» Ceux qui sont si empressés à refuser aux hommes engagés dans la vie active et dans l’âpreté des luttes publiques la faculté de sentir et de souffrir n’ont pas lu Émile, où se rencontrent, au milieu d’une certaine exaltation de tête, tant de pensées justes, délicates ou amères nées du cœur : « A l’âge où les facultés sont usées, où une expérience stérile a détruit les plus douces illusions, l’homme, en société avec son égoïsme, peut rechercher l’isolement et s’y complaire ; mais, à vingt ans, les affections qu’il faut comprimer sont une fosse où l’on est enterré vivant. » « Cette proscription qui désole mon existence ne cessera entièrement que lorsque j’aurai des enfants que je vous devrai (il s’adresse à celle qu’il considère déjà comme sa compagne dans la vie) ; je le sens, j’ai besoin de recevoir le nom de père pour oublier que le nom de fils ne me fut jamais donné. » Émile parle de source et, quand il le pourrait, il n’a à s’inspirer d’aucun auteur ancien ; la tradition, je l’ai dit, ne le surcharge pas ; elle commence pour lui à Jean-Jacques, et guère au-delà : c’est assez dans le cas présent. […] Émile n’a cessé depuis de se former et d’apprendre ; il ne tardera pas à en appeler de ces trois classes, et, tout en marquant toujours sa place dans les premiers rangs, il ne verra bientôt plus autour de lui qu’une société moderne, ouverte à tous, et ne portant sur sa bannière que trois mots inscrits : Activité, talent, fortune.
Il cesse d’être purement et simplement la mer houleuse de sable de Pomponius Mêla, ou la peau de panthère, à laquelle le comparait Strabon. […] Elle n’a cessé d’être habitée depuis.
À la mort de Louis XIV, le Régent le mit de fait à la tête du Conseil des finances : il eut d’abord la haute main, recourut tant bien que mal à des expédients ou à des palliatifs, eut le mérite de repousser l’idée de banqueroute, mais ne voulut point des États généraux dans le principe et n’en voulut ensuite que lorsqu’il était trop tard, visa sans cesse à être premier ministre, vit tourner la roue et se retira devant la faveur de Law, à la veille des entreprises aventureuses. […] « Il avait une si grande vivacité d’esprit que ceux qui ne l’aimaient pas la faisaient passer pour inconstance ou même pour folie. » Il multipliait sur tous sujets les écritures, les mémoires, et les refondait sans cesse : il faisait tourner la tête à ses secrétaires.
Il discute, contrôle, chemine pas à pas, oppose témoignage à témoignage ; il construit autour de l’œuvre dont il fait le siège une suite d’excellents et solides chapitres comme autant de forts avancés qui la brident et qui l’entament ; il ne cesse, dans tout ce travail, de faire acte de bon et judicieux esprit, qui ne se laisse éblouir à aucun instant et qui ne s’écarte jamais des méthodes sévères. […] Deux petites pièces de canon de l’ennemi tiraient sans cesse.
Rien n’est fait de nos jours, tout recommence sans cesse. […] L’artiste n’a pas cessé de le révérer.
C’est marcher tout d’abord dans cette voie, Messieurs, que de venir retracer devant vous un caractère et un talent comme celui de Casimir Delavigne : il a eu dès le premier jour la célébrité, il a obtenu la gloire, et il n’a pas cessé un seul instant depuis d’y joindre l’estime. […] Je conçois, Messieurs (et d’assez beaux noms autour de moi me le disent), que le divorce entre les différentes applications de la pensée ait cessé de nos jours, qu’un noble esprit habitué à tenter les hautes sphères, à parcourir la région des idées en tous les sens, ne se croie pas tenu à circonscrire son activité sur tel ou tel théâtre, qu’il ne renonce pas à sa part de citoyen, à faire peser ou briller sa parole dans les délibérations publiques, à compter dans l’État ; — je conçois, Messieurs, et même j’admire un tel rôle ; mais ce n’en est pas moins un aimable contraste que cette modération de désirs et, si l’on veut, d’idées, chez un homme aussi distingué, aussi désigné, et qui pouvait espérer beaucoup.