Sire Noble, le Lion, convoque tous les animaux en son palais pour juger du cas et pour prononcer sur la plainte qu’a portée par-devant lui Ysengrin ; c’est une cour plénière. […] Il s’emporte contre Renart, il le menace, et, en brise-raison qu’il est, il se vante (s’il était dans le cas du Loup) qu’il saurait bien saisir de force son ennemi dans son château de Malpertuis. […] Du moment que le bruit se répand qu’elle est bienheureuse et martyre, le Loup, tout bête qu’il est, mais bien conseillé par Rooniax (le gros Chien) fait semblant d’avoir mal à l’oreille et veut dormir aussi sur le tombeau, après quoi il se dit guéri : le tout pour empirer le cas de Renart, dont les victimes sont des saintes.
Il est certes des natures merveilleusement douées en naissant, des êtres (surtout femmes) revêtus de dons singuliers, d’aspirations pures, tendres, poétiques, idéales, et qui semblent vouloir glisser, s’élever au-dessus de la terre : ici, chez Sibylle, cette faculté éthérée, cette tendance au sublime est jointe à une fermeté de volonté qui devient le trait caractéristique et qui, dans plus d’un cas, ira jusqu’à la dureté. […] C’est insensé : car d’abord Raoul n’a point là-dessus de parti pris absolu et irrévocable ; car, de plus, Sibylle, qui exerce un grand ascendant sur lui, doit espérer, Dieu aidant, de modifier son opinion et de l’amener à la sienne ; car, même chrétiennement parlant, il n’y a pas lieu, en pareil cas, de jeter le manche après la cognée, puisque saint Paul a écrit que « la femme fidèle justifierait le mari infidèle. » Aussi, à partir de ce moment, tout intérêt selon moi, cesse raisonnablement de s’attacher à Sibylle, qui se conduit en personne peu éclairée, en fille volontaire et opiniâtre, en fanatique fidèle à la lettre plus qu’à l’esprit, et, pour trancher le mot, comme une petite sotte. […] » On n’a jamais vu de femme, dans le cas de Clotilde, adresser de telles paroles à un homme distingué et de cet ordre, à quelque illustre membre de l’Académie des sciences à qui elle aurait tant fait que de se donner.
Achille, Alexandre, dans l’antiquité ; dans le moyen âge Attila, Charlemagne, sont dans ce cas. […] n’est-ce pas faire un peu comme le Saint-Simonisme qui voulut opérer en une ou deux années une transformation religieuse, laquelle, dans tous les cas, demanderait des demi-siècles ? […] » Cette concurrence, qui fait peut-être le prix des thèmes et poésies populaires, est médiocrement favorable, nous le croyons, aux monuments des génies individuels, vastes et consommés ; dans tous les cas, elle cesse du moment qu’un de ces génies a pris possession de l’œuvre et l’a consacrée de son sceau.
C’est que son cas n’est pas unique. […] Qu’ils se taisent et rentrent en eux-mêmes c’est le cas de le dire. […] Tel est le cas de nos tolstoïstes.
Mais l’essentiel est que ce droit un peu vague, bien que si réel, ne soit jamais supprimé, et que jamais les doctrines régnantes, au nom même du salut commun, ne puissent dire au poète, au littérateur, à l’érudit curieux, comme dans la banlieue d’une place de guerre le génie militaire dit à l’honnête homme, qui a sa métairie avec son petit bois et sa source d’eau vive : « Monsieur, nous avons besoin de ce petit coin qui vous sourit : il entre dans nos lignes, il nous le faut ; voilà le prix, soyez content, mais vous n’y rentrerez pas. » Ceux qui vivent des lettres, de l’amour des livres et des études, de ces passions après tout innocentes et désintéressées, peuvent céder un moment ce coin de leur être et le prêter à la chose et à la pensée publique, ils le doivent dans les cas urgents ; mais, ce cas cessant, ils rentrent de plein droit dans leur domaine. […] Dans tous les cas, il y a loin de cet honnête homme, ainsi qualifié indulgemment par Frédéric, à un Tibère.
C’est dire qu’en aucun cas la sociologie ne saurait emprunter purement et simplement à la psychologie telle ou telle de ses propositions, pour l’appliquer telle quelle aux faits sociaux. […] Et c’est ce que nous avons reconnu nous-même être parfois nécessaire en sociologie ; car il y a des cas où le caractère de contrainte n’est pas facilement reconnaissable (voir p. 19). […] Mais tôt ou tard, même dans ce dernier cas, on rencontre une limite qui ne peut être franchie.