’autres marionnettes innocentes et sans moralité, qui ne sont pas responsables de ce qu’elles font et dont l’imbécile se dit orgueilleusement : « Je suis leur conscience ? […] La fidélité épurée du renseignement, la hauteur de l’impartialité, la conscience de la Critique, sans laquelle il n’est pas d’histoire, toutes ces choses manquent ici, et le style avec sa magie ne les remplace pas. […] Ferrari est au-dessus de M. de Lamartine, cet optimiste de l’histoire, qui voit du bien même dans le mal que signalent tous les historiens, par une conformation particulière d’organe et de conscience.