Les factions servent au développement de l’éloquence, tant que les factieux ont besoin de l’opinion des hommes impartiaux, tant qu’ils se disputent entre eux l’assentiment volontaire de la nation ; mais quand les mouvements politiques sont arrivés à ce terme où la force seule décide entre les partis, ce qu’ils y adjoignent de moyens de parole, de ressources de discussion, perd l’éloquence et dégrade l’esprit au lieu de le développer. […] L’âme a besoin d’exaltation ; saisissez ce penchant, enflammez ce désir, et vous enlèverez l’opinion. […] L’éloquence ayant toujours besoin du mouvement de l’âme, ne s’adresse qu’aux sentiments des hommes, et les sentiments de la multitude sont toujours pour la vertu.
Les lecteurs du xviiie siècle, d’autre part, esprits légers, mondains, incapables d’une attention longue et soutenue, avaient besoin qu’on leur divisât extrême-nient la matière : ils ne prenaient rien qu’à petite dose, et il fallait tout morceler. […] Ce sera ce qu’on peut appeler la loi d’économie : on mettra chaque idée là où elle devra prendre le plus de force et produire le plus d’effet, là aussi où elle pourra le mieux s’acquitter de toutes les fonctions qui lui appartiennent, de façon qu’il n’y ait pas besoin de la rappeler dans le cours de l’ouvrage. […] On a cédé à une liaison naturelle des choses, et de fil en aiguille on est arrivé à dire ce qu’on n’avait pas besoin de dire encore : plus tard, quand le moment est venu de placer l’idée, quand on ne peut plus s’en passer, pour ne pas avoir à défaire l’ouvrage fait et à tout recommencer, par paresse, on aime mieux la répéter que de la retirer de l’endroit où elle s’était glissée à tort.
Il serait d’ailleurs excellent de remettre Michelet à la mode, parce qu’il a été une des grandes âmes les plus aimantes et les plus croyantes de ce siècle, et que nous avons surtout besoin qu’on nous réchauffe un peu. […] Il insiste avec une complaisance extrême sur les particularités physiologiques qui la distinguent de l’homme ; au besoin il en inventerait. « La femme ne fait rien comme nous. […] Si elle a faibli, d’autant plus elle a besoin de vous.
Au lieu de choisir parmi ces parures, la plus riche ou la plus modeste, selon les besoins de la fête, il essaye successivement les rubis et les topazes, il jette sur les épaules de sa pensée un collier de perles qu’il n’attache pas, une rivière de saphirs et d’émeraudes qui ont le même sort, et toute cette prodigalité reste au-dessous de l’élégance. […] Les femmes aiment la spiritualité, la douceur ; elles n’ont pas besoin de revêtir leurs émotions d’un caractère exceptionnel, leur cœur étant très accessible à la poésie des sentiments communs ; par là et par d’autres traits, il semble que l’âme du grand poète, qui avait exprimé ces choses avec tant de puissance, appartienne elle-même au type féminin, si l’on ajoute à ce type la force qui s’y joint pour former la figure de l’ange. […] Dans un petit choix d’œuvres et de pièces, nous ramassons les titres de Lamartine, et ces titres sont immortels, comme l’âme et ses besoins, comme la poésie, comme les sentiments qui en sont la source constante et qu’il a exprimés avec une force, une élévation, un charme que rien ne surpasse, que peut-être rien n’égale.
Il n’a pas besoin de recourir à des objets étrangers ; il n’a qu’à descendre en lui-même qu’à fouiller cette mine riche & profonde qui recéle des trésors inconnus. […] Qu’à-t-il besoin des mœurs factices & artificieuses de son siécle ? […] Active imagination, tu es la source & la gardienne de nos plaisirs ; ce n’est qu’à toi que nous devons l’agréable illusion qui nous flatte ; tu sçais fournir à notre cœur les plaisirs dont il a besoin ; tu rappelles nos voluptés passées, & tu nous fais jouir de celles que l’avenir nous promet ; tu plais sur-tout à l’esprit ; c’est ta flamme subtile & légere qui colore & les Cieux & la terre & les Mers ; sans toi l’ame se refroidit, la fleur la plus précieuse de notre sensibilité tombe, se fanne, & tous les charmes de la vie disparoissent ; tu distingues dans les Arts celui qui est né avec du génie ; la pensée la plus profonde s’évanouit, si elle n’est revêtue de tes couleurs ; tu as peut-être découvert plus de vérités que la raison même, car tu joins la force à l’agrément, la persuasion à l’autorité ; tout ce qui est vif, délicat, riant est de ton ressort ; oui, tu es le miroir heureux où se peignent, se multiplient, s’embellissent tous les objets de la Nature.
Mais ce n’était pas assez pour cette âme avide d’instruction et pressée du besoin de s’agrandir. […] À la mort de Scarron, sa veuve se trouva dans le besoin. […] C’est à ce prix qu’était la considération pour elle, cette considération qui, dans le monde, devait lui tenir lieu de la fortune si nécessaire pour en concilier un peu aux gens sans mérite, cette considération qui sans doute ne met pas absolument au-dessus du besoin, mais du moins aide puissamment à en sortir, en fait toujours sortir sans déshonneur, parce qu’elle intéresse l’honneur même d’un grand nombre de nobles amis à préserver de tout avilissement l’objet de leur affection et de leur estime.