Il a eu ce bonheur posthume de la flûte et du tambourin ! […] Et, dernier bonheur que lui donna le style, ce fut par le style qu’il se maria. […] » Et le style, en effet, le tenait si fort, cet homme de style, marié grâce à son style, qu’il raconta le bonheur de son mariage dans un feuilleton enivré et resté célèbre, trouvant, cet enfant gâté du bonheur, que c’était augmenter son bonheur que de récrire, tant il était écrivain ! […] Il n’était pas plus fat de son bonheur conjugal que des autres bonheurs de sa vie. […] Mais voyez encore le bonheur de cet homme heureux.
Il y a donc toujours un bonheur certain attaché à de tels liens, l’accomplissement de ses devoirs. Mais j’ai dit dans l’introduction de cet ouvrage, qu’en considérant toujours la vertu comme la base de l’existence de l’homme, je n’examinerais les devoirs et les affections que dans leur rapport avec le bonheur ; il s’agit donc de savoir maintenant, quelles jouissances de sentiment, les pères et les enfants peuvent attendre les uns des autres. […] Le cœur tend à l’égalité, et quand la reconnaissance se change en véritable tendresse, elle perd son caractère de soumission et de déférence : celui qui aime, ne croit plus rien devoir ; il place au-dessus des bienfaits leur inépuisable source, le sentiment, et si l’on veut toujours maintenir les différences, les supériorités, le cœur se blesse et se retire ; les parents cependant ne savent, ou ne veulent presque jamais adopter ce nouveau système, et la différence d’âge est, peut-être, cause qu’ils ne se rapprochent jamais de vous que par des sacrifices ; or il n’y a que l’égoïsme qui sache s’arranger du bonheur avec ce mot là. […] Sans cesse la main de fer de la destinée repousse l’homme dans l’incomplet, il semble que le bonheur est possible par la nature même des choses, qu’avec une telle réunion de ce qui est épars dans le monde, on aurait la perfection désirée ; mais dans le travail de cet édifice, une pierre renverse l’autre, un avantage exclut celui qui doublait son prix ; le sentiment dans sa plus grande force est exigeant par sa nature, et l’exigence détruit l’affection qu’elle veut obtenir. […] La conclusion que j’ai annoncée, c’est que les âmes ardentes éprouvent par l’amitié, par les liens de la nature, plusieurs des peines attachées à la passion, et que par-delà la ligne du devoir et des jouissances qu’on peut puiser dans ses propres affections, le sentiment, de quelque nature qu’il puisse être, n’est jamais une ressource qu’on trouve en soi, il met toujours le bonheur dans la dépendance de la destinée, du caractère, et de l’attachement des autres.
Ellénore a déjà aimé ; elle a déjà connu toutes les angoisses et tous les égarements de la passion ; elle s’est isolée du monde entier, pour assurer le bonheur de celui qu’elle a préféré. […] Ce qu’il faut au cœur d’Adolphe, ce n’est pas un amour mystérieux et timide ; si toute la terre devait ignorer qu’il est aimé, si son bonheur devait rester dans l’ombre, il n’en voudrait pas. […] Il ne rougira pas de honte et de colère en écoutant ces propos tenus à demi-voix, qui font du bonheur une nouvelle où les secrets du foyer se discutent comme la marche d’une armée. […] Ils n’exalteront plus leur bonheur, mais ils accepteront la satiété comme une expiation, et ils commenceront une nouvelle épreuve, celle de l’intimité sans amour et sans mensonge. […] car ils ont au moins, pour se consoler pendant le reste de la route, le souvenir du bonheur passé ; ils peuvent se rappeler dans une amitié durable un amour évanoui ; ils assistent muets aux funérailles de leur enthousiasme, et en parlent sans amertume comme d’un fils emporté par la guerre.
Ce qu’il faut donc le plus soigner parmi nos moyens de bonheur, c’est la puissance de la contemplation. […] Le Christianisme, au contraire, place le bonheur avant tout dans les impressions qui nous viennent par la conscience. […] Si ce n’est l’ordre d’exister sans bonheur et d’abdiquer chaque jour, fleur après fleur, la couronne de la vie. […] il restait à ces amis fidèles un an peut-être, du moins un jour pour se voir et pour s’entendre, et volontairement ils ont anéanti ce bonheur ? […] J’ai craint de n’être plus résignée ; vous l’avez vu, mon cœur a trop d’attachement au bonheur, il n’y fallait pas retomber.
Les travaux physiques apportent à une certaine classe de la société, par des moyens absolument contraires, des avantages à peu près pareils dans leurs rapports avec le bonheur. […] On peut proposer au génie, de se plaire dans ses propres progrès, au cœur, de se contenter du bien qu’il peut faire aux autres ; mais aucun genre de réflexion ne peut donner du bonheur dans le néant d’une éternelle oisiveté. […] Quand Rousseau a peint les premières impressions de la statue de Pigmalion, avant de lui faire goûter le bonheur d’aimer, il lui a fait trouver une vraie jouissance dans la sensation du moi. […] Tout, hors la pensée, parle de destruction ; l’existence, le bonheur, les passions sont soumises aux trois grandes époques de la nature, naître, croître et mourir ; mais la pensée, au contraire, avance par une sorte de progression dont on ne voit pas le terme ; et, pour elle, l’éternité semble avoir déjà commencé. […] et lorsque le hasard a pu combiner ensemble la réunion la plus fatale au bonheur, l’esprit et la sensibilité, n’abandonnez pas ces malheureux êtres destinés à tout apercevoir, pour souffrir de tout ; soutenez leur raison à la hauteur de leurs affections et de leurs idées, éclairez-les du même feu qui servait à les consumer !
Mais il ne possède que sa conception du bonheur. […] Même le mastroquet factieux correspond à une conception plus légitime du bonheur, puisqu’il vend une drogue malsaine, oui, mais créatrice de rêves émancipateurs. […] À l’origine, sa naïveté ne s’est pas posé la question : dès l’instant qu’il s’adonnait au bonheur des voisins, ce bonheur s’épanouirait. […] Celle-ci ne chercherait pas d’ailleurs à fomenter le bonheur, qui n’est point un article monopolisable par quelque gouvernement que ce soit. […] Le bonheur est un état d’âme, un état de notre âme, conçu par elle.