… Assurément, quand on parcourt l’inventaire d’hommes et de choses que nous venons de traverser d’un regard, et qui forme la philosophie française au xixe siècle, il faut bien avouer qu’un philosophe un peu carré de base n’a pas besoin de l’être beaucoup du sommet pour se faire à bon marché une très belle gloire, à plus forte raison quand il a les facultés de grande volée que l’abbé Gratry a montrées en ces deux volumes qui ne sont, nous le répétons, que les prodromes d’un système intégral arrêté et creusé depuis de longues années dans la pensée de son auteur. […] Homme d’un grand sens et d’une érudition qu’il respecte trop pour la fouler aux pieds, l’abbé Gratry ne s’exagère pas les proportions de son mérite, parce qu’il n’a pas besoin de les exagérer. […] N’est-il pas des esprits dont la misère est d’avoir besoin d’une tautologie pour comprendre, et qui n’entendraient rien aux mots les plus profonds dits par la religion aux hommes, si la philosophie ne venait les leur répéter ?
Avant de parler du Fils, n’était-il pas besoin de parler du Père ? […] Gratry n’aura guères d’action que sur les gens qui pensent comme lui, et qui, par conséquent, n’ont pas besoin d’être ramenés ou convaincus. […] Mais, pour notre part, nous remercions très fort Caro de ce verre d’eau, limpide et frais, qu’il nous donne, et dont nous avions un cruel besoin après ces effroyables boissons que nous avons, tout ce temps, été obligés d’absorber, et qui nous ont été versées par tant d’empoisonneurs contemporains !
La Louise 10 d’Édouard Gourdon est, au contraire, une œuvre courte, fine, passionnée, sans grands événements extérieurs, un de ces livres dont le sens se perd un jour mais se retrouve l’autre, car il est éternel comme le cœur ; livres brefs, mais pleins, qui n’ont besoin pour intéresser le lecteur que d’une seule situation profondément creusée ou d’un seul sentiment éloquemment exprimé. […] Prenez-le comme il est là, assis sur ce banc, qui est probablement le banc de pierre du corps de garde, son képi posé près de lui avec ses deux simples contre-épaulettes, sa large poitrine, qui n’a pour toute décoration que son pauvre cœur intrépide, et son sabre, entre ses deux jambes écartées, sur lequel il s’appuie comme sur un ami sans avoir besoin de le regarder : il est, en vérité, à sa façon, aussi simple que M. de Turenne, ce soldat d’hier mort aujourd’hui tout entier, mais dans l’ombre du drapeau, qui vaut presque la gloire ! […] Ce qui manque, en effet, à ce soldat, ce qui fait tache à sa physionomie, c’est la foi religieuse, qu’on avait moins qu’à présent du temps de Jean Gigon dans l’armée, et dont l’enfant trouvé, devenu soldat pour mourir soldat, devait avoir encore plus besoin que le maréchal de Turenne.
Donc toutes les fois que par la nature du sujet qu’on traite, on n’a point à exprimer ces nuances, et qu’on n’a besoin que du sens général, chacun de ces synonymes peut être indifféremment employé. […] Réservons nos efforts pour les occasions où ils sont absolument nécessaires ; nous n’en aurons besoin que trop souvent. […] Tout cela prouve suffisamment, ce me semble, qu’un orateur vivement et profondément pénétré de son objet, n’a pas besoin d’art pour en pénétrer les autres. […] La musique a besoin d’exécution ; elle est muette et nulle sur le papier : de même l’éloquence sur le papier est presque toujours froide et sans vie ; elle a besoin de l’action et du geste : ces deux qualités lui sont encore plus nécessaires que l’élocution ; et ce n’est pas sans raison que Démosthène réduisait à l’action toutes les parties de l’orateur. […] Ce passage d’un si grand maître servirait à confirmer tout ce que nous avons dit dans cet article sur l’élocution considérée par rapport à l’éloquence, si des vérités aussi incontestables avaient besoin d’autorité.
Pour se maintenir dans les régions poétiques, elle a besoin d’un perpétuel effort de volonté. […] Dans la peinture des souffrances ou dans l’élégie, le besoin d’exagération se fait sentir moins vivement ; mais ce besoin trouve satisfaction à l’insu même du poète. […] Ne pas chanter parce qu’il n’apercevrait pas autour de lui un besoin évident qui demande un organe, ce serait de sa part une défiance puérile. […] Tout cela s’explique de soi-même et n’a pas besoin de réfutation. […] La comédie, renfermée dans l’étude exclusive du ridicule, sent le besoin d’agrandir et d’élever le sujet de sa contemplation.
Mais il n’a pas besoin de les inventer. […] Au besoin je restreindrai mon enquête pour la rendre plus précise. […] Nous nous expliquons ce besoin de pousser la convention jusqu’à ses dernières limites. […] L’art décoratif n’a plus besoin d’être réhabilité. […] Mais elle a besoin d’aliments.