Pour nous, renseignement sociologique qui se dégage de la Comédie humaine fait partie intégrale de cette œuvre et il la couronne. […] Reprenons maintenant la Comédie humaine, avec cette clef que l’auteur nous a tendue, et en acceptant, comme aussi sérieuse qu’elle est sincère, sa déclaration de principes. […] La France issue de la Révolution, telle que la Comédie humaine nous la montre, ne souffre pas d’un manque d’énergie, elle souffre des abus d’une énergie mal réglée. […] Remplacez ces diffuses causeries, magnifiques chez Scott, mais sans couleur chez vous, par des descriptions auxquelles se prête si bien notre langue. » Ouvrez maintenant la Comédie humaine. […] Il s’appelait lui-même Lord Anxious, le seigneur de l’inquiétude, et il s’appliquait encore la triste épithète qui sert de titre à la comédie antique : Héautontimo-roumenos, le bourreau de soi-même.
La patience publique s’est lassée de cette comédie bruyante jouée au profit d’une autolâtrie d’emprunt. […] Aussi peut-on affirmer que l’homme est absent de la Divine Comédie, à laquelle devaient nécessairement manquer les formes précises et ordonnées, toujours dépendantes de la conception précises et de la langue. […] Déjà transformée dans la Divine Comédie et dans le Paradis Perdu, l’épopée a cessé d’être possible. […] Les grands hommes de race homérique, Eschyle, Sophocle, Euripide, inaugurent bientôt, à l’éternel honneur de la Hellas, le règne des génies individuels ; Aristophane écrit ses comédies où la satire politique, sociale et littéraire, l’esprit le plus aigu, le plus souple, le plus original et souvent le plus cynique, s’illuminent de chœurs étincelants ; les purs lyriques abondent, et l’inspiration hellénique devient l’éducatrice du monde intellectuel latin.
Mais la société n’en est pas là, et, dans la discussion présente, lorsqu’en prenant le parti sévère, on se tient simplement à la morale du monde, à ce qu’on appelle être honnête homme, à la morale qui admet la comédie et la tragédie, Tartufe et Phèdre, et la ceinture de Vénus et les jardins d’Armide, oh !
On peut assister dans la salle d’audience et cette étrange comédie de deux hommes qui, par fonction, accusent et défendent, avec une égale émotion, un individu sur lequel ils pensent souvent tout le contraire de ce qu’ils disent.
Est-elle, au contraire, l’accessoire, comme cela se produit dans une comédie de caractère telle que le Misanthrope ou dans un roman d’analyse signé Stendhal ?
N’est-ce pas elle qui a introduit parmi nous ces Drames langoureux qui ne sont propres qu’à assoupir la Nation, & à bannir la bonne Comédie de notre Théatre ?