Je pourrais appliquer à Bérénice ce que Zaïre dit d’Orosmane, après avoir fait l’énumération de ses vertus : S’il était né chrétien, que serait-il de plus ? […] Lorsque Racine imagina de donner à la confidente d’Atalide le nom de Zaïre, il était loin de prévoir la brillante fortune que ferait un jour cette humble suivante : il ne soupçonnait guère que Zaïre deviendrait une héroïne de religion et d’amour ; que, fille de vingt rois chrétiens , il s’en manquerait bien peu de chose qu’elle n’épousât un prince mahométan ; et, ce qui n’est pas le moins curieux de ses aventures, que la favorite d’un soudan mourrait dans le sérail, chrétienne, vierge et martyre, quoique l’auteur de ce roman merveilleux eût une haine mortelle contre le christianisme, beaucoup de mépris pour la virginité, et une peur effroyable du martyre. […] Un Français peut s’exprimer ainsi, parce que les Français ont des guerriers et des héros ; cet enthousiasme est de tous les pays où il y a des hommes ; le Tartare Orosmane ne dit rien dans son sérail qui peigne aussi bien l’ardeur martiale ; le Turc Bajazet sait autre chose qu’appeler sa Turque madame : il sait exposer devant elle des sentiments héroïques ; tandis qu’Orosmane ne sait que faire le fou devant sa chrétienne, ou lui parler de guerre et de politique une heure avant la noce. […] On cria de tous côtés que de jeunes demoiselles, à qui l’on devait donner une éducation chrétienne, n’étaient point faites pour se montrer en plein théâtre ; que la modestie et la pudeur étant les vertus principales du sexe, il ne convenait pas d’exposer aux regards avides des courtisans et des grands seigneurs les filles de Sion, les vierges innocentes et timides qui croissaient à l’ombre du sanctuaire.
Pour les rassurer, elle parlait de ces visites avec un enjouement chrétien, comme une précaution à tout hasard, et cela d’un ton si confiant, si détaché, que toute idée funèbre disparaissait. […] A quelques jours de là, nous prenions une glace au café Florian, sur la place Saint-Marc ; le Journal des Débats, une des rares feuilles françaises qui pénètrent à Venise, se trouva sous notre main, et nous y vîmes annoncée la mort de Balzac. — Nous faillîmes tomber de notre chaise sur les dalles de la place à cette foudroyante nouvelle, et à notre douleur se mêla bien vite un mouvement d’indignation et de révolte peu chrétien, car toutes les âmes ont devant Dieu une égale valeur.
Si son esprit, comme celui de Victor Hugo, eût aimé le jeu violent des antithèses, quelles oppositions il pouvait noter brusquement, dans ce spectacle inouï : les généraux de la Convention, agenouillés devant les dignitaires du Sacré-Collège ; — les ci-devant sans-culottes, devenus ducs et princes, à la pointe de l’épée, et respirant, sans broncher, l’encens des enfants de chœur ; — le trône impérial et le Saint-Siège apostolique ; — la tiare et la couronne ; — la croix et l’aigle ; — la Révolution et l’Église ; — un ancien jacobin recevant, des mains du souverain pontife, l’onction de l’huile sainte, selon le rite institué par les rois très chrétiens ; — le pape de Rome, devenu chapelain du nouvel empire et obligé d’abaisser sa puissance sacerdotale devant le caprice impérieux du césar de Paris ! […] Serait-ce que le confident du révérend Smith n’a pu voir sans terreur l’esprit anglais adapter le dogme chrétien à des fins trop temporelles, trop utilitaires ? […] Bard, fît comparaître dans son yâmen, un Chinois chrétien faussement accusé d’un meurtre. […] Il discerna mal ces traits brouillés de larmes et de crépuscule ; mais lorsque enfin elle se leva, il devina sous sa tunique plaquée, un corps frêle de jeune fille, et longtemps il la regarda sinuer parmi les arbres et les stèles… Le cœur attendri de cette vision, Alain s’agenouilla à l’endroit où la petite épouse, la petite veuve bouddhiste était venue, dans la grisaille du soir, prier sur une tombe chrétienne.
La trisaïeule de Mlle d’Ars, Marie de Verdelin, femme de Jean-Louis de Bremond d’Ars, marquis d’Ars, maréchal de camp, tué en défendant Cognac assiégé par les Frondeurs en 1651, s’était rendue célèbre dans la province par son intrépidité autant que par ses vertus chrétiennes.
On a enfin découvert que Baudelaire était chrétien, catholique et antidémocrate.
Tout était sérieux en lui, parce que tout était sublime ; sa piété, qui était l’héritage de son père et de sa mère, lui faisait élever sans cesse sa pensée vers ce ciel chrétien où il les voyait des yeux de sa foi.