Que l’on relise la merveilleuse scène des Mémoires d’un seigneur russe, où le chasseur parvenu le soir à un taboun de bêtes, couché à quelque distance du feu, voit les flammes illuminer, au hasard de leur danse, le groupe de pâtres, les chevaux qui s’ébrouent, les chiens, les hautes herbes, tandis que le ciel déploie au-dessus sa voussure piquée d’étoiles, et que le murmure des légendes chuchotées vaguement lui parvient par lambeaux ; l’on aura là une représentation achevée de l’art de M. […] Le jour était gris, le ciel pendait bas ; près de terre, un petit vent humide agitait les pointes des brins d’herbe et balançait les feuilles des arbres. […] Nejdanoff jeta autour de lui un regard scrutateur et méfiant, puis il marcha droit à un vieux pommier… Le tronc de ce pommier était couvert de mousse desséchée ; ses branches rugueuses et dénudées, avec quelques petites feuilles vertes et rouges accrochées çà et là, s’élevaient tordues vers le ciel, semblables à des bras de vieillard suppliant, les coudes repliés. […] Alors Nejdanoff, à travers les branches tordues de l’arbre, regarda le ciel gris très bas, mouillé, indifférent, aveugle ; il bâilla, s’étira, se dit : “Après tout, il n’y a que cela à faire ; je ne puis retourner à Pétersbourg, à la prison.”
Je n’entendrai jamais les prisonniers de Fidelio monter sur la tour, sans associer à la musique sublime de Beethoven cette voix du petit sous-lieutenant… Une nuit, voyant venir dans le ciel, à la lueur des fusées, une flotte de nuages chargés de pluie, il les salue en lui-même du chant des mariniers du premier acte de Tristan. Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air. […] Et le voilà qui lève son regard : « Le ciel est tout bleu. […] Enfin, tout ce que je vois autour de moi, pays, ciel, forêt et scènes humaines, tout est si beau, si beau que la joie de la contemplation est constamment la plus forte.
. — On lève la nuit les yeux vers le ciel étoilé, et l’on se dit que chacune de ces pointes brillantes est une masse monstrueuse semblable à notre soleil. — On marche dans les champs vers le soir en automne, on remarque des fumées bleues qui montent tranquillement dans les lointains, et à l’instant on imagine sous chacune d’elles le feu lent que les paysans ont allumé pour brûler les herbes sèches. — On ouvre un cahier de musique, et, pendant que le regard suit les ronds blancs ou noirs dont la portée est semée, l’ouïe écoute intérieurement le chant dont ils sont la marque. — Un cri aigu d’un certain timbre part d’une chambre voisine, et l’on se figure un visage d’enfant qui pleure parce que sans doute il s’est fait mal. — La plupart de nos jugements ordinaires se composent de liaisons semblables. […] III Maintenant, supposons qu’au lieu de m’appesantir sur ce mot Tuileries et d’évoquer les diverses images qui lui sont attachées, je lise rapidement la phrase que voici : « Il y a beaucoup de jardins publics à Paris, des petits et des grands, les uns étroits comme un salon, les autres larges comme un bois, le Jardin des Plantes, le Luxembourg, le bois de Boulogne, les Tuileries, les Champs-Élysées, les squares, sans compter les nouveaux parcs qu’on arrange, tous fort propres et bien soignés. » Je le demande au lecteur ordinaire qui vient de lire cette énumération avec la vitesse ordinaire : quand ses yeux couraient sur le mot Tuileries, a-t-il aperçu intérieurement comme tout à l’heure quelque, fragment d’image, un pan de ciel bleu entre une colonnade d’arbres, un geste de statue, un vague lointain d’allée, un miroitement d’eau dans un bassin ?
Ce qu’il put lui dire, je l’ignore. » — « … Parmi les révoltés, les uns pleuraient ; d’autres, levant les mains au ciel, invoquaient leurs fétiches et ceux des blancs. » Voilà le ton. […] Vigny écrivait dans le Mont des Oliviers : « Si le ciel est muet, aveugle et sourd au cri des créatures… Le juste opposera le dédain à l’absence, Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité.
Mais nos préférences vont aux poèmes intitulés : À Jour fermant, sept notations dédiées à Léon Dierx — bouges marins, tempêtes sous le ciel bas, sites maritimes et d’hiver, vaisseaux appareillant vers les Atlantides… Très belle encore la Finale, où s’atteste plus particulièrement le caractère évocateur de cette poésie. […] Elles conservent la teinte des ciels selon l’indication desquels le poète les réalisa.
Quand le jour tombe, les alcarazas se balancent, tout embués, aux fenêtres, le ciel verdit, la paix descend, et les amoureux s’embrassent la bouche derrière les portes… » Et encore : « Sur la route qui va vers la fontaine, on se promène les jours d’orage après la pluie ; les cailloux brillent, les pas résonnent réguliers. […] La vieille cathédrale étire désespérément, aux bords du fleuve roulant des eaux sinistres, ses deux bras vers le ciel qu’on ne voit plus.