Pour toute réponse Olivier dépose, sur une table, le paquet de lettres à l’adresse de Suzanne, et il sort : sortie douteuse qui ressemble à l’évasion d’une conscience en peine, par la porte dérobée d’un faux subterfuge. […] Un instant après, Olivier apprend que M. de Nanjac est passionnément amoureux de la femme qui vient de lui donner son congé, et c’est alors que son zèle s’allume, que sa conscience se soulève, et qu’il entre résolument en campagne contre l’intrigante. […] » Elle a raison ; donc l’honnête Olivier se déclare, de son propre aveu, un personnage équivoque qui couvre sa rancune d’un masque d’honneur, et qui ne pourrait se tirer à son avantage d’un examen de conscience sérieusement passé. […] Ce ne sont ni les fièvres ni les angoisses de l’argent que l’auteur a peintes, mais ses gênes, ses embarras, ses petites misères et ses cas de conscience.
Il a montré Faust qui, après s’être élevé peu à peu dans l’échelle de l’humanité par sa conscience, par son goût du travail, par le goût de l’activité féconde et productrice qui lui est venu, il l’a montré ayant cependant une grave défaillance de conscience, toute naturelle, du reste, de la part du puissant et du victorieux. […] La Fontaine se mit à l’œuvre avec beaucoup trop de conscience. […] Par parenthèse, il y en a une qui ne lui plaisait pas beaucoup, à lui, La Fontaine, et dont cependant il a cité le nom avec conscience dans le poème du Quinquina ; c’est Colbert, qui en avait ressenti, paraît-il, de bons effets.
Aussi nous faut-il considérer comme la modalité normale de la vie cette contrariété selon laquelle, sous le regard de la conscience, toutes les choses se conçoivent autres qu’elles ne sont.
IX La révocation de l’édit de Nantes venait de frapper la liberté de conscience en rompant le traité de paix, entre les religions, promulgué avec Henri IV. […] X Bossuet était le ministre intime de cet empire sur les consciences. […] Ce cri des victimes commençait à importuner la cour ; on voulait l’apaiser, non par des libertés rendues à la conscience des peuples, mais par des ministres plus insinuants et plus humains.
Montesquieu fit en conscience pendant dix années son métier de magistrat ; mais, s’y trouvant plus resserré à mesure que ses études s’étendaient davantage, il vendit sa charge en 1726. […] Montesquieu, à mesure qu’il se dégagera de l’ironie des Lettres persanes, entrera de plus en plus dans cette voie respectueuse pour les objets de la conscience et de la vénération humaine : je ne crois pas qu’il y soit entré pour cela plus intimement. […] Il remarque que, de son temps, les ambassadeurs ou ministres étrangers ne connaissaient pas plus l’Angleterre qu’un enfant de six mois ; la liberté de la presse les abusait : « Comme on voit le diable dans les papiers périodiques, on croit que le peuple va se révolter demain ; mais il faut seulement se mettre dans l’esprit qu’en Angleterre comme ailleurs le peuple est mécontent des ministres, et que le peuple y écrit ce que l’on pense ailleurs. » Montesquieu apprécie cette liberté dont chacun veut là-bas et sait jouir : « Un couvreur se faisait apporter la gazette sur les toits pour la lire. » Il ne se fait point d’ailleurs d’illusion en beau sur l’état du pays et des institutions ; il juge au vrai la corruption des mœurs politiques, la vénalité des consciences et des votes, le côté positif et calculateur, cette peur d’être dupe, qui mène à la dureté.
Il se torture d’arguties, recommence sans cesse son infructueux examen de conscience, et se butte toujours à l’impossibilité d’éprouver une sensation forte et décisive, qui est le symptôme dernier de sa ruine morale : « Elle m’aime, écrit-il à un ami, et elle m’a dit qu’elle serait à moi, si je me reconnaissais le droit de, l’exiger. […] Que dirait ma conscience ? Tu me répondras que si ma passion était plus forte, ma conscience se tairait.