Ce que nous gagnons en connaissance, nous le perdons en sentiment. […] Dans l’examen de l’ancien ministère public en France, il montre une connaissance approfondie de notre histoire. […] Là où il y a connaissance de Dieu et de l’homme, et de leur rapport naturel, il y a nécessairement de bonnes lois, puisque les lois sont l’expression des rapports naturels ; donc la civilisation suivra la connaissance du médiateur, et la barbarie l’ignorance du médiateur. […] Une telle connaissance des femmes prouve que le monarque, en se confessant, n’était peut-être pas bien guéri de sa faiblesse. […] Ce défaut de connaissances n’est point du tout sensible dans les Mémoires.
Aimé Martin, écrivain élégant et philosophe de l’école de Bernardin de Saint-Pierre et de Jean-Jacques, aborde aujourd’hui le même sujet ; et, tout en restant fidèle aux traditions de ses maîtres, il les ravive par une analyse nouvelle et par la connaissance des travaux essayés depuis eux.
Si l’on a bien appris, si l’on a bien vécu, c’est-à-dire comme un être actif et conscient, toutes les connaissances et toutes les émotions antérieures concourront insensiblement dans tout ce qu’on écrira, et, sans qu’on puisse marquer précisément l’empreinte d’aucune, elles se mêleront dans toutes nos pensées et dans toutes nos paroles, comme on ne saurait dire quelle leçon de gymnastique ou quel aliment entre tous a donné au corps la force dont il fait preuve un certain jour au besoin.
C’est sous les auspices de Pope qu’il se perfectionna dans la connaissance de la langue anglaise, et qu’il lut les tragédies de Shakespeare. […] Il y nourrit sa poésie de l’histoire, de la philosophie, de la science ; ses vers ne furent que la forme de ses connaissances et de ses idées. […] Ses connaissances et son style décoraient leur faiblesse politique. […] XXI Et ailleurs, à l’article Théisme, dans le même ouvrage : « Le théisme est une religion répandue dans toutes les religions comme un métal qui s’allie avec tous les autres ; il y eut autrefois des athées, mais aujourd’hui, ce que le chancelier Bacon avait dit se trouve vérifié littéralement : qu’un peu de philosophie rend un homme athée, et que beaucoup de philosophie mène à la connaissance de Dieu.
Tantôt Corneille commente en homme de génie les règles de la critique ancienne ; tantôt il en établit lui-même de nouvelles, tirées d’une connaissance encore plus profonde de l’homme. […] Deux amants qu’attache l’un à l’autre une passion profonde et légitime, et que va rendre ennemis la loi du devoir filial et de l’honneur domestique ; Rodrigue aimant Chimène, mais forcé de venger l’affront de son père dans le sang du père de sa maîtresse ; Chimène forcée de haïr celui qu’elle aime, et de demander sa mort, qu’elle craint d’obtenir ; Rodrigue, tout plein des grands sentiments qui feront bientôt de lui le héros populaire de l’Espagne ; Chimène, héritière de l’orgueil paternel, fière Castillane, qui veut se battre contre Rodrigue avec l’épée du roi ; ce roi, si plein de sens et d’équité, image de la royauté de Salomon, par sa modération, par sa connaissance des hommes, par sa justice ingénieuse : les deux pères si énergiquement tracés ; le comte, encore dans la force de l’âge, qui a été vaillant à la guerre, mais qui se paie de ses services par le prix qu’il en exige et par les louanges qu’il se donne ; le vieux don Diègue, qui a été autrefois ce qu’est aujourd’hui le comte, mais qui n’en demande pas le prix, et ne s’estime que par l’opinion qu’on a de lui ; le duel de ces deux hommes, si rapide, si funeste, d’où va naître entre les deux amants un autre duel dont les alternatives seront si touchantes ; Rodrigue, après avoir tué le comte, défendant son action devant Chimène, qui n’en peut détester le motif, puisque c’est le même qui l’anime contre Rodrigue ; la piété filiale aux prises avec l’amour ; l’ambition désappointée ; l’idolâtrie de l’honneur domestique ; des épisodes étroitement liés à l’action ; un récit qui nous met sous les yeux le sublime effort de l’Espagne se débarrassant des Maures, d’un pays rejetant ses conquérants : quel sujet ! […] du sublime dans le ridicule ; cette naïveté même, une des séductions de ce beau génie, qui lui fait mettre sa Mélite sur le même rang que ses chefs-d’œuvre, et trahit ainsi, jusque dans une connaissance si précise de son art, une si singulière illusion sur ses œuvres ; tant de maladresse dans une si grande habileté ; des défauts si peu soupçonnés par lui et si mal surveillés, parmi des qualités supérieures dont il paraît avoir une conscience si claire : tous ces contrastes ont de quoi confondre d’abord, et Corneille n’est guère moins étonnant par sa hauteur que par l’impuissance de s’y soutenir. […] Là se révèle l’invention, qui n’est que la connaissance et le sentiment profond de la réalité ; là est le trait par lequel l’œuvre du génie se rapproche le plus des œuvres de Celui qui sonde les cœurs, et pour lequel toute vie qui s’écoule est un drame qui s’accomplit.
Huet, qui le qualifie d’esprit merveilleusement doué pour la poésie, et qui trouve dans ses poèmes « des pensées sublimes3 », — ce qui n’est pas d’un ennemi, ce semble, — déclare qu’il eût jugé autrement Homère et Virgile, « s’il se fût appliqué à acquérir une plus parfaite connaissance de l’antiquité et de lui-même. » Ainsi le premier adversaire de l’antiquité classique est un homme d’esprit qui parle des anciens sans les connaître, et s’ignore lui-même ; un poète qui est à lui-même son propre idéal ; un chrétien, s’il le fut sincèrement, qui n’a ni l’humilité ni la charité. […] Il faut, pour bien juger Homère, le grand goût des hommes de génie, ou la naïveté de l’artiste, ou cette raison dont la connaissance de nous-mêmes est à la fois le fond et la première marque. Au temps où Boileau y conviait tous les poètes, comme à la source de toute création durable, l’esprit chrétien avait fait, de cette connaissance, la plus obéie des règles et la plus sûre des sciences. […] Il lui interdit toute connaissance, même de savoir avec certitude si deux et deux font quatre.