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389. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Dans les bras de ce Dieu, cette Déesse nue Dissipe l’épaisseur d’une profonde nue, Et paroît, à nos yeux, telle que le Soleil, Sur les bords d’Orient, au point de son réveil : Son teint blanc & vermeil montre son innocence ; Les Princes & les Dieux redoutent sa puissance : C’est elle qui confond l’artifice & l’erreur, Qui rend aux bons l’amour, aux méchans la terreur.

390. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 343-347

Peu m’importe, disoit Scaliger, de savoir si Montagne aime le vin blanc, ou le vin clairet.

391. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre IV. Effet pittoresque des ruines. — Ruines de Palmyre, d’Égypte, etc. »

Une guirlande vagabonde de jasmin embrasse une Vénus, comme pour lui rendre sa ceinture ; une barbe de mousse blanche descend du menton d’une Hébé ; le pavot croît sur les feuillets du livre de Mnémosyne : symbole de la renommée passée, et de l’oubli présent de ces lieux.

392. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Il ne permettait guère à la critique, même la plus bienveillante et la plus admirative, de prendre ses mesures et encore moins à la biographie de s’orienter autour de son œuvre ou de sa personne ; il a défendu, même au plus pieux et au plus filial des éditeurs, qu’un seul mot de préface fût mis en tête de ses Œuvres posthumes : il considérait volontiers tout appareil de ce genre comme un tréteau au pied d’une statue, comme une baraque au pied d’un temple ; mais lui-même, et ne se confiant qu’à lui seul, il dégageait et dressait amoureusement sur son socle de marbre blanc une figure élevée, pure, une image sereine, chaste, éblouissante, austère et sans tache, sa forme incorporelle, si l’on peut dire. […] C’est bien Alfred de Vigny dans un salon, à vingt-cinq ans ; le poète s’adresse en idée aux belles danseuses : Dansez, et couronnez de fleurs vos fronts d’albâtre Liez au blanc muguet l’hyacinthe bleuâtre, Et que vos pas moelleux, délices de l’amant, Sur le chêne poli glissent légèrement ; Dansez, car dès demain vos mères exigeantes A vos jeunes travaux vous diront négligentes ; L’aiguille détestée aura fui de vos doigts, Ou, de la mélodie interrompant les lois, Sur l’instrument mobile, harmonieux ivoire, Vos mains auront perdu la touche blanche et noire ; Demain, sous l’humble habit du jour laborieux, Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux… Que ceux qui tiennent à étudier les nuances poétiques et les progressions fugitives du goût relisent tout le morceau ; ils y verront, dans le plus gracieux exemple, cette poésie choisie, élégante, mais de transition, qui cherchait à s’insinuer dans la vie, dans les sentiments et les mœurs du jour, en évitant toutefois le mot propre : poésie des Soumet, des Pichald, des Guiraud, de ceux qui louvoyaient encore. […] Or, cette larme donnée par l’amitié, cette larme divine du Fils, recueillie dans l’urne de diamant des séraphins et portée aussitôt aux pieds de l’Éternel, s’anime sous le rayon de l’Esprit-Saint et devient tout d’un coup une forme blanche et grandissante, un ange, qui répond au nom d’Éloa. […] C’est éblouissant de ton, de touche, et d’une magnificence élégante que la poésie française n’avait point connue jusqu’alors. — Et au chant II, cette autre comparaison d’Éloa, se mirant dans le Chaos, avec la fille des montagnes se mirant dans un puits naturel et profond où l’eau pure amassée réfléchit les étoiles : elle s’y voit, comme dans un ciel, le front entouré d’un brillant diadème. — Et dans le même chant, cette comparaison encore (car les comparaisons ici se succèdent et ne tarissent pas) de la jeune Écossaise, vaguement apparue au chasseur dans la nuée, au sein de l’arc-en-ciel, avec la belle forme vaporeuse de l’ange ténébreux aperçu de loin d’abord par Éloa ; — et au chant III, cette dernière image enfin, cette description si large et si fière de l’aigle blessé qui tente un moment de surmonter sa douleur, et qui ressemble plus ou moins au même archange infernal avec sa plaie immortelle : Sur la neige des monts, couronne des hameaux, L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies, Dont le vol menaçait ses blanches bergeries, Hérissé, l’oiseau part et fait pleuvoir le sang, Monte aussi vite au ciel que l’éclair en descend, Regarde son soleil, d’un bec ouvert l’aspire, Croit reprendre la vie au flamboyant empire ; Dans un fluide d’or il nage puissamment.

393. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

La villa était flanquée du côté du nord par une muraille végétale de hauts et noirs cyprès qui la garantissaient du souffle des Alpes allemandes ; du côté du midi et de l’orient, elle était entourée de belles terrasses enchâssées de caisses d’orangers qui formaient voûte de feuilles sur la terre, et, quand le vent de mer les secouait, tapis de fleurs blanches sous les pieds. […] Le reste du temps appartenait à la solitude ; par moment le bruit d’une fenêtre qui s’entrouvrait en battant mélancoliquement contre la muraille, et le bras blanc de la comtesse Léna ou de sa fille qui écartait doucement le rideau pour laisser rentrer le demi-jour dans leur chambre, appelaient l’attention : un petit bâillement sonore qui s’échappait à haute voix de leurs lèvres au réveil, un doux et tendre oïmè ! […] et pour regarder cette blanche main qui se retirait sous sa manche de soie noire, après avoir écarté le contrevent. […] « J’apparus au balcon comme à l’ordinaire, vêtue de la robe de Ginevra ; ma parure blanche éclatait au loin sous les reflets de la lune ; ma taille et mon visage, qui ressemblaient à la taille et au visage de ma maîtresse, me faisaient confondre avec elle ; l’astucieux duc d’Albanie s’approche à pas furtifs, saisit l’échelle que je lui jette et monte sur le balcon. » — Passez une stance inutile, dit le chanoine au professeur ; elle ne méritait pas un sinet, mais un silence. » Le professeur omit la stance et poursuivit. […] Le chanoine nous quitta tout pensif pour aller dire ses vêpres dans la longue allée de lauriers ; la comtesse fit dételer les chevaux et descendit avec sa fille et moi de la terrasse vers une pente d’herbes en fleurs d’où l’on voyait plus librement la mer Adriatique traversée çà et là de quelques voiles latines blanches ou peintes en ocre, semblables à des oiseaux à divers plumages.

394. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

V Après l’avoir traversée dans un bac, on roule rapidement dans une plaine aride et rocailleuse, sous les coteaux chargés de vignobles et de maisons blanches du beau village d’Ambérieux ; puis la plaine s’étrangle et s’assombrit entre deux hautes chaînes de montagnes, et on pénètre avec une secrète terreur dans les gorges célèbres de Saint-Rambert. […] De toutes ses fenêtres le regard tombe ou sur des jardins plantés de bouquets de charmille, ou sur un coteau où les vignes hautes d’Italie sont entrecoupés de larges sillons de culture et d’arbres fruitiers, amandiers, pêchers, aux fleurs précoces, aux feuilles sans ombre, ou sur de vertes prairies fuyantes à l’horizon, dans lesquelles paissent de blanches génisses. […] VII Et les enfants viendraient, penchés sur tes eaux vives, Regarder ce que Dieu sous la vague accomplit, Et le sacré vieillard qui me guide à tes rives S’assoirait pour prier sur les fleurs de ton lit,              Et de ses saisons passées              Les images retracées              Feraient jouer ses pensées              Autour de ses cheveux blancs,              Comme, quand l’hiver assiège              Le chaume qui les protège,              On voit dehors, sur la neige, Au seuil de leurs maisons jouer de blonds enfants ! […] I Quand ton front brun fléchit sous la cruche à deux anses Où tu rapportes l’eau du puits pour le gazon ; Quand, la nuit, aux lueurs de la lune, tu danses Sur le toit aplati de la blanche maison, Et que ton frère enfant, pour marquer la cadence, Pinçant d’un ongle aigu les cordes de laiton, Fait gronder la guitare ainsi qu’un hanneton, Jeune fille aux longs yeux, sais-tu ce que je pense ? […] Il regardait ton front de honte coloré, Et l’eau que le bouquet de tamarisque étanche Ruisselait de sa lèvre et de sa barbe blanche, Comme à travers les joncs s’égoutte l’eau d’un pré.

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