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1610. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Maintes fois, dans sa vie de marin, il a eu devant lui pendant des jours et des jours des étendues infinies de ciel et d’eau. […] Le séjour qu’il a fait en Algérie, sous un ciel implacablement beau, lui a rendu plus chers les aspects de sa Touraine. […] Il en aime les paysages aux vagues contours, aux lignes dont l’indécision est une caresse pour les yeux ; le ciel y est léger, l’air y est doux, les teintes des prairies et des feuillages sont fines et un peu pâles ; pas de montagnes ni de grands bois, mais des coteaux modérés, des bouquets d’arbres, des ruisseaux clairs bordés de peupliers dont tremble la cime… Or, c’est de la façon dont elle nous apparaît que la nature extérieure peut agir sur nous : c’est par l’image que nous en recevons, et au sens où un paysage est un état d’âme. […] J’aime qu’il nous montre du doigt le ciel où il est chargé de nous conduire. […] Elles ont au ciel une protectrice, qui est sainte Catherine ; et elles en ont une sur la terre, l’Académie, qui leur décerne chaque année des récompenses… La vie de famille est un progrès sur l’égoïsme.

1611. (1883) Le roman naturaliste

Tandis qu’au-dessus des têtes le ciel change insensiblement, que vous voyez passer les nuages et que vous sentez courir jusqu’au souffle du vent « soulevant les grands bonnets des paysannes, comme des ailes de papillons blancs qui s’agitent » ; en même temps que la foule épaisse continue de jouer son rôle de foule, vous la voyez, vous l’entendez, vous étouffez presque au milieu d’elle ; et le discours emphatique du conseiller de préfecture, et le discours fleuri du président du comice continuent de dérouler leurs périodes ; et M.  […]  » En voici un autre exemple : « Le ciel était devenu bleu, les feuilles ne remuaient pas ; il y avait de grands espaces pleins de bruyères tout en fleurs, et des nappes de violettes s’alternaient avec le fouillis des arbres, qui étaient gris, fauves ou dorés, selon la diversité des feuillages. […] Non, sans doute, on ne voulait plus de ces héros trop extraordinaires, suspendus comme entre ciel et terre, en dehors du temps et de l’espace, sous une lumière artificielle, au milieu d’un décor d’opéra, dans un monde où les événements s’enchaînaient, non plus même, depuis longtemps, sous la loi d’un effet dramatique à produire, mais au gré du libre caprice et de l’extravagante fantaisie de Balzac lui-même, d’Eugène Sue, de Frédéric Soulié ! […] Rodolphe Boulanger de la Huchette, celle qui est tout autour et au-dessus, comme le paysage qui nous environne et le ciel qui nous éclaire », jamais rien de tout cela n’a été, même depuis lors, à la scène ou dans le roman, cinglé des coups d’une ironie plus méprisante. […] Ces fleurs familières, ces chants d’oiseaux, ce ciel, ces prés, ces haies, voilà ce qui constitue la langue mère de notre imagination, ce langage chargé de tant de subtiles associations que les heures fugitives de notre enfance ont laissées après elles.

1612. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Or tous les hommes ont prié ; tous ont fait monter vers le ciel cette confiance en une iniquité favorable, qu’on appelle la prière. […] Il est bien vrai qu’il y a plusieurs dieux et plusieurs seigneurs tant dans le ciel que sur la terre, et que nous devons aspirer à l’amitié et à la faveur de ces dieux. […] Dieu n’est pas seulement le créateur du ciel et de la terre, il est le créateur de la pensée, de la parole, et de la civilisation, et de la famille, et de toute chose par quoi nous vivons. — Enfin Bonald prolonge la création dans le temps, et la voit et la montre aussi active à chaque moment que nous traversons qu’au premier moment. […] S’ils ont établi l’égalité politique qui est dangereuse, dans le même sentiment ils ont créé l’égalité civile qui est justice, équité, fraternité, paternité plutôt, et semble faire descendre un peu de ciel sur la terre. […] Le ciel était serein, mais les arbres étaient sans feuilles ; aucun souffle n’agitait l’air, aucun oiseau ne le traversait : tout était immobile, et le seul bruit qui se fît entendre était celui de l’herbe glacée qui se brisait sous nos pas.

1613. (1881) Le roman expérimental

« Le ciel, tel qu’on le voit avec les données de l’astronomie moderne, est bien supérieur à solide, constellée de points brillants, portée sur des piliers à quelques lieues de distance en l’air, dont les siècles naïfs se contentèrent. […] Ensuite, certaines notions exactes s’imposent, son idéal se restreint, il finit par le loger dans un ciel lointain et dans les causes obscures de la vie. […] Il n’est plus parti du document humain que pour arriver à des conclusions extra-humaines, à des situations stupéfiantes, en plein ciel de la fantaisie. […] « Son aérostat lui apparut vibrant dans un ciel bleu, évoluant sans encombre, montant, descendant à sa fantaisie, volant à gauche, à droite, comme un aigle apprivoisé, sur un geste de lui. » Puis, il mange son bifteck et prend des choux-fleurs. […] Où et quand m’a-t-on surpris en train de boucher le ciel de la fantaisie, de nier chez l’homme le besoin de mentir, d’idéaliser, d’échapper au réel.

1614. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Bien des gens lèveront les bras au ciel, et diront que voilà beaucoup de temps perdu et de papier gâché. […] Brunetière a presque eu un disciple en la personne de Paul Hervieu, à qui notre astrologue avait persuadé que la conjonction des astres au ciel de la critique était favorable à la tragédie en prose. […] Ronsard et Du Bellay se veulent avec fierté Vendômois et Angevin, mais ensuite, pour trouver un homme qui se dise joyeusement et amoureusement d’un certain pays, qui accorde sa phrase à certaines inflexions locales et maternelles de ciels, de montagnes et d’eaux, comme Racine accorda ses vers sur des visages et des corps d’actrices, il faut attendre Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève. […] Formuler en critique technique, former en artiste intelligent (les deux opérations sont nécessaires) un de ces Génies, un de ces êtres intermédiaires, une de ces brillantes et bienfaisantes nuées (j’amorce ici la parole pour la contradiction, et je sais d’ailleurs qu’Ixion n’est pas Jupiter), nuées flottantes entre le ciel et la terre, voilà qui donne aujourd’hui, et depuis un siècle, à la critique, son rayonnement et sa fleur.

1615. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Et ces traits ne sont qu’un art de mieux faire revivre les personnages ; et ce qui domine, sans étalage du reste, et sans rien surcharger, ce sont bien les vertus charmantes de ces laborieux : leur probité, leur loyauté, leur labeur immense et tranquille, leur modestie, leur piété, leur dévotion même naïve et comme enfantine, et délicieuse en sa bonhomie, comme celle de ce mathématicien17 qui disait « qu’il appartient à la Sorbonne de disputer, au Pape de décider, et au mathématicien d’aller au ciel en ligne perpendiculaire. » Ils sont exquis ces savants de 1715, vivant de leurs leçons de géométrie ou d’une petite pension de grand seigneur, sans éclat, presque sans journaux, inconnus du public, formant en Europe comme une petite république dont les citoyens ne sont connus que les uns des autres, tranquilles et simples d’allures dans leur régularité de quinze heures de labeur par jour, et disant quelquefois du Régent : « Je le connais. […] Montesquieu qui semble croire en Dieu, mais non pas à la Providence, ne peut pas mettre son optimisme dans le ciel ; et il reste qu’il le mette sur la terre.

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